Nouvelle tentative d’assassinat de Donald Trump : « Elle est révélatrice d’une recrudescence inquiétante de la violence politique »
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Donald Trump a été la cible de deux tentatives d’assassinat au cours de la même campagne. Est-ce déjà arrivé ?
Les années 1960 sont la dernière période au cours de laquelle la violence politique a atteint un tel degré de gravité. Trois tentatives d’assassinat ont alors réussi : celles de John F. Kennedy, de Robert Kennedy, alors candidat à l’élection présidentielle, et de Martin Luther King. Aux Etats-Unis comme ailleurs, de nombreux projets violents sont déjoués avant de pouvoir se concrétiser. Toutefois, l’incident de juin a bien eu lieu, et celui de dimanche a été stoppé à la dernière minute. Ces deux tentatives présumées d’assassinat contre Donald Trump sont révélatrices d’une recrudescence inquiétante de la violence politique. Sous les mandats de Trump et de Joe Biden, ce phénomène a atteint des niveaux alarmants. Elles sont aussi un signe des limites des services secrets américains. Ces derniers ne disposent pas d’assez de ressources humaines pour effectuer toutes leurs missions.
Donald Trump et de nombreux élus républicains attribuent cette tentative d’assassinat à la « rhétorique » de Joe Biden et Kamala Harris. Est-ce surprenant ?
Non, pas vraiment. Les Républicains, menés par Donald Trump, sont dans l’opposition et ont tout intérêt à imputer la responsabilité aux Démocrates, plutôt qu’aux agents des services secrets eux-mêmes. En effet, les Démocrates sont actuellement au pouvoir et supervisent l’United States Secret Service. Cette stratégie permet aux Républicains d’exploiter politiquement la tentative d’assassinat, dans une optique électoraliste. Ce renversement de responsabilité rappelle la période de 2016 à 2020, lorsque les Démocrates accusaient Trump d’inciter à la violence politique par ses discours agressifs et ses attaques personnelles.
Quel peut être l’impact de cet événement sur l’électorat républicain ? Et sur les indécis ?
Sur l’électorat républicain, il y a déjà une mobilisation qui existe, puisque ce sont les Démocrates qui sont au pouvoir. Chez les personnes indécises, cela peut faire partie d’une dynamique en la faveur de Donald Trump. Il reste à voir si, d’ici la fin de semaine, un impact est visible dans les sondages. Il reste cependant assez difficile à évaluer.
Depuis l’annonce du retrait de Biden en faveur de Kamala Harris, cette dernière est dans une dynamique favorable, elle est donnée vainqueure du débat de la semaine dernière. Cet événement peut-il faire pencher la balance en la faveur de Trump ?
L’élection reste extrêmement serrée, avec des chances de victoire équivalentes pour les deux camps. Aux États-Unis, les élections se jouent souvent à l’échelle des États, et quelques milliers de voix peuvent suffire à faire basculer un État, voire l’élection entière. Des électeurs ont commencé à recevoir des bulletins de vote, mais c’est à partir de la semaine prochaine que les Etats commenceront à ouvrir le vote. Ce genre d’événement peut donc avoir un effet, et nous ne sommes pas à l’abri d’autres surprises.
Comment expliquez-vous la résurgence de la violence en politique aux Etats-Unis ?
La montée de la violence politique est déjà observable sur le plus long terme. Depuis les années 2000, la polarisation politique des Etats-Unis s’accentue, et ce d’autant plus sur des dimensions économiques, raciales, et identitaires. Cette polarisation politique est extrêmement forte. Sous le mandat de Barack Obama, on a assisté à une réaction de rejet qui s’est manifestée avec l’émergence du mouvement du Tea Party en 2009, opposé aux dépenses publiques et aux réformes sociales d’Obama. Ce mouvement, dont de nombreuses figures ont soutenu Donald Trump lors de sa campagne en 2016, a été le point de départ d’un renouveau des violences politiques. Le pays connaît alors une crise partisane et de légitimité des institutions. L’élément porteur de celle-ci est la remise en cause de l’élection de Barack Obama, ainsi que la remise en question de sa citoyenneté, par ce mouvement. De là, cette crise de la démocratie a pu continuer de grandir aux Etats-Unis, avec un nombre grandissant d’Américains et d’élus républicains qui remettent en question la légitimité des institutions politiques, avec des attaques plus violentes et personnelles dans la campagne. Cette antienne permanente de délégitimation des institutions et des élections crée de plus en plus de défiance dans la société et devient un terreau propice à la montée de la violence politique : à partir du moment où l’on trouve le personnel politique illégitime, le seul mode d’action qu’il reste est la violence. De plus, Donald Trump a clairement joué un rôle important dans ce phénomène, notamment via les attaques personnelles qu’il utilise contre ses adversaires politiques. Ajoutez à cela un fond de crise économique et les conséquences économiques et sociales de la pandémie, qui a été un facteur de remise en question de la parole politique, et l’on comprend que sur les quinze dernières années ce sentiment de crise politique soit monté crescendo.
Après l’assaut du Capitole, on aurait pu espérer une redescente de la tension, mais certains élus républicains ont contribué à entretenir ce climat de défiance. En se ralliant rapidement à Donald Trump, ils ont entraîné avec eux une grande partie de leur parti, participant à la délégitimation des résultats électoraux et renforçant le discours de Trump.
Le débat sur les armes à feu revient souvent dans le débat français concernant les Etats-Unis. Quelle est la position de Donald Trump et de Kamala Harris sur le sujet ? Est-ce un sujet porteur pendant la campagne ?
Cet événement ne va rien changer au débat autour du port des armes aux Etats-Unis. Donald Trump continuera à défendre une version extensive du second amendement, qui permet aux citoyens américains de détenir une arme. Kamala Harris continuera de défendre sa position : celle d’une détentrice d’arme à feu pour qui la défense du second amendement ne doit pas empêcher de protéger les individus et l’espace public de ces armes, en imposant des restrictions sur les gros calibres. Le débat est tranché : si vous estimez qu’il y a un danger pour le second amendement, vous votez déjà républicain et si vous souhaitez réguler davantage les armes à feu, vous votez déjà démocrate. Les sondages sont très clairs : l’inflation et l’économie, puis l’immigration, et dans une moindre mesure l’avortement, sont les sujets principaux de cette campagne. Le port des armes à feu n’est pas déterminant.
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