Borys Filatov, maire de la ville de Dnipro, était l’un des élus ukrainiens invités ce mardi à prendre la parole au Congrès des maires organisé par l’AMF. Mille jours après l’invasion russe de l’Ukraine, il témoigne sur Public Sénat d’un conflit toujours aussi difficile à supporter pour la population de son pays.
« Jusqu’où ira l’Azerbaïdjan dans ses intimidations contre l’Arménie ? »
Par Steve Jourdin
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L’Azerbaïdjan a annoncé lundi le début de manœuvres militaires avec la Turquie près de l’Arménie. Dans un contexte de tensions entre Bakou et Erevan après la reconquête azerbaïdjanaise de la région du Haut-Karabakh, assiste-t-on à une nouvelle étape dans l’escalade ?
Il est difficile de savoir ce que signifient précisément ces exercices militaires. Cela confirme en tout cas de manière éclatante la volonté de coordination des armées turque et azerbaïdjanaise. Certaines de ces manœuvres sont effectuées dans la région du Nakjhitechevan, une enclave azerbaïdjanaise frontalière de l’Arménie et de l’Iran. Autrefois, le Nakjhitechevan était une région arménienne, mais dans les années 1920 il y a eu un nettoyage ethnique et la population est aujourd’hui peuplée exclusivement d’Azerbaïdjanais.
Quelles sont les ambitions de la Turquie dans ce conflit ?
Elle souhaite affirmer son rôle de puissance régionale. Ankara tente actuellement de s’imposer dans tous les formats de discussion et de médiation possibles. On le voit dans le conflit israélo-palestinien ou dans la guerre en Syrie, la Turquie essaye de se montrer incontournable dans tous les dossiers au Moyen-Orient. Officiellement, Recep Tayyip Erdogan et le président Aliev affichent une entente sans faille, qu’ils résument avec un fameux slogan « une nation, deux Etats ». La Turquie et l’Azerbaïdjan veulent se rejoindre géographiquement à travers un corridor, et il en est de nouveau question ces dernières semaines.
Est-ce que l’intégrité et la souveraineté de l’Arménie sont aujourd’hui plus menacées que jamais ?
Il y a actuellement une surenchère dans nos médias occidentaux sur le fait que l’Arménie va être attaquée par les deux parties. Mais il ne faut pas crier au feu toutes les 5 minutes, car ce discours a une dimension performative. A force de le répéter, on fait accepter une telle situation par le public. Ce qu’il faut voir, c’est que l’Europe tente actuellement d’avancer ses pions dans la région. Bruxelles et Washington essayent d’imposer une forme de médiation qui serait alternative à celle des Russes et des Iraniens. La vraie question aujourd’hui est de savoir jusqu’où l’Azerbaïdjan ira dans son intimidation contre l’Arménie ? Dans quelle mesure les puissances régionales laisseraient-elles faire en cas d’invasion ? Les Iraniens par exemple ne veulent pas d’une modification des frontières.
Alors que l’attention du monde occidental se porte actuellement sur le conflit au Proche-Orient, faut-il craindre que les puissances régionales « profitent » de ce moment pour réaliser leurs ambitions géopolitiques ?
Le monde regarde ailleurs. Il y a effectivement un risque que certains en profitent, mais le monde regardait ailleurs déjà avant, avec la guerre en Ukraine. On remarque désormais que le conflit israélo-palestinien intéresse plus les dirigeants occidentaux que la région du Caucase du sud. Faut-il craindre une guerre contre l’Arménie ? Cela ne me parait aujourd’hui pas complètement crédible. Est-ce que l’Azerbaïdjan prendrait le risque de voir l’Iran entrer dans la danse ? Il faut avoir une vision globale de la région, même si les choses bougent très vite.
La France a annoncé lundi la vente à l’Arménie d’équipements sol-air pour sa défense. La diplomatie française peut-elle jouer un rôle d’apaisement dans le conflit ?
La France affiche un soutien de principe à l’Arménie. Mais l’ampleur de la mobilisation pose question. Quand on la compare au soutien apporté à Israël dans la guerre contre le Hamas, on comprend que l’Arménie ne pèse pas grand-chose du point de vue français. Ce qui a été décidé est de livrer du matériel défensif. Cela sera sans doute très utile, mais on reste dans des effets d’annonce, et dans une stratégie franco-européenne visant à concurrencer les Russes et les Iraniens en matière de médiation régionale. C’est un soutien à minima, qui est à mon sens un peu surmédiatisé.
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