Le pape François est mort à l’âge de 88 ans suite à un accident vasculaire cérébral le 21 avril a annoncé le Vatican. Le souverain pontife avait été élu par le conclave des cardinaux le 13 mars 2013. Au terme de douze années passées à la tête du Vatican, Jorge Bergoglio laisse derrière lui un pontificat marqué par son engagement en faveur des « périphéries » et des plus pauvres dans un style qui s’est démarqué de celui de ses prédécesseurs explique Sophie Gherardi, directrice du centre d’étude du fait religieux contemporain et conseillère de la rédaction de Sciences Humaines.
Public Sénat : Que retenir des douze années du pape François à la tête du Vatican ? Qu’a-t-il impulsé de nouveau par rapport à ses prédécesseurs Jean Paul II et Benoit XVI ?
Sophie Gherardi : C’était un pape très spirituel, d’une voix très forte. Il était moins théologien que Benoit XVI, mais il était plus populaire. A mon sens, il y a deux éléments très importants. Son insistance sur ce qu’il appelait la périphérie, c’est-à-dire les petits, les faibles, les dominés, les écrasés. Par exemple, concernant les migrants, le pape François disait que la sacralité de la personne humaine imposait de recevoir les gens. Toutes ces personnes qu’il a vues à Lampedusa (lors de son premier déplacement en tant que pape le 8 juillet 2013, ndlr) étaient dignes de respect et même si l’Eglise n’a jamais dit autre chose, son insistance sur ce sujet le différencie. Il s’est aussi engagé sur l’écologie avec Laudato si (encyclique parue en 2015, ndlr). François a donné une structure solide pour traduire l’engagement de l’Eglise à préserver la nature. Dans la théologie chrétienne, la nature est confiée à l’homme pour qu’il la fasse fructifier et la protège, pas pour qu’il ne la détruise. Il est venu en soutien à ces idées-là.
Pourquoi ces sujets ont pris une dimension importante avec le pape François ?
C’est très lié à son équation personnelle. D’abord, il est le premier pape non européen. Il n’a donc plus rien d’un prince européen comme ceux que le Vatican a eu à sa tête pendant 1500 ans et dont Jean-Paul II et Benoit XVI gardaient quelque chose. Ces princes européens étaient à la fois prince de l’Église et de l’Europe. Ils étaient dans le concert des nations et parlaient avec un ascendant sur les têtes couronnées européennes. Le pape François ne s’inscrit pas là-dedans. Lui, il était fils de migrants piémontais en Argentine.
Ensuite, il était aussi le premier pape jésuite ce qui est très particulier dans l’Eglise. C’est un ordre très militant et politique. Ils étaient convertisseurs et prenaient des risques pour convertir les autres en allant loin. Les jésuites sont aussi très doués dans le jeu politique.
Et cela s’est ressenti dans sa manière d’exercer la fonction ?
C’était quelqu’un d’autoritaire, qui ne suivait pas l’avis de la dernière personne qui parlait. Il tenait fortement ses positions et son côté politique a été observé dans le fait qu’il a créé beaucoup de cardinaux ce qui aura son importance pendant le conclave. La plupart ne sont pas européens ce qui est conforme à la dynamique démographique de l’Eglise qui se développe en Afrique et en Asie. Ce sont deux terres de missions et il était bien conscient de cela donc il a fait des cardinaux dans des lieux pas très centraux.
Toutes ces orientations participent à ce qu’il soit qualifié par beaucoup de « progressiste ». Mais le pape François s’est aussi opposé à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la constitution en France par exemple…
Ce n’est pas le premier pape qu’on ait pu qualifier de double face. On a pu dire la même chose de Jean-Paul II. Le pape François avait de gauche ce côté proche du peuple souffrant dont il déplorait l’abandon spirituel. Il reprochait à l’Eglise d’avoir laissé les gens dans un consumérisme abêtissant. Il a aussi été très fraternel et ouvert à l’égard des autres religions comme l’Islam et l’Orthodoxie. Il a aussi donné plus de place aux femmes mais on est encore loin de l’égalité. Il a également donné des petites ouvertures en direction de prêtres mariés. Ça ne portait pas sur le mariage des prêtres mais sur l’accès des prêtres mariés ou veufs à la fonction.
Concernant l’IVG et l’euthanasie : c’est une constance de l’Eglise qui dit que la vie humaine est sacrée à partir du moment où l’embryon est viable. Dans cette acception du respect total et intégral de la vie humaine, on ne peut pas faire du pape François un ami de la gauche sociétale.
Après le décès du pape, quelles sont les prochaines échéances pour élire son successeur ?
Il y a d’abord une semaine de deuil avant ses obsèques puis il va y avoir des consultations parmi le collège des cardinaux dont il est important de rappeler qu’on est cardinal à vie mais qu’à partir de 80 ans on ne peut plus voter pour le prochain pape. Ceux qui votent seront donc pour la plupart les nouveaux nommés par le pape François. Enfin, le conclave va s’ouvrir dans une quinzaine de jours.