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« L’arrestation du PDG de Telegram aurait pu avoir lieu aux Etats-Unis »

La garde à vue de Pavel Durov, le fondateur et PDG de l’application de messagerie Telegram, se poursuit dans l’hexagone jusqu’à mercredi. La justice française lui reproche de ne pas répondre aux réquisitions judiciaires et de permettre des activités illégales sur sa messagerie. Une affaire qui va plus loin que la simple modération des plateformes.
Audrey Vuetaz

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« La loi européenne sur les services numériques (DSA) n’a rien à voir avec l’arrestation de Pavel Durov. » En quelques mots, le porte-parole de la Commission européenne prend ses distances avec l’affaire qui oppose la justice française et le patron de Telegram. En effet, le DSA impose des obligations de modération aux GAFAM sur le plan civil mais ne peut pas être invoqué pour arrêter quelqu’un.

Mais ce n’est pas tout, les obligations de modération les plus importantes s’appliquent surtout aux plateformes qui dépassent les 45 millions d’usagers. Or, la messagerie affirme n’avoir que 41 millions d’utilisateurs en Europe et n’être donc pas concernée.

Quoi qu’il en soit, il est compliqué de parler de modération de réseaux sociaux dans le cas de Telegram, car à l’origine il s’agit d’un service de messagerie, les boucles publiques ne se sont développées que dans un second temps. Il faudrait donc plutôt comparer Telegram aux opérateurs téléphoniques. Modérer Telegram reviendrait à demander aux sociétés de téléphonie de couper la ligne des criminels qui s’appellent.

Pavel Durov a toujours refusé de collaborer avec les Etats

En France, la loi permet par exemple aux enquêteurs de demander à voir certains messages notamment dans les affaires de pédocriminalité ou dans la lutte contre le trafic de drogue.

Sur le papier, ce serait possible pour Telegram car l’application n’est pas totalement chiffrée. Oui mais voilà, Pavel Durov, libertarien convaincu, s’est engagé à ne jamais collaborer avec les Etats et à ne pas dévoiler d’informations sur ses utilisateurs. Il n’a donc jamais répondu aux autorités françaises, raison pour laquelle, l’OFMIN, chargé de la lutte contre les violences faites aux mineurs, a émis un mandat de recherche contre lui.

« La France est sous le feu des critiques pour cette arrestation, souligne Florence G’Sell, professeure à l’université de Lorraine et spécialiste du droit numérique, mais Pavel Durov aurait pu être arrêté aux Etats-Unis aussi, malgré le premier amendement, car quand le FBI vous demande des informations dans une enquête de pédocriminalité, vous avez intérêt à donner ce qu’il demande. »

Aller plus loin dans la régulation ?

L’affaire Telegram relance aussi le débat sur la régulation des messageries cryptées. Au niveau européen, un projet de texte, dans les cartons, prévoit la création d’un algorithme spécial pour scanner les conversations et déceler les échanges problématiques. Mais l’idée peine à faire son chemin, fustigée par les défenseurs des libertés qui estiment qu’elle signerait la fin des messageries cryptées.

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