APTOPIX Election 2024 Trump

Nouvelle tentative d’assassinat de Donald Trump : « Elle est révélatrice d’une recrudescence inquiétante de la violence politique »

Trois mois à peine après une tentative d’assassinat avortée visant le candidat républicain à la présidentielle américaine Donald Trump, une deuxième a été déjouée ce dimanche. Comment comprendre cet événement, au cœur d’une campagne pleine de rebondissements et à l’issue incertaine. Eclairages avec Maxime Chervaux, professeur à l’Institut français de géopolitique et spécialiste de la politique américaine.
Mathilde Nutarelli

Temps de lecture :

6 min

Publié le

Mis à jour le

Donald Trump a été la cible de deux tentatives d’assassinat au cours de la même campagne. Est-ce déjà arrivé ?

Les années 1960 sont la dernière période au cours de laquelle la violence politique a atteint un tel degré de gravité. Trois tentatives d’assassinat ont alors réussi : celles de John F. Kennedy, de Robert Kennedy, alors candidat à l’élection présidentielle, et de Martin Luther King. Aux Etats-Unis comme ailleurs, de nombreux projets violents sont déjoués avant de pouvoir se concrétiser. Toutefois, l’incident de juin a bien eu lieu, et celui de dimanche a été stoppé à la dernière minute. Ces deux tentatives présumées d’assassinat contre Donald Trump sont révélatrices d’une recrudescence inquiétante de la violence politique. Sous les mandats de Trump et de Joe Biden, ce phénomène a atteint des niveaux alarmants. Elles sont aussi un signe des limites des services secrets américains. Ces derniers ne disposent pas d’assez de ressources humaines pour effectuer toutes leurs missions.

Donald Trump et de nombreux élus républicains attribuent cette tentative d’assassinat à la « rhétorique » de Joe Biden et Kamala Harris. Est-ce surprenant ?

Non, pas vraiment. Les Républicains, menés par Donald Trump, sont dans l’opposition et ont tout intérêt à imputer la responsabilité aux Démocrates, plutôt qu’aux agents des services secrets eux-mêmes. En effet, les Démocrates sont actuellement au pouvoir et supervisent l’United States Secret Service. Cette stratégie permet aux Républicains d’exploiter politiquement la tentative d’assassinat, dans une optique électoraliste. Ce renversement de responsabilité rappelle la période de 2016 à 2020, lorsque les Démocrates accusaient Trump d’inciter à la violence politique par ses discours agressifs et ses attaques personnelles.

Quel peut être l’impact de cet événement sur l’électorat républicain ? Et sur les indécis ?

Sur l’électorat républicain, il y a déjà une mobilisation qui existe, puisque ce sont les Démocrates qui sont au pouvoir. Chez les personnes indécises, cela peut faire partie d’une dynamique en la faveur de Donald Trump. Il reste à voir si, d’ici la fin de semaine, un impact est visible dans les sondages. Il reste cependant assez difficile à évaluer.

Depuis l’annonce du retrait de Biden en faveur de Kamala Harris, cette dernière est dans une dynamique favorable, elle est donnée vainqueure du débat de la semaine dernière. Cet événement peut-il faire pencher la balance en la faveur de Trump ?

L’élection reste extrêmement serrée, avec des chances de victoire équivalentes pour les deux camps. Aux États-Unis, les élections se jouent souvent à l’échelle des États, et quelques milliers de voix peuvent suffire à faire basculer un État, voire l’élection entière. Des électeurs ont commencé à recevoir des bulletins de vote, mais c’est à partir de la semaine prochaine que les Etats commenceront à ouvrir le vote. Ce genre d’événement peut donc avoir un effet, et nous ne sommes pas à l’abri d’autres surprises.

Comment expliquez-vous la résurgence de la violence en politique aux Etats-Unis ?

La montée de la violence politique est déjà observable sur le plus long terme. Depuis les années 2000, la polarisation politique des Etats-Unis s’accentue, et ce d’autant plus sur des dimensions économiques, raciales, et identitaires. Cette polarisation politique est extrêmement forte. Sous le mandat de Barack Obama, on a assisté à une réaction de rejet qui s’est manifestée avec l’émergence du mouvement du Tea Party en 2009, opposé aux dépenses publiques et aux réformes sociales d’Obama. Ce mouvement, dont de nombreuses figures ont soutenu Donald Trump lors de sa campagne en 2016, a été le point de départ d’un renouveau des violences politiques. Le pays connaît alors une crise partisane et de légitimité des institutions. L’élément porteur de celle-ci est la remise en cause de l’élection de Barack Obama, ainsi que la remise en question de sa citoyenneté, par ce mouvement. De là, cette crise de la démocratie a pu continuer de grandir aux Etats-Unis, avec un nombre grandissant d’Américains et d’élus républicains qui remettent en question la légitimité des institutions politiques, avec des attaques plus violentes et personnelles dans la campagne. Cette antienne permanente de délégitimation des institutions et des élections crée de plus en plus de défiance dans la société et devient un terreau propice à la montée de la violence politique : à partir du moment où l’on trouve le personnel politique illégitime, le seul mode d’action qu’il reste est la violence. De plus, Donald Trump a clairement joué un rôle important dans ce phénomène, notamment via les attaques personnelles qu’il utilise contre ses adversaires politiques. Ajoutez à cela un fond de crise économique et les conséquences économiques et sociales de la pandémie, qui a été un facteur de remise en question de la parole politique, et l’on comprend que sur les quinze dernières années ce sentiment de crise politique soit monté crescendo.

