Borys Filatov, maire de la ville de Dnipro, était l’un des élus ukrainiens invités ce mardi à prendre la parole au Congrès des maires organisé par l’AMF. Mille jours après l’invasion russe de l’Ukraine, il témoigne sur Public Sénat d’un conflit toujours aussi difficile à supporter pour la population de son pays.
Minorité de blocage, clauses miroirs : quelles sont les marges de négociation de la France sur l’accord UE-Mercosur, qui suscite la colère des agriculteurs ?
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Ce 17 novembre, en visite en Argentine, Emmanuel Macron a réitéré son opposition à la signature du traité de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay, Bolivie). Alors que s’ouvre le sommet du G20 au Brésil et que la mobilisation des agriculteurs reprend en France sur fond de rejet de l’accord, le chef de l’État est toujours à la recherche d’alliés pour le faire tomber.
Concrètement, Paris dispose-t-il de moyens pour faire plier Bruxelles ? Pour le comprendre, revenons d’abord un peu en arrière. En réalité, les négociations autour de ce traité de libre-échange ont pris fin en juin 2019, après presque 25 ans de discussions entre l’Union européenne et les pays d’Amérique du Sud. Tel que conclu il y a cinq ans, l’accord prévoit notamment la suppression de la majorité des droits de douane entre les deux marchés sur de nombreux produits, facilitant par exemple le commerce de voitures européennes ou encore de viande bovine brésilienne.
Des négociations « dans la dernière ligne droite »
« L’accord trouvé en 2019 suscitait déjà une opposition de la France, qui demandait davantage de garanties environnementales et le respect de l’Accord de Paris », explique Elvire Fabry, chercheuse senior en géopolitique du commerce à l’Institut Jacques Delors. Face au rejet français et au gré des événements politiques, notamment avec l’arrivée de Jair Bolsonaro à la tête du Brésil, l’accord n’a finalement jamais été ratifié. Après les élections européennes, les choses semblent désormais s’accélérer. Ce 17 novembre, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a affirmé que les négociations entraient « dans la dernière ligne droite » : « Nous devons inclure tous les 27 chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres de l’UE, et, du côté du Mercosur, tous les membres doivent être également prêts à signer. »
Car, pour les États membres, le temps presse. Lors de sa conclusion en 2019, l’accord répondait uniquement à des objectifs commerciaux, aujourd’hui il prend aussi une dimension politique. « Nous sommes dans un contexte économique et géopolitique compliqué, avec des tensions croissantes entre l’Union européenne et la Chine, mais aussi une guerre commerciale qui pourrait bientôt s’ouvrir avec les Etats-Unis de Donald Trump », analyse Elvire Fabry.
Des clauses miroirs « utopiques »
Sans modifier intégralement le contenu du traité, la France pousse aujourd’hui pour instaurer de nouvelles règles avant sa ratification. « La question n’est pas de revenir entièrement sur un traité dont les négociations ont pris plus de 20 ans, mais d’y ajouter un protocole additionnel qui intégrerait de nouvelles exigences », observe Elvire Fabry. À ce titre, pour apaiser la colère des agriculteurs, Paris plaide pour imposer des « clauses miroirs » aux pays du Mercosur. Pour pouvoir exporter leurs produits, notamment agricoles, ces derniers devraient alors se conformer aux normes sanitaires et environnementales en vigueur dans l’UE.
Une mesure dont l’application concrète semble complexe. Pour l’économiste Charlotte Emlinger, spécialiste du commerce international et de l’agriculture, ces clauses miroirs sont même en réalité « utopiques ». « C’est d’abord philosophiquement discutable d’imposer nos standards de production à des pays d’Amérique du Sud qui ne produisent pas exclusivement pour le marché européen. Ensuite, c’est pratiquement impossible à mettre en œuvre. Le respect de certaines normes européennes peut se contrôler à l’arrivée du produit en Europe, mais ce n’est pas le cas de toutes. On ne peut pas, par exemple, contrôler toutes les fermes brésiliennes pour savoir si les produits importés en Europe ne sont pas le fruit de l’exploitation d’ouvriers ou bien de la déforestation », observe l’économiste.
« Un passage en force est possible et serait un revers de taille pour la France »
Face à des demandes manifestement inapplicables, les autres Etats membres de l’UE pourraient-ils décider de contourner le rejet français ? C’est en tout cas techniquement possible. En effet, le projet d’accord touchant de vastes sujets relevant notamment de la compétence propre de chaque État, son entrée en vigueur nécessite un vote à l’unanimité au Conseil de l’Union européenne et une ratification des Parlements nationaux. Dans ce scénario, la France dispose d’un droit de véto permettant de bloquer l’accord. Toutefois, il semble de plus en plus probable, pour éviter l’impasse, que l’accord soit scindé en deux volets et fasse l’objet de deux votes séparés. Le volet politique devrait toujours être validé à l’unanimité, mais le volet commercial pourrait alors être adopté à la majorité qualifiée (au moins 15 États sur 27, représentant au moins 65 % de la population de l’UE).
Dans ce cas de figure, une opposition de la France ne suffirait pas à faire tomber l’accord. Paris devrait réunir une « minorité de blocage » composée d’au moins quatre pays, suffisamment peuplés pour empêcher les partisans de l’accord d’atteindre la barre de 65 % de la population. « La Commission procède généralement par consensus, en cherchant la voie d’un accord qui ne ferait pas émerger de minorité de blocage. La question est de savoir quelle sera cette fois-ci l’attitude adoptée vis-à-vis des pays hostiles, dont la France », analyse Marie Fernet, avocate spécialiste en droit douanier et chercheuse associée à l’Université de Bourgogne.
Pour le moment, la France ne semble pas en capacité de réunir cette minorité de blocage. Si la Pologne et l’Autriche ont déjà exprimé par le passé une opposition au traité, seule l’Italie s’est officiellement positionnée contre. « Le traité UE-Mercosur sous sa forme actuelle n’est pas acceptable », a ainsi affirmé le ministre italien de l’Agriculture dans un communiqué, ce 18 novembre. D’un autre côté, plusieurs Etats membres de poids, l’Allemagne et l’Espagne en tête, sont particulièrement favorables à l’accord. « Un passage en force est possible et serait un revers de taille pour la France », note Marie Fernet. Isolée sur la scène européenne, contrainte de trouver des réponses urgentes à la colère des agriculteurs qui monte dans le pays, la France se retrouve ainsi prise en étau. Les discussions qui s’ouvrent entre les pays du G20 pourraient être décisives.
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