Borys Filatov, maire de la ville de Dnipro, était l’un des élus ukrainiens invités ce mardi à prendre la parole au Congrès des maires organisé par l’AMF. Mille jours après l’invasion russe de l’Ukraine, il témoigne sur Public Sénat d’un conflit toujours aussi difficile à supporter pour la population de son pays.
« J’ai trouvé qu’il était un roi très abordable » : trois sénateurs racontent leur rencontre avec Charles III
Par Romain David
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C’est sous une petite pluie fine, de celle dont les Britanniques ne s’offusquent guère, que le roi Charles III a fait son arrivée au Sénat ce jeudi 21 septembre, en fin de matinée. Une première qui a mis le palais du Luxembourg et ses élus en émoi : jamais encore un monarque britannique ne s’était exprimé depuis la tribune de l’hémicycle. Vingt ans plus tôt, lors de sa visite au Sénat, sa mère la reine Elisabeth II avait pris la parole en salle des Conférences, se gardant bien de pénétrer dans le saint des saints. Désormais, le rapprochement qu’ont entamé Londres et Paris depuis plusieurs mois, dans un contexte de guerre en Europe, semble appeler à des honneurs inédits.
Le roi a d’abord été présenté en salle des Conférences à une délégation de 18 parlementaires, parmi lesquels neuf sénateurs, dont Nathalie Delattre (RDSE), vice-présidente de la Chambre Haute, Pascale Gruny (LR), autre vice-présidente, et le communiste Éric Bocquet qui pilote le groupe interparlementaire d’amitié France-Royaume-Uni.
« Il a eu des mots très simples, avec un brin d’humour »
« Nous avons parlé de Bordeaux et du vin, qui est l’un des grands thèmes de sa visite en France », rapporte Nathalie Delattre, qui en tant que sénatrice de Gironde sera aussi présente lors du déplacement du roi dans le Bordelais vendredi. Au programme notamment : la visite du domaine de Château Smith Haut Lafitte. « J’ai trouvé qu’il était un roi très abordable, empreint de chaleur humaine et à l’écoute. Il a eu un mot pour chacun », souligne-t-elle.
Même ravissement dans la voix de sa collègue Pascale Gruny, sénatrice LR de l’Aisne. « Il a eu des mots très simples, avec un brin d’humour. Il m’a dit : ‘J’ai bien cru que nous n’allions jamais réussir à venir en France’ ». Une référence à la visite annulée du monarque en mars dernier, face au mouvement social déclenché par la réforme des retraites.
Ancien professeur d’anglais, le sénateur communiste Éric Bocquet a pu s’adresser au roi dans la langue de Shakespeare. « Je lui ai dit que j’avais essayé pendant trente ans d’enseigner le ‘Queen’s english’ (expression qui désigne une manière affectée de prononcer l’anglais), ce qui l’a fait rire », rapporte l’élu.
« Il a montré qu’il savait faire de la politique »
À la tribune de l’hémicycle, devant les sénateurs et les députés – qui avaient fait le déplacement en nombre au Palais du Luxembourg pour l’occasion – Charles III s’est distingué en prononçant un discours de 20 minutes, quand le protocole prévoyait une intervention d’une dizaine de minutes seulement. Le roi est passé sans difficultés de l’anglais au français, balayant de nombreux thèmes. Ce discours était particulièrement attendu, dans la mesure où il constitue la seule prise de parole officielle du roi pendant sa visite d’Etat.
Outre certains clichés diplomatiques sur l’amitié franco-britannique, ses hauts et ses bas, le fils d’Elisabeth II a évoqué l’écologie et la lutte contre le réchauffement climatique, un combat qui lui tient à cœur, mais aussi l’instabilité géopolitique généré par la guerre en Ukraine. « Après son intervention, nous nous sommes étonnés avec certains collègues des paroles qu’il a pu utiliser, sur l’Ukraine notamment », relève Pascale Gruny pour qui le roi est allé un peu au-delà de la réserve que l’on attache traditionnellement à sa fonction. « On s’imagine qu’il ne sert pas à grand-chose mais il a montré qu’il savait faire de la politique ».