Après l’assaut du Capitole, on aurait pu espérer une redescente de la tension, mais certains élus républicains ont contribué à entretenir ce climat de défiance. En se ralliant rapidement à Donald Trump, ils ont entraîné avec eux une grande partie de leur parti, participant à la délégitimation des résultats électoraux et renforçant le discours de Trump.

Le débat sur les armes à feu revient souvent dans le débat français concernant les Etats-Unis. Quelle est la position de Donald Trump et de Kamala Harris sur le sujet ? Est-ce un sujet porteur pendant la campagne ?

Cet événement ne va rien changer au débat autour du port des armes aux Etats-Unis. Donald Trump continuera à défendre une version extensive du second amendement, qui permet aux citoyens américains de détenir une arme. Kamala Harris continuera de défendre sa position : celle d’une détentrice d’arme à feu pour qui la défense du second amendement ne doit pas empêcher de protéger les individus et l’espace public de ces armes, en imposant des restrictions sur les gros calibres. Le débat est tranché : si vous estimez qu’il y a un danger pour le second amendement, vous votez déjà républicain et si vous souhaitez réguler davantage les armes à feu, vous votez déjà démocrate. Les sondages sont très clairs : l’inflation et l’économie, puis l’immigration, et dans une moindre mesure l’avortement, sont les sujets principaux de cette campagne. Le port des armes à feu n’est pas déterminant.

Dans la même thématique

Lebanon Israel Exploding Pagers
6min

International

Explosion de bipeurs au Liban : quatre questions sur l’opération menée contre le Hezbollah

Beaucoup d’inconnues entourent encore l’explosion simultanée de milliers de bipeurs appartenant au Hezbollah, opération pour le moment non-revendiquée. Mais un faisceau d’indices concordent pour attribuer l’attaque aux services de renseignement israéliens, dans un contexte où les tensions à la frontière entre Israël et le Liban s’intensifient.

Le

President introduces new composition of European Commission, Strasbourg, Bxl, France – 17 Sep 2024
6min

International

Commissaires européens : quelles leçons tirer de la nouvelle équipe dévoilée par Ursula von der Leyen ?

