Pour la deuxième fois en deux semaines, des soldats nord-coréens ont franchi ce mardi la ligne de démarcation militaire. Comment expliquer ce regain de tensions ?
Quand on parle de la Corée du Nord, on est souvent dans la supposition, car personne n’est dans le cerveau de Kim Jong-Un. Ce qui est certain c’est que ces derniers mois les relations entre Séoul et Pyongyang sont de plus en plus heurtées. La rhétorique est très mauvaise, la relation est détestable, mais nous ne sommes toujours pas dans l’ordre de l’irréparable. Il n’y a pas eu d’incident important jusqu’à présent : les combats n’ont pas repris, il n’y pas eu d’accrochages militaires sérieux, ni au sol ni dans l’espace maritime disputé.
Pourquoi les soldats nord-coréens ont-ils franchi la ligne de démarcation ?
Il s’agit d’incidents qui ont avant tout une portée symbolique. Il n’y a pas eu de victimes. Les conséquences sont voulues et calibrées par Pyongyang. L’idée est d’attiser les tensions avec le sud, afin d’entretenir une dynamique de crainte pour que les médias internationaux et asiatiques remettent à la Une le dossier coréen. Les soldats qui se sont aventurés au-delà de la ligne de démarcation ne faisaient pas partie d’une patrouille d’avant-garde destinée à envahir le sud. Il y a la volonté de créer un petit incident plutôt qu’une erreur.
Vladimir Poutine entame ce mardi une visite d’Etat en Corée du Nord. Que faut-il en attendre ?
Il s’agit de la première visite d’un chef du Kremlin en Corée du Nord depuis un quart du siècle. Cette visite a lieu alors que l’armée russe poursuit son offensive en Ukraine, ce n’est pas anodin. Depuis l’invasion de 2022, les deux pays se sont rapprochés, car ils ont des intérêts mutuels.
Vladimir Poutine vient chercher des armes et des munitions pour le front ukrainien. Selon l’ONU, la Corée du Nord a déjà envoyé 10 à 12 000 conteneurs d’armes et de missiles à la Russie. L’industrie russe de l’armement tourne à pleine régime, mais ça n’est manifestement pas suffisant pour alimenter l’armée.
Un nouvel accord de coopération entre les deux est évoqué. Que pourrait-il contenir ?
Il ne s’agit pas d’une lune de miel entre Vladimir Poutine et Kim Jong-Un, mais bien de la compréhension d’intérêts mutuels. En échange des armes, le chef du Kremlin va donner quelques cadeaux, par exemple sous la forme d’une renégociation d’un traité de défense mutuelle. En 1961, Pyongyang avait signé un accord de sécurité avec l’Union soviétique, qui avait pris fin avec l’effondrement du bloc communiste. Dans les années 2000, un accord de coopération avait de nouveau été conclu. Vladimir Poutine vient cette semaine pour proposer un nouveau partenariat stratégique. Entre Pékin et Moscou, c’est gagnant-gagnant : ils estiment être mis au ban de la communauté internationale, et décident désormais de vivre leur coopération de manière ouverte sans crainte des critiques.
70 ans après la guerre de Corée, pourquoi un réchauffement entre les deux camps est-il si compliqué ?
Les dirigeants du nord et ceux du sud n’ont pas la même vision de l’avenir. Ils sont techniquement toujours en guerre, car aucun traité de paix n’a été signé en 1953. Séoul et Pyongyang n’ont aujourd’hui aucune intention de changer de position. Le président actuel de la Corée du sud (Yoon Suk-yeol, ndlr.) est un président conservateur, sa confiance envers le voisin du nord est proche de zéro. Il succède à un président libéral qui avait lui une politique de la main tendue mais qui n’a débouché sur rien.
Une éventuelle réunification n’est pas envisagée de la même manière des deux côtés. Au sud, on estime qu’elle devrait prendre la forme d’une confédération. Au nord, on considère être plus puissant qu’au sud, car on tient tête aux Etats-Unis et que le pays est doté de capacités balistiques et nucléaires. Pour cette raison, en cas de réunification, Kim Jong-Un veut que ce soit son pays qui dirige le processus, ce qui est inacceptable pour l’autre camp. Mais aujourd’hui, il n’y aucune volonté politique d’apaisement, ni au nord ni au sud.