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Mort d’Ismaïl Haniyeh : « Aucun assassinat n’a conduit à l’éradication du Hamas », estime Jean-Paul Chagnollaud

Loin « d’éliminer le Hamas », l’assassinat d’Ismaïl Haniyeh ne devrait pas déstabiliser le mouvement qui repose sur une organisation collégiale. Par ailleurs l’assassinat compromet la poursuite des négociations pour un cessez-le-feu et la libération des otages retenus à Gaza.
Henri Clavier

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Le chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, a été tué, mercredi 31 juillet à Téhéran dans une frappe que la République islamique d’Iran attribuée à Israël. Chef du bureau politique du Hamas depuis 2017, Ismaïl Haniyeh dirigeait la branche politique du mouvement depuis le Qatar. Le dirigeant palestinien était à Téhéran, soutien actif du Hamas, pour la cérémonie d’investiture du nouveau président de la République islamique d’Iran, Massoud Pezeshkian. La veille une frappe sur Beyrouth a tué l’un des plus hauts dirigeants de la branche armée du Hezbollah. Si ces agressions contre des États souverains peuvent faire monter d’un cran la tension au Proche-Orient, elles ne devraient pas être en mesure « d’éliminer le Hamas » comme le souhaite Benjamin Netanyahu.

« L’assassinat de ses dirigeants fait partie de l’histoire du Hamas »

Alors que l’armée israélienne laisse entendre que le leader de la branche armée du Hamas à Gaza, Mohammed Deif, serait décédé lors d’une frappe israélienne durant le mois de juillet, l’annonce de la mort d’Ismaïl Haniyeh ne signifie pas que l’opération israélienne touche à sa fin. « Il ne faut pas confondre le Hamas avec une organisation djihadiste que l’on déstabilise en assassinant le leader. L’assassinat de ses dirigeants fait partie de l’histoire du Hamas, son fondateur, le Cheikh Yassine a été tué en 2004, le mouvement a toujours réussi à se relever. Notamment parce qu’il est identifié par les Palestiniens comme l’un des acteurs défendant la cause palestinienne. Par conséquent, même si le Hamas en tant que tel disparaissait, un autre mouvement reprendrait ses combats », explique Jean-Paul Chagnollaud, professeur émérite des Universités et président de l’Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient (iReMMO). L’universitaire insiste notamment sur la popularité du Hamas auprès des Palestiniens et sa légitimité en tant que défenseur de la cause palestinienne.

« Aucun assassinat n’a conduit à l’éradication du Hamas », estime Jean-Paul Chagnollaud qui considère au contraire que cela peut renforcer le mouvement. Structuré autour d’un bureau politique, le Hamas devrait rapidement désigner un nouveau chef politique. « Le propre d’une organisation comme celle-là, qui s’appuie sur une très forte collégialité, est de réussir à se renouveler rapidement », relève Jean-Paul Chagnollaud. D’autres dirigeants comme l’instigateur de l’attaque du 7 octobre, Yahya Sinouar, ou Khaled Mechaal, membre fondateur du Hamas, sont toujours vivants. Par ailleurs, des dizaines de dirigeants du Hamas ont été assassinés depuis les années 1990 sans que cela n’endigue le développement et la structuration du mouvement.

« C’est quelqu’un qui a joué sur tous les tableaux, c’était un véritable homme politique, très pragmatique »

Né au nord de la bande de Gaza et issu d’une famille de réfugiés, Ismaïl Haniyeh adhère aux idées des Frères musulmans durant ses études et rejoint le Hamas à sa fondation en 1987. Il occupe le poste de Premier ministre de l’Autorité palestinienne entre 2006 et 2007. A la tête du Hamas, Ismaïl Haniyeh a largement contribué au rapprochement entre le Hamas et l’Iran. « C’est quelqu’un qui a joué sur tous les tableaux, c’était un véritable homme politique, très pragmatique », estime Jean-Paul Chagnollaud. « Il n’incarnait pas la ligne la plus radicale du mouvement et pouvait se montrer ouvert aux négociations et favorable à des compromis », continue l’universitaire.

Des négociations ajournées 

La principale conséquence de l’assassinat d’Ismaïl Haniyeh pourrait concerner les négociations en cours en vue d’un cessez-le-feu et de la libération des otages retenus à Gaza depuis le 7 octobre. Alors qu’Antony Blinken assurait, encore hier que les négociations étaient proches d’une issue, le chef de la diplomatie américaine s’est empressé d’écarter toute implication des Etats-Unis dans la frappe ayant touché Téhéran. « Lorsque l’on tue le chef politique de l’organisation avec laquelle on négocie, en violation du droit international, il est difficile d’imaginer des négociations sur un cessez-le-feu aboutir. Cela repousse également la possibilité de libérer les otages et risque de conduire à une radicalisation des positions », considère Jean-Paul Chagnollaud.

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