Après des semaines de négociations avec les États membres, Ursula von der Leyen a dévoilé ce 17 septembre les noms des personnalités qui l’entoureront lors de son nouveau mandat à la tête de la Commission européenne. Les profils des 27 nouveaux commissaires ont directement été recommandés par les États membres, puis validés par Ursula von der Leyen. Les candidats aux postes devront encore être auditionnés au Parlement européen, qui validera leur nomination par un vote. Comment se compose ce nouveau collège de commissaires ? De quel portefeuille la France hérite-t-elle ? Certaines personnalités risquent-elles d’être retoquées par les eurodéputés ? Décryptage. La parité, enjeu central dans l’attribution des portefeuilles de commissaires Signe des difficultés rencontrées par Ursula von der Leyen pour former cette nouvelle équipe, l’annonce de sa composition a finalement été reportée d’une semaine. Un retard qui n’a rien d’exceptionnel, souligne Francisco Roa Bastos, maître de conférences en sciences politiques à l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne : « La composition de la Commission européenne est toujours un exercice compliqué, parce qu’il faut satisfaire plusieurs logiques, de géographie, de parité, en plus des exigences des différents États membres. » Cher à Ursula von der Leyen depuis son premier mandat, c’est notamment le critère de parité qui semble avoir donné du fil à retordre à la présidente de la Commission. « Lorsque j’ai reçu les premières propositions de nomination des États membres, nous avions 22 % de femmes et 78 % d’hommes. Vous imaginez bien que c’était tout à fait inacceptable », a-t-elle déploré à l’occasion d’une conférence de presse. Finalement, le collège proposé comporte 40 % de femmes. Une répartition non-paritaire, compensée toutefois par l’attribution de quatre des six postes clés de vice-présidents de la Commission à des femmes. « Ursula von der Leyen a su faire de cet enjeu de parité un élément de négociation important dans la répartition des portefeuilles entre les différents États membres », observe Francisco Roa Bastos. Sommés de proposer le nom d’une femme pour le poste, les pays qui ont joué le jeu – notamment la Bulgarie, la Slovénie et la Roumanie – se voient en effet attribuer « des portefeuilles importants », estime-t-il. Les socialistes obtiennent un poste clé, un proche de Meloni nommé vice-président Par ordre d’importance, après Ursula von der Leyen, c’est d’ailleurs l’Espagnole Teresa Ribera qui hérite du poste le plus influent. La socialiste, ministre de la Transition écologique dans le gouvernement de Pedro Sanchez, est nommée vice-présidente de la Commission et prend en charge le portefeuille de la concurrence. Un rôle central. « Elle guidera les travaux pour que l’Union européenne reste sur les rails du Pacte vert, de la décarbonation et de la réindustrialisation », a détaillé Ursula von der Leyen. Pourquoi la présidente de la Commission européenne, membre de la droite européenne du PPE, a-t-elle attribué ce poste de premier plan à une socialiste ? « Elle a été fine stratège », estime Francisco Roa Bastos : « Avec la nomination de Teresa Ribera, il va être plus difficile pour les eurodéputés socio-démocrates de contester la composition globale du collège de commissaires, au risque de voir ce poste leur échapper ». Deuxième force politique du Parlement derrière le PPE, le groupe S&D aura en effet un rôle central à jouer dans la validation par un vote de ce nouveau collège de commissaires. Le profil de Teresa Ribera pourrait ainsi calmer les critiques venues de la gauche quant à la nomination d’un autre vice-président : Raffaele Fitto. Le choix de l’Italien, ministre des Affaires européennes au sein du gouvernement de Giorgia Meloni, est en effet vivement contesté par les eurodéputés de gauche, opposés à la nomination d’une personnalité d’extrême droite à la Commission. « La France sort affaiblie de cette séquence » Enfin, côté français, le bilan de ces nominations semble contrasté. Après la démission fracassante du commissaire européen Thierry Breton, victime de ses relations exécrables avec Ursula von der Leyen, Emmanuel Macron a finalement proposé la candidature de Stéphane Séjourné. Le ministre démissionnaire des Affaires étrangères obtient une place de choix dans ce nouveau collège : un poste de vice-président, chose que Thierry Breton n’avait pas obtenue, ainsi qu’un portefeuille dédié à la « prospérité » et à la « stratégie industrielle ». « Grâce à sa position de vice-président, Stéphane Séjourné aura une position importante et transversale au sein de la Commission, que n’avait pas Thierry Breton. Mais son portefeuille n’inclut que la politique industrielle, on peut regretter qu’il n’intègre pas des éléments de politique commerciale, notamment la concurrence », analyse Elvire Fabry, chercheuse senior à l’institut Jacques Delors. Pour Francisco Roa Bastos, la nomination de Stéphane Séjourné peut même être vue comme une « rétrogradation » par rapport au poste occupé par Thierry Breton. Sans pouvoir s’occuper des politiques centrales de concurrence, attribuées à Teresa Ribera, l’influence de Stéphane Séjourné pourrait selon lui être « limitée », comparée à celle que pouvait avoir Thierry Breton. « C’est assez clair pour tous les observateurs, la France sort affaiblie de cette séquence », tranche Francisco Roa Bastos. Pour être confirmé à son poste, le nouveau commissaire français devra dans tous les cas se soumettre au vote des eurodéputés. Un soutien qui ne semble pas acquis dans le camp des eurodéputés français. « Stéphane Séjourné hérite d’un portefeuille clé, avec possiblement plusieurs commissaires expérimentés sous ses ordres. Avec quelle expertise ? Il va se faire manger et l’influence française va payer l’addition », a par exemple raillé l’eurodéputé Les Républicains Céline Imart, auprès de l’AFP.

Le

Meta Bans Russian State Media Outlets, Asuncion, Paraguay – 16 Sep 2024
4min

International

Meta bannit les médias d'État russes sur ses plateformes pour contrer les ingérences étrangères 

La société américaine qui possède Facebook, Instagram et WhatsApp a annoncé, lundi 16 septembre, expulser le groupe Rossia Segodnia, dont fait partie Russia Today (RT), et plusieurs autres médias soutenus par Moscou. Objectif : limiter leurs activités d'ingérence sur les réseaux sociaux. Ces derniers jours, les autorités américaines avaient déjà mis en place certaines mesures contre ces organes de presse.

Le

La sélection de la rédaction

Elon Musk – Cannes LIONS
8min

International

Soutien d’Elon Musk à Donald Trump : une « stratégie circonstancielle » et une « convergence d’idées »

Après la tentative d’assassinat qui a ciblé Donald Trump, candidat à la présidence des Etats-Unis, Elon Musk a affiché ouvertement son soutien au républicain. Un ralliement qui permet à l’homme d’affaires de s’assurer de la préservation de ses intérêts, notamment de son entreprise spatiale SpaceX. Mais également la traduction d’un rapprochement idéologique entre les deux hommes.

Le

Election 2024 Trump
8min

International

Tentative d’assassinat de Donald Trump : « Une part croissante d’Américains reconnaît la violence comme un mode d’action légitime »

La tentative d’assassinat de Donald Trump, la 16ème contre un président ou ancien président des Etats-Unis, pose la question de la place de la violence dans la vie politique américaine. Une violence qui fait l’objet d’une légitimation croissante dans un système politique et médiatique dont la polarisation s’est accrue depuis une dizaine d’années.

Le