Preuve de l’effet produit : la standing ovation d’une minute à laquelle il a eu le droit, et qui a même semblé surprendre Gérard Larcher, le président du Sénat, et son homologue de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet. « Des applaudissements qui nous feraient rêver », a plaisanté le sénateur.
Un discours « engagé »
« Depuis que nous nous sommes battus côte à côte, il y a plus de 80 ans, pour la libération de l’Europe, nous faisons face encore une fois à une agression injustifiée sur notre continent », a déclaré Charles III. « Notre détermination et notre alliance sont plus importantes que jamais. Ensemble, nous nous tenons aux côtés du peuple ukrainien avec une solidarité résolue. Ensemble, nous sommes inébranlables dans notre détermination pour que l’Ukraine triomphe et que nos libertés, si chères, l’emportent », a encore martelé le roi. Sur l’écologie, il a plaidé pour une plus grande collaboration entre le secteur privé et les gouvernements, estimant que les entreprises pouvaient « investir des milliards pour développer des solutions qui permettront une transition réussie vers un monde durable ».
Pascale Gruny salue encore un exercice d’équilibriste : « Il a su prendre le large, tout en restant à sa place. » « Sa parole était engagée et plein de sincérité. On était au-delà du discours préparé par des communicants, il y a mis sa patte, son expérience personnelle, pour défendre sa vision des choses même si cela engage son pays », abonde Nathalie Delattre.
Pour sa part, Éric Bocquet retient la proposition du souverain de mettre en place une « entente de la durabilité pour répondre à l’urgence mondiale sur le climat », sur le modèle de l’entente cordiale. Il s’agit aussi de réancrer le Royaume-Uni, qui a rompu les amarres avec l’Union européenne en 2020, dans la lutte que mène le continent contre le changement climatique. « Le défi climatique, comme le défi de la paix, passera inévitablement par des coopérations au niveau européen et international. Si l’axe Paris-Londres peut se renforcer sur ces deux combats, c’est une bonne chose », estime l’élu du Nord.
Une partie de la gauche absente
Seule ombre à la séquence parlementaire de la visite royale : l’absence dans l’hémicycle de nombreux élus communistes, qui ont jugé inappropriés l’hommage réservé à un roi dans l’un des temples de la République. « J’ai laissé ma place à un autre dans l’hémicycle du Sénat. Le 21 septembre n’est pas un jour pour écouter un roi. Il est celui durant lequel on fête l’anniversaire de la République », a indiqué sur X (anciennement Twitter), Pierre Ouzoulias, sénateur communiste des Hauts-de-Seine. L’élu, historien et archéologue de profession, fait référence à la proclamation de l’abolition de la royauté par la Convention nationale, le 21 septembre 1792.
« Il faut savoir lâcher prise, le calendrier international et diplomatique a ses propres exigences », balaye Nathalie Delattre. Qui ajoute : « Il n’est jamais bon d’être absent ou d’insulter l’avenir ». Pour sa part, Éric Bocquet dit comprendre la position de ses camarades : « L’expression d’un roi, devant le parlement d’une république, ce n’est pas quelque chose d’anodin ». Présent en tant que président du groupe d’amitié interparlementaire franco-britannique, le communiste reconnait qu’il n’aurait pas voulu manquer cette visite : « On ne pourra pas me reprocher de ne pas être républicain, mais j’ai toujours eu un intérêt profond pour le peuple et la culture britannique », confie-t-il. En revanche, il porte un regard plus critique sur le faste déployé autour de la visite d’Etat :« On en a fait beaucoup, et je n’ai pas le souvenir d’un tel déploiement, d’une telle théâtralisation pour un autre chef d’Etat. »
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