Borys Filatov, maire de la ville de Dnipro, était l’un des élus ukrainiens invités ce mardi à prendre la parole au Congrès des maires organisé par l’AMF. Mille jours après l’invasion russe de l’Ukraine, il témoigne sur Public Sénat d’un conflit toujours aussi difficile à supporter pour la population de son pays.
Menace terroriste : « On assiste aujourd’hui au grand retour d’un terrorisme international et paramilitaire »
Par Romain David
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La France passe en alerte « urgence attentat ». Après l’attaque terroriste près de Moscou, qui a fait au moins 133 morts vendredi dans une salle de concert, l’exécutif a annoncé dimanche faire passer le plan « Vigipirate » à son plus haut niveau. « Le niveau ‘urgence attentat’ permet notamment d’assurer la mobilisation exceptionnelle de moyens, mais aussi de diffuser des informations susceptibles de protéger les citoyens dans une situation de crise », précise le site du gouvernement. Depuis le début des années 2010 et l’épopée sanglante de Mohammed Merah, la France vit sous le joug de la menace terroriste, menace dont l’étau semblait s’être quelque peu desserré après la chute du dernier bastion du groupe Etat islamique, à Baghouz en Syrie, en mars 2019.
Pour autant, le développement de nouveaux réseaux et le risque d’auto-radicalisation indiquent que nous n’en avons pas fini avec le terrorisme en général. Les attaques d’Arras, cet automne, et du pont de Bir Hakeim à Paris, en décembre, l’ont rappelé. Pour le géopoliticien Cyrille Bret, maître de conférences à Sciences Po Paris et auteur de 10 attentats qui ont changé le monde. Comprendre le terrorisme au XXIe siècle chez Dunod Poche, les capacités d’adaptation et de réinvention des terroristes sont multiples. Il évoque également le retour d’une menace exogène.
La Russie a combattu les islamistes en Afghanistan, en Syrie ou encore au Sahel. On sait que Washington avait averti le Kremlin sur un risque d’attentat lors de grands rassemblements. Néanmoins, n’est-il pas surprenant que la Russie, où les services de sécurité occupent une place prépondérante, ait été le lieu d’une attaque d’une telle ampleur ?
« La surprise et le contrepied font partie des tactiques du terrorisme. Dans le cas de la Russie, celle-ci vit sous le coup des menaces terroristes depuis plus de vingt ans, avec la première guerre en Tchétchénie. Ce n’est pas parce que Moscou est en guerre contre Kiev, qui est soutenue par l’Union européenne et les Etats-Unis, qu’elle n’est pas une cible de choix, au même titre que les grandes démocraties occidentales. Si l’attaque de vendredi est la plus meurtrière depuis deux décennies sur le sol russe, il faut se rappeler qu’il y a déjà eu plusieurs prises d’otages et attentats de masse ces dernières années en Russie.
Le groupe Etat islamique a revendiqué l’attaque. Sa branche afghane est considérée comme la principale suspecte : le groupe Etat islamique au Khorassan (EI-K), du nom médiéval que les Perses donnaient à une région englobant l’actuelle Afghanistan, mais aussi une partie de l’Iran, du Tadjikistan, du Turkménistan et de l’Ouzbékistan. Que sait-on de cette mouvance ?
Cette banche de l’Etat islamique s’est implantée dans un territoire qui n’est pas le berceau historique du terrorisme, mais celui-ci a fini par y devenir endémique. Les démocraties libérales ne sont pas la cible première de l’EI-K, mais plutôt les Etats autoritaires de l’Asie centrale, ceux que l’on appelle parfois les ‘stans’, et dont les régimes sont notamment soutenus par la Russie.
Selon les chiffres communiqués par la direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE), le nombre de combattants du groupe Etat islamique en Afghanistan a été multiplié par dix en seulement deux ans. On a beaucoup parlé des djihadistes français partis en Syrie, assiste-t-on ici au même phénomène ?
Je ne dispose pas de suffisamment d’informations sur ce point. Il faudra sans doute attendre de voir comment évolue la situation sur place pour en savoir plus, mais à ce stade, cela me semble assez peu probable. À la différence de la Syrie et des pays du Maghreb, les connexions entre les pays d’Asie et l’Europe de l’Ouest sont plus complexes.
La France est-elle particulièrement menacée par le développement de ces nouvelles filières ?
Là encore, il faudrait pouvoir avoir accès aux retours du terrain pour apporter une réponse précise à cette question. Mais ce qu’il vient de se passer en Russie, conjugué à la forte exposition des Jeux olympiques et paralympiques, mais aussi au contexte électoral européen, laisse effectivement penser que la menace est en train de remonter.
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La capitulation de Daech à Baghouz, le 23 mars 2019, a laissé penser que la lutte contre le terrorisme avait marqué un tournant majeur. Ces dernières années, vue de la France, la menace a semblé reculer. Diriez-vous, aujourd’hui, qu’il s’agissait d’une erreur d’analyse ?
On ne s’est pas trompé, il y a bien eu un changement par rapport à la situation que l’on a pu connaître au milieu des années 2010. Deux phénomènes expliquent ce recul de la menace en Occident. Il y a d’abord eu la crise sanitaire, déclenchée par le covid-19, qui a gelé les passages transfrontaliers. Mais aussi, ces derniers mois, le passage au premier plan d’autres enjeux sécuritaires, avec la guerre en Ukraine et, plus récemment, le conflit au Proche-Orient avec un risque de contagion. Par ailleurs, la stratégie de Daesh, qui était concentrée sur la création d’un para-Etat, a changé.
Toutefois, si la menace a été plus basse en Europe ces dernières années, il ne faut pas oublier que d’autres régions du monde, comme le Moyen Orient et l’Afrique subsaharienne, ont continué d’être durement frappés par des attentats.
En France, on a beaucoup parlé d’ubérisation du terrorisme, avec des individus qui, sans lien direct avec une organisation terroriste, décident de passer à l’acte, parfois simplement armé d’un couteau. Mais qu’en est-il de la menace exogène ?
Le propre de la menace terroriste est de rester évolutive. Sur le temps long, l’histoire du terrorisme oscille entre les moments d’accalmie et des périodes d’attentats. Il est toujours aussi compliqué de prévenir les initiatives individuelles, avec des personnes qui se radicalisent seules, par l’intermédiaire des réseaux sociaux. Ces choses sont d’autant plus difficiles à détecter en démocratie, où les autorités doivent composer avec le respect des libertés fondamentales. Mais en marge du phénomène des loups solitaires, on assiste aujourd’hui au grand retour d’un terrorisme international et paramilitaire.
Ce matin, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a rappelé que plusieurs attentats préparés par l’Etat islamique avaient été déjoués en France, notamment à Strasbourg fin 2022. Vous me demandez si le groupe État islamique au Khorassan est capable de mener une action projetée sur notre territoire, comme celles que nous avons pu connaître en 2015 ? Après l’attentat qui a frappé Moscou, je préfère réserver ma réponse. »
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