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Ingérence russe : « Pour Poutine, le plus important est de diviser le camp occidental », affirme l’ancien chef du renseignement militaire français

Alors que la commission d’enquête sénatoriale sur la réponse à apporter aux influences étrangères a débuté ses travaux à la fin du mois de février, la Russie a récemment divulgué une conversation confidentielle entre membres de l'État-major allemand. A l'approche des élections européennes de juin 2024, les opérations d'influence russes s'intensifient.
Henri Clavier

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« La Russie assume désormais complètement sa stratégie, il serait donc bien naïf de dire qu’aucun risque ne pèse sur les prochaines élections », expliquait le politologue Frédéric Charillon à l’occasion d’une audition au Sénat, le 29 février, sur la guerre informationnelle. Alors que la Russie semble largement investir les différents réseaux d’influence à sa disposition pour légitimer l’invasion de l’Ukraine, les Européens semblent encore accuser du retard sur la question, comme l’illustre la divulgation par la Russie d’un enregistrement audio d’une réunion de l’armée de l’air allemande.

 

« Il faut se demander pourquoi la Russie divulgue cet enregistrement »

 

« Les manœuvres de renseignement ont toujours existé, mais les pays occidentaux soutiennent l’Ukraine donc logiquement, les Russes font du renseignement pour déterminer les intentions de leurs adversaires », explique le général Christophe Gomart, ancien directeur du renseignement militaire français. Néanmoins, la divulgation de l’enregistrement audio d’une réunion entre responsables de l’armée de l’air allemande n’est pas anodine. « Il faut se demander pourquoi la Russie divulgue cet enregistrement, pourquoi se coupent-ils d’une potentielle source d’information sur la durée ? En dévoilant l’enregistrement, la Russie expose une forme d’amateurisme du camp occidental », affirme le général Gomart. « Pour Poutine, le plus important est de diviser le camp occidental », poursuit l’ancien militaire. Alors que la nature du soutien à apporter à l’Ukraine fait débat aux Etats-Unis et en Europe, les stratégies d’influence russes visent principalement les failles et limites des démocraties occidentales.

 

L’influence comme moyen de légitimation de l’invasion de l’Ukraine

 

La stratégie d’influence, d’ingérence et de renseignement russe serait donc davantage tournée vers la déstabilisation des opinions publiques des démocraties que vers l’obtention de renseignements stratégiques pouvant avoir un impact opérationnel sur le front. Alors qu’un débat est organisé au Sénat le 13 mars, et à l’Assemblée le 12 mars, sur le soutien à apporter à l’Ukraine, le Viginum publiait un rapport, le 12 février dernier, sur l’ampleur de la désinformation russe, notamment sur les réseaux sociaux. Le rapport fait état de près de 200 sites pro-russes ayant pour but d’influencer l’opinion publique.

 

« En tant qu’historien, j’ai retracé plus d’un siècle de manipulations de masse. Je ne vais pas vous mentir, nous sommes face à la menace la plus grave qui ne s’est jamais présentée à notre pays », alerte David Colon, professeur à Sciences Po Paris. Une situation expliquée par l’approche des élections européennes et de l’organisation des Jeux Olympiques selon David Colon.

 

Début février, l’ancien président de la fédération de Russie, Dimitri Medvedev, appelait à soutenir « ouvertement ou secrètement » les partis « anti-système », favorables à la Russie, à l’approche des élections européennes. Le Rassemblement national est régulièrement épinglé pour ses liens allégués avec la Russie notamment du fait des prêts de banques russes dont Marine Le Pen a pu bénéficier pour financer sa campagne présidentielle de 2017. Le parti à la flamme refuse également de voter les différentes résolutions européennes incriminant le régime de Poutine.

 

Quelle réponse pour les démocraties ?

 

« Comment est-ce que les démocraties peuvent se défendre ? » s’interrogeait le rapporteur de la commission d’enquête sur les opérations d’influences étrangères, Rachid Temal. Un rapport de l’OCDE, publié le 4 mars, répond partiellement à cette question et plaide pour une prise de conscience globale et collective.  « Aucun gouvernement ne peut résoudre ce problème seul », pointe le rapport de l’OCDE qui incite les États membres à s’inspirer des méthodes développées par des pays comme la Finlande ou les Pays-Bas.

 

« Côté occidental, il y a trop souvent une forme d’excès de confiance, on utilise des réseaux non sécurisés par commodité, pour leur facilité d’emploi », déplore Christophe Gomart qui insiste néanmoins sur une « faute professionnelle ». Malgré cela, « il y a beaucoup d’échanges entre services de renseignement », rassure Christophe Gomart qui souligne une prise de conscience croissante de la menace depuis quelques années. Pour Frédéric Charillon, la France doit surtout « surveiller ses faiblesses ». Selon les déclarations de Rachid Temal, le rapport de la commission d’enquête devra apporter une réponse précise à l’adaptation des politiques publiques aux ingérences étrangères.

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