Borys Filatov, maire de la ville de Dnipro, était l’un des élus ukrainiens invités ce mardi à prendre la parole au Congrès des maires organisé par l’AMF. Mille jours après l’invasion russe de l’Ukraine, il témoigne sur Public Sénat d’un conflit toujours aussi difficile à supporter pour la population de son pays.
Immigration en Italie : Darmanin veut démontrer que l’extrême droite n’est pas plus efficace que lui
Par Henri Clavier
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« Meloni c’est comme [Marine] Le Pen, elle se fait élire sur « vous allez voir ce que vous allez voir » et puis ce qu’on voit c’est que ça [l’immigration] ne s’arrête pas et ça s’amplifie », déclarait le 4 mai Gérald Darmanin. Des déclarations qui ont déclenché la colère de la coalition de droite et d’extrême-droite au pouvoir, a commencé par le ministre des affaires étrangères, Antonio Tajani, qui a annulé sa venue à Paris, prévue le soir même. S’inquiétant d’une augmentation des passages à la frontière entre la France et l’Italie, le ministre de l’intérieur reproche à ses homologues italiens de ne pas faire le nécessaire pour lutter contre l’immigration. Selon le ministère de l’intérieur italien, 42 000 migrants sont arrivés en Italie en 2023 contre 11 000, sur la même période, l’année dernière.
Entre les deux pays, la question n’est pas nouvelle et des tensions étaient déjà apparues en novembre 2022 quand l’Italie avait refusé l’accès à ses ports de l’Ocean Viking, un navire de sauvetage des migrants en mer Méditerranée. Le navire avait finalement dû accoster à Toulon. Alors que la bonne relation entre Emmanuel Macron et Mario Draghi, précédent chef du gouvernement italien, avait permis de rapprocher les deux pays, l’arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni a crispé les relations. Cette dernière avait également été vexée de ne pas être conviée à l’Elysée lors de la réception du président ukrainien Volodymyr Zelensky, le 8 février dernier.
« L’intention de Darmanin, c’est de démontrer que l’extrême droite n’est pas plus efficace que lui »
Alors faut-il voir dans cette nouvelle querelle un marqueur de la dégradation durable des relations entre l’Italie et la France ? Pas nécessairement. Selon Paolo Levