Après la chute de Bachar al-Assad et l’arrivée au pouvoir de rebelles en Syrie, plusieurs pays européens dont l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie, ont annoncé un gel des procédures de demandes d’asile. Plusieurs partis politiques ont également ouvert la voie au retour des réfugiés syriens dans le pays. Un débat qui soulève des questions politiques et juridiques.
Présidentielle américaine 2024 : « Ce qui caractérise Kamala Harris, c’est une énorme volonté, une grande ambition et une pugnacité hors du commun »
Par Henri Clavier
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« Si je suis la première, je ne serai pas la dernière », tweetait Kamala Harris le 8 novembre 2020 après la victoire de Joe Biden à l’élection présidentielle. Il faut dire que l’actuelle vice-présidente des Etats-Unis crée souvent l’événement. Première femme élue vice-présidente des Etats-Unis, elle était également la première à devenir procureure du district de San Fransisco et la première à parvenir à la fonction de Procureure générale de Californie. Une trajectoire fulgurante depuis 2004 qui pourrait la propulser à la Maison Blanche. Après le retrait de Joe Biden, elle apparaît comme la démocrate la mieux placée pour reprendre l’investiture du parti. De quoi réaliser une performance inédite et devenir la première femme à s’installer dans le Bureau Ovale ? Désormais adoubée par Joe Biden, Kamala Harris peut empêcher Donald Trump de revenir au pouvoir.
Fille d’un père jamaïcain et d’une mère indienne, Kamala Harris grandit en Californie du Nord dans la région de San Francisco. « Elle est issue d’un milieu social aisé, ses parents travaillent dans le monde de l’enseignement et de la recherche. Tous les deux ont fait des études supérieures, enseigné et fait de la recherche aux Etats-Unis. Elle baigne dans le milieu académique et militant », explique Olivier Piton, auteur de « Kamala Harris, la pionnière de l’Amérique » aux éditions Plon, 2021. Ce dernier rappelle d’ailleurs que les parents de Kamala Harris se rencontrent durant une manifestation en faveur des droits civiques, dans les années 1960. Si dans un premier temps elle se destine uniquement à une carrière juridique, elle se lance finalement en politique au tournant des années 2000 et gravit progressivement les échelons avant de devenir sénatrice en 2017.
Une trajectoire politique fulgurante
« Elle se prédestine au droit assez rapidement. Kamala Harris tombe un peu par accident dans le milieu politique, mais à chaque fois qu’elle se présente quelque part elle réussit alors qu’elle n’est pas forcément favorite », note Olivier Piton. Kamala Harris débute en tant que procureure adjointe dans un comté de Californie. Sa rencontre et sa relation avec le maire de San Francisco, Willie Brown, font prendre un autre tournant à sa carrière. « Son entrée en politique doit beaucoup à sa relation avec le maire de San Francisco, Willie Brown qui lui ouvre un certain nombre de portes, grâce à son réseau. Elle se destinait avant tout à une carrière de juriste, mais la frontière entre une élection pour devenir procureur et pour devenir sénatrice est maigre aux Etats-Unis », souligne Olivier Piton. En 2004, elle se lance pour devenir procureure du district de San Francisco et parvient à déjouer les pronostics face au procureur sortant. En tant que procureur, elle met l’accent sur l’éthique, la fermeté et la morale. Malgré plusieurs polémiques, elle devient procureure générale de Californie en 2011. « Son engagement pour les droits civiques et contre le racisme est assez marginal dans son parcours politique, elle a été critiquée pour son manque d’engagements en Californie pour l’égalité devant la justice », note Alexis Pichard. En effet, elle refuse de lancer des enquêtes après la mort de deux afro-américains après des tirs de policiers en 2014 et 2015.
Volonté et pugnacité, la clé du succès à Washington
Solidement insérée dans le paysage politique californien, Kamala Harris prend le relais de la sénatrice sortante, Barbara Boxer, et se retrouve, en 2017 propulsée à Washington. Si Joe Biden faisait de sa capacité à battre Donald Trump la principale raison du maintien de sa candidature, c’est en s’opposant au républicain que Kamala Harris se fait connaître. A Washington, son style dénote et fait la différence. « Durant ses années en tant que sénatrice, elle s’est distinguée durant des auditions sur Brette Kavanaugh pour la Cour suprême. Elle intervenait à nouveau comme une procureure avec des répliques cinglantes. C’est à ce moment-là qu’elle s’est confrontée frontalement à l’administration Trump. Elle s’est fait remarquer en 2019 pour sa fermeté dans l’audition de William Barr sur les ingérences russes, alors procureur général des Etats-Unis », rappelle Alexis Pichard.
