Moldova Election

Moldavie : au lendemain du référendum sur l’Union européenne, la marque des ingérences russes sur le scrutin

En Moldavie, la présidente Maia Sandu a dénoncé des « ingérences sordides » dans le scrutin du 20 septembre, où la population était appelée à voter au premier tour de l’élection présidentielle, mais aussi dans un référendum sur l’adhésion du pays à l’Union Européenne. Après une nuit d’incertitude, le « oui » a fini par l’emporter de justesse avec 50,45 % des voix, alors que la présidente candidate totalise 42 % des voix.
Camille Romano

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Une victoire de justesse, et assombrie par des ingérences étrangères. En Moldavie, au lendemain d’un double scrutin, qui comprenait à la fois le premier tour de l’élection présidentielle et un référendum portant sur l’adhésion à l’Union Européenne, la présidente proeuropéenne Maia Sandu a accusé des forces étrangères d’être intervenue pour altérer le résultat du scrutin. « Des groupes criminels, agissant de concert avec des forces étrangères hostiles à nos intérêts nationaux, ont attaqué notre pays à coups de dizaines de millions d’euros, de mensonges et de propagande », avait ainsi déclaré Maia Sandu dans la nuit de dimanche à lundi, alors que le « non » était donné pour vainqueur. Le lendemain, alors que le « oui » a fini par l’emporter d’une courte tête, à 50,45 %, la présidente candidate, qui a elle remporté 42 % des voix au premier tour a affirmé avoir « remporté une première bataille dans un combat difficile qui va déterminer l’avenir de notre pays ».

« Maia Sandu a placé la Moldavie sur la carte de l’Europe », une stratégie qui n’est pas pour plaire au géant russe, résume Florent Parmentier, politologue spécialiste du pays et auteur notamment de « La Moldavie à la croisée des chemins ». Proeuropéenne, Maia Sandu a engagé son pays sur la voie des réformes internes afin d’adhérer à l’Union Européenne, rappelle-t-il, un chemin qui s’est accéléré avec le conflit en Ukraine. Un conflit qui a fait de la Moldavie un « pays intermédiaire » et qui lui a donné un rôle important, notamment dans l’accueil des réfugiés du conflit : selon Florent Parmentier, 110 000 Ukrainiens sont réfugiés sur le territoire moldave

130 000 voix achetées

Dans le viseur de Maia Sandu, la Russie de Vladimir Poutine, dont elle s’éloigne progressivement depuis sa première élection en décembre 2020. « C’est une dirigeante qui n’hésite pas à marquer ses désaccords avec la Russie », indique Florent Parmentier. « La Russie veut conserver la Moldavie dans son giron », résume le chercheur, « et a ainsi beaucoup investi dans l’opposition pour ses élections », affirme-t-il. Le politologue cite notamment le rôle d’Ilan Shor, un oligarque moldave, ancien maire de la ville d’Orhei, principal relais de l’opposition pro russe dans le pays et réfugié à Moscou. Les autorités moldaves ont notamment mis à jour un système massif d’achats de votes qui aurait permis, via une organisation « pyramidale de recrutement de votants », d’acheter près de 130 000 voix, selon Florent Parmentier.

Pour Rachid Temal, rapporteur socialiste d’une commission d’enquête sur les ingérences étrangères au Sénat, qui a rendu ses conclusions le 25 juillet, il est « clair » que la Moldavie est « un pays sur lequel est porté une pression depuis le début. Vladimir Poutine avait intérêt soit à une victoire du non, soit à une victoire courte du oui », analyse-t-il. Une position qui s’aligne avec le rôle « d’agent déstabilisateur » tenu par la Russie, qui a consacré, comme le rappelle le sénateur, 1,1 milliard d’euros à la guerre informationnelle. Selon M. Temal, un des pans de la campagne d’ingérence de la Russie sur le vote en Moldavie tient en « une campagne de désinformation visant la partie russophone du pays, axée sur le risque de guerre et de déstabilisation de la région », en cas de victoire du « oui » au référendum. « Vladimir Poutine fait la guerre numérique », rappelle Rachid Temal, « c’est pour cela que nous avions fait cette commission d’enquête ».

« Le risque zéro n’existe pas »

Pourtant, la Moldavie « prend très au sérieux » les questions d’ingérences, comme l’indique Florent Parmentier. « La Moldavie avait pris des mesures en coupant l’accès aux chaînes russes et aux canaux Telegram », explique-t-il. En 2023, le pays avait également expulsé une quarantaine de diplomates russes de son territoire, accusés d’avoir mené de « nombreuses actions inamicales à l’égard de la Moldavie ainsi qu’à des tentatives de déstabilisation ».

Les sénateurs français de la commission d’enquête sur les ingérences étrangères ont rendu un rapport en juillet où ils préconisent 47 mesures pour se prémunir contre ce qu’ils ont qualifié de « néoguerre froide ». Ces mesures s’articulent autour de trois piliers : sensibiliser la population au risque, construire une politique interministérielle et mettre en place une « bataille des narratifs ». Au cœur de la « stratégie » qu’appelle Rachid Temal de ses vœux : Viginum, instrument de veille des ingérences numériques, rattaché au secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale, qui permet de « suivre ces campagnes, de les qualifier et de mesurer leurs impacts sur la société ». « Il faut pouvoir expliquer d’où viennent les campagnes à la population », insiste-t-il, citant notamment l’efficacité de l’outil dans l’affaire des « tags des mains rouges », où l’ingérence russe a fini par être privilégiée par les enquêteurs. Il le répète, certains pays, comme la Moldavie ou la France, n’ont pas assez intégré la nécessité de se prémunir face aux dangers des ingérences étrangères, appelant le gouvernement à se saisir le plus rapidement possible du dossier. « Le risque zéro n’existe pas », conclut-il.

A voir – Sénat en action : Ingérences étrangères, des élus pris pour cible

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