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“Poutine est en train d’orchestrer des guerres de nouvelles formes” alerte Bernard Guetta

Ingérence dans des élections, financement de partis pro-russes, désinformation en ligne, sabotages d'infrastructures européennes, cyberattaques : la Russie de Vladimir Poutine semble prête à user de tous les moyens pour déstabiliser les Européens, soutiens de l'Ukraine. Une guerre dite "hybride" face à laquelle les 27 semblent mal armés pour répondre. Décryptage dans "Ici l'Europe", avec les eurodéputés Bernard Guetta (Renew, France) et András László (Patriotes, Hongrie).
Rédaction Public Sénat

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Pour Bernard Guetta, le constat est clair : il y a la guerre “tragiquement classique” en Ukraine; et puis il y a une autre guerre, “hybride“, invisible et non-militaire, à l’œuvre en Europe… L’eurodéputé Renew, fin connaisseur des questions géopolitiques et de la Russie, l’affirme : “Vladimir Poutine est en train d’orchestrer des guerres de nouvelles formes en Europe“. Avec pour objectif de déstabiliser les Européens, alliés de l’Ukraine.

Une guerre hybride, mais aussi protéiforme. Ingérences, désinformation, cyberattaques : les nouvelles technologies en particulier offrent un nouveau terrain de lutte pour la Russie. “C’est de la manipulation, comme cela s’est toujours vu dans l’histoire, résume Bernard Guetta, sauf que la manipulation aujourd’hui relève de la haute technologie et non pas des Mata-Hari.”

Il y a quelques semaines, le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, a ainsi averti que Moscou menait “une campagne de plus en plus intense d’attaques hybrides” et que la ligne de front de la guerre menée par la Russie en Ukraine s’était étendue. L’eurodéputé hongrois András László, membre du parti Fidesz du premier ministre Viktor Orban, réputé proche de Poutine, ne dément pas le phénomène. “[Pour] la Russie mais pas seulement la Russie, dans le monde numérique aujourd’hui cela devient de plus en plus facile de pratiquer des ingérences dans d’autres pays“, reconnaît-il.

Ingérences 

Derniers exemples en date, en Moldavie et en Géorgie, les dernières élections ont été marquées par des soupçons de fraudes orchestrés par la Russie. Résultat : en Géorgie, le camp pro-russe, ayant clamé la victoire, vient de suspendre le processus d’adhésion à l’Union. Les pays baltes réclament à ce titre que l’UE impose des sanctions aux personnalités suspectées d’avoir biaisé le jeu électoral, dont le milliardaire et ancien oligarque russe Bidzina Ivanichvili, parfois qualifié de “marionnette de Poutine”. “J’espère que [mon pays va s’opposer à ces sanctions]“, réagit András László, pour qui se qui se passe en Géorgie est “logique” et montre seulement que “le réflexe de survie fonctionne“, face à la menace russe.

Autre exemple, en Roumanie, le candidat d’extrême-droite pro-russe, a créé la surprise au premier tour de la présidentielle, passant de 2% d’intention de vote à 22% au soir de l’élection. Le rôle du réseau Tik Tok, est montré du doigt. Le Conseil suprême de défense nationale roumain a dénoncé la semaine dernière le “traitement préférentiel” accordé au candidat, pointant un “acteur étatique“, la Russie étant suspectée d’être une nouvelle fois à la manœuvre via des robots et de faux-comptes. L’UE a placée la plate-forme sous surveillance renforcée et le 6 décembre, la Cour constitutionnelle roumaine a annulé les résultats de l’élection pour “s’assurer de la validité et de la légalité” du scrutin.

Fondamentalement ce à quoi on assiste, c’est au déploiement d’une volonté de Poutine de reconstituer non seulement l’Union soviétique et le bloc soviétique, mais même de reconstituer l’empire russe, l’empire des tsars” décrypte Bernard Guetta, pour expliquer cette extension russe du domaine de la lutte.

Manipulations

Tous les pays européens sont en réalité touchés. Bernard Guetta cite une anecdote : “Il y a deux ans Poutine est interviewé sur les sanctions occidentales ; il répond : « Peut-être que cela va diminuer les importations de pays occidentaux, et que nous aurons moins de punaises de lit ! »“. L’eurodéputé s’interroge : “Si Poutine est si bien au courant (…), est-ce que (…) les services russes [n’y] seraient [pas] pour quelque chose ? La réponse est évidemment ouiLes services russes manipulent en permanence nos opinions“, conclut-il.

Alors comment répondre ? Sur ce point, l’eurodéputé doit se résoudre à un constat pragmatique : pas grand-chose… “Que voulez-vous que l’on fasse ? On proteste politiquement, on met en garde le Kremlin, mais on ne va pas déclarer la guerre à la Russie ni envoyer des troupes marcher sur Moscou. Telle est toute la difficulté de ces attaques “hybrides”, difficilement imputables, et de basse intensité.

Sur le terrain des réseaux sociaux, l’UE cependant a déjà agi. Le Règlement européen sur les services numériques (DSA) impose aux plates-formes d’analyser les risques systémiques qu’ils génèrent, notamment sur les processus électoraux et de prendre les mesures nécessaires pour atténuer ces risques.

Les 27 devront-ils aller plus loin dans la protection de leur espace numérique ? “Non”, répond András László : “Les Européens veulent plus de liberté d’expression et non pas de la censure“. Pour Bernard Guetta au contraire, “les presses libres de toutes les démocraties sont depuis toujours soumises à des lois contre la diffamation et contre la manipulation. Les réseaux sociaux doivent l’être aussi. Ce n’est pas de la censure“.

Thibault Henocque, journaliste LCP Assemblée nationale.

Retrouvez l’intégralité de l’émission en replay ici. 

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