« Ce qui caractérise Kamala Harris, c’est une énorme volonté, une grande ambition et une pugnacité hors du commun », avance Olivier Piton, auteur de « Kamala Harris, la pionnière de l’Amérique » aux éditions Plon, 2021. « Elle est souvent qualifiée de femme implacable et de femme de poigne, on la présente comme une débatteuse hors pair, son talent oratoire est vanté », abonde Alexis Pichard, docteur en civilisation américaine et enseignant à l’Université Paris-Nanterre. Durant la campagne de 2020, elle brille tout particulièrement lors du débat face au vice-président sortant, Mike Pence. Malgré une trajectoire exceptionnelle à Washington, l’ancienne procureure connaît ses premiers échecs en politique et ne parvient pas à présenter sa candidature pour obtenir l’investiture démocrate. Néanmoins, son amitié avec Beau Biden, fils de l’ancien colistier de Barack Obama, et son profil lui permettent de s’imposer comme la personnalité idéale pour compléter le ticket présidentiel de Joe Biden.
Une vice-présidence discrète
Une force de caractère et une détermination qu’elle a eu davantage de difficultés à manifester dans les coulisses du pouvoir. En effet, le poste de Vice-président n’offre aucun pouvoir particulier mis à part celui de pouvoir remplacer le Président des Etats-Unis. En retrait, elle peine à obtenir des résultats sur les dossiers qui lui sont confiés par Joe Biden, à savoir la lutte contre l’immigration illégale et ses causes. « Ce qui a été dommageable pour elle c’est qu’au début du mandat, Joe Biden lui a confié la mission, de l’immigration illégale. Elle a été critiquée pour son manque d’investissement, pour ses résultats sur cette thématique et qui peut expliquer sa mise en retrait par rapport à une vice-présidence que l’on imaginait active », assure Alexis Pichard. Compte tenu de l’âge de Joe Biden et de l’itinéraire politique de Kamala Harris, beaucoup d’observateurs misaient sur une vice-présidence très active de l’ancienne procureure. Pire, la pugnacité et la combativité qu’on lui prête sont presque démenties par sa difficulté à obtenir des résultats sur les sujets migratoires. 15 mois après sa prise de fonction, la vice-présidente n’avait passé que 3 jours en Amérique latine.
La candidature de Kamala Harris, signe d’un renouveau de la vie politique américaine ?
Même si sa vice-présidence n’a pas été à la hauteur des attentes, son bilan reste bon et confirme ses principales forces. En restant loyale à Joe Biden, même au plus fort de la tempête, Kamala Harris accrédite l’image d’une femme politique droite et éthique. « Elle a été extrêmement fidèle à Joe Biden, elle était toujours à ses côtés et ne l’a jamais lâchée. Elle est reconnue pour son éthique et ses positions morales assez forte, comme sur l’avortement depuis la remise en cause de l’arrêt Roe v Wade. Elle s’est emparée du sujet de l’avortement, Harris a parcouru le pays pour rappeler sa position sur le droit des femmes à recourir à l’interruption volontaire de grossesse le sujet. Ça renforce sa position et son charisme », souligne Alexis Pichard. En mars 2024, elle a d’ailleurs été la première vice-présidente américaine à visiter une clinique pratiquant l’avortement.
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Assez pour incarner une nouvelle Amérique débarrassée d’une classe politique vieillissante ? Pas forcément. Déjà parce que Kamala Harris a presque 60 ans et qu’elle ne révolutionne pas la politique américaine par ses prises de position. « Il y a une vraie demande de la part des démocrates, sa candidature a permis de lever des dizaines de millions de dollars la nuit dernière. Il y a un enthousiasme sur sa candidature et une grosse envie de voir la classe politique se renouveler. Ce renouveau est attendu depuis longtemps mais il demeure ambigu car elle est centrale dans le parti démocrate et pas forcément plus à gauche que Joe Biden sur les sujets de sécurité par exemple », explique Alexis Pichard. Une modernité que l’on n’avait pas vue depuis Barack Obama selon l’américaniste. S’il faut se méfier de ces rapprochements, les candidatures de Kamala Harris et de Barack Obama présentent des similitudes. « Ce qu’ils ont de commun c’est de briser un plafond de verre, ils incarnent une possibilité. Le choix du colistier pourrait les rapprocher davantage. Barack Obama avait choisi Joe Biden pour ne pas se couper de l’électorat des Etats du Sud, beaucoup plus conservateurs, c’est aussi à travers le choix de son colistier que l’on pourra faire des rapprochements avec Barack Obama », tranche Alexis Pichard.
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