Borys Filatov, maire de la ville de Dnipro, était l’un des élus ukrainiens invités ce mardi à prendre la parole au Congrès des maires organisé par l’AMF. Mille jours après l’invasion russe de l’Ukraine, il témoigne sur Public Sénat d’un conflit toujours aussi difficile à supporter pour la population de son pays.
Immigration record au Royaume-Uni : les « mensonges » du Brexit
Par Tâm Tran Huy
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C’était l’une des promesses des partisans du « Leave » : permettre aux Britanniques de « reprendre le contrôle sur l’immigration ». Or, les chiffres dévoilés jeudi par l’Office national des statistiques britanniques montrent au contraire que l’immigration a atteint des sommets en 2022.
Un solde migratoire historique
Le Royaume-Uni a connu une immigration record en 2022, c’est ce qui ressort du bulletin publié jeudi par l’Office national des statistiques britannique (ONS). Dans le détail, le pays a vu 1,2 million de personnes arriver sur son territoire et 557 000 en partir l’année dernière, ce qui porte le solde migratoire à un niveau historique : 606 000, alors qu’il était, pour comparaison, de 335 000 en 2016. Comment l’expliquer ? Matthieu Tardis, co-directeur de Synergie Migrations, distingue des raisons structurelles et conjoncturelles : « Il y a toujours un taux d’immigration plus élevé au Royaume-Uni qu’en France. L’économie britannique, beaucoup plus libérale, repose bien plus sur de la main d’œuvre étrangère que dans notre pays. Il faut y ajouter la dimension conjoncturelle : l’afflux de réfugiés ukrainiens (qui ne sont pas encore comptés dans l’immigration française) et celle qui vient de Hong Kong. » Une situation exceptionnelle soulignée par l’ONS dans son bulletin : les étrangers non-originaires de pays membres de l’UE arrivent en première place en 2022 (925 000 personnes), bien avant les ressortissants de l’UE, des personnes venues « pour travailler, étudier ou pour raisons humanitaires, en raison d’événements exceptionnels en Ukraine ou à Hong Kong. (…) cependant, leur augmentation a ralenti ces derniers temps, ce qui pourrait démontrer le caractère temporaire de ces impacts. »
Les promesses du Brexit
Quoi qu’il en soit, les données de l’ONS, rendues publiques cette semaine, mettent le gouvernement de Rishi Sunak dans une situation délicate. Le Premier ministre britannique, sommé de réagir à la télévision, a ainsi déclaré : « Ces chiffres sont trop élevés, c’est aussi simple que ça et je veux les faire baisser ». Attaqué sur son flanc droit comme par le parti travailliste dénonçant la perte de « contrôle (du) système migratoire », Rishi Sunak apparaît donc comme impuissant sur ce terrain, à l’image de ses prédécesseurs. Depuis 13 ans, les gouvernements conservateurs successifs, de David Cameron, Theresa May et Boris Johnson, ont tous promis de baisser drastiquement les arrivées d’étrangers. Et la question migratoire était bien sûr au cœur des arguments du « Leave » lors de la campagne du Brexit. Pour Matthieu Tardis, cette situation souligne encore un peu plus que les « principaux arguments pour sortir de l’UE étaient erronés, étaient faux, c’était des mensonges, uniquement dans une stratégie électorale. »
Trois ans après la Brexit, le nombre d’immigrés n’a pas baissé, il a augmenté pour des raisons avant tout conjoncturelles. Le Brexit a eu, lui, peu d’impact sur la législation en matière d’immigration. « Quand le Royaume Uni était dans l’Union européenne, il avait déjà un statut particulier avec une clause d’opt out -une dérogation- sur le plan migratoire, à l’exception du règlement de Dublin (NDLR : qui impose aux migrants demandeurs d’asile de déposer leur demande dans le pays par lequel ils sont entrés sur le territoire de l’Union européenne, ce pays étant chargé de traiter leur demande). Les Britanniques étaient également en dehors de l’Espace Schengen. Le Brexit n’a pas changé grand-chose : Dublin était d’une grande utilité pour les Britanniques qui étaient très rarement le premier pays traversé par les migrants. Ce règlement permettait quand même, par une clause d’unification familiale, de transférer légalement une centaine de personnes par an de la France au Royaume Uni. »
Les métiers en tension, un débat britannique, français et européen
Alors que la volonté du gouvernement français de régulariser les personnes occupant des métiers en tension fait débat dans l’Hexagone, le même débat a aussi fleuri outre-manche. Face aux chiffres de l’immigration dévoilés par l’ONS, Stephen Kinnock, chargé des questions migratoires au sein du parti travailliste, a d’ailleurs dénoncé la politique du gouvernement en matière… d’emploi : « ils n’ont pas réussi à établir une stratégie pour le marché du travail et les employeurs sont donc obligés de recourir à l’immigration à l’étranger. »
Le débat sur les métiers en tension n’est pas propre aux Britanniques, ni aux Français : « c’est un débat partout en Europe, celui des métiers en tension » explique ainsi Matthieu Tardis. « Les Allemands ont un besoin de main d’œuvre encore plus important que les Français, pour des raisons démographiques et parce que les nationaux ne veulent pas exercer certains métiers. En France, ce débat ne date pas d’aujourd’hui : dans les années 2000 et les années Sarkozy, on opposait déjà immigration choisie et immigration subie. »
Aujourd’hui, au Royaume Uni, plus d’un million d’emplois ne sont pas pourvus, car les ressortissants de l’UE qui occupaient certains métiers mal rémunérés, dans l’hôtellerie restauration, ou qui étaient saisonniers dans les champs et les vergers, sont repartis. Et les Britanniques ne veulent pas les remplacer. Idem dans le secteur hospitalier ou dans celui de l’aide à la personne… Le Brexit a donc encore un peu plus empiré la situation et accentué les besoins de main-d’œuvre.
Immigration : le débat français en écho
Bref, il ressort de tout cela que l’Europe ne jouait qu’un rôle très limité dans les arrivées d’immigrés au Royaume-Uni. Malgré cela, elle a été désignée comme bouc émissaire dans le cadre du référendum britannique. Voilà qui peut éclairer la situation française actuelle, le projet de loi sur l’immigration que le gouvernement doit présenter au mois de juillet, la demande de LR de référendum sur l’immigration et la proposition de loi constitutionnelle de la droite demandant à pouvoir déroger du cadre européen sur les questions migratoires . Le gouvernement a d’ailleurs fait le parallèle avec le Royaume Uni et jugé que les propositions soutenues par la droite revenaient à un Frexit migratoire. Pour le spécialiste des migrations, « cela montre bien que le sujet de l’immigration est avant tout instrumentalisé à des fins politiques. » En France, il y a eu plus d’une vingtaine de lois immigration depuis les années 1980. Et la nouvelle loi qui s’annonce n’échappe pas à la règle selon le spécialiste des migrations. « Le premier projet de loi immigration, qui a été débattu en commission au Sénat, n’était pas nécessaire. Beaucoup de dispositions qui y figuraient ne relevaient pas forcément du domaine législatif mais du domaine réglementaire. Si le gouvernement pensait vraiment qu’il était urgent de prendre ces mesures, il n’avait pas besoin de passer par le débat parlementaire. » souligne Matthieu Tardis. Le Brexit et ses conséquences : une situation à méditer pour tous ceux qui relancent aujourd’hui le débat sur l’immigration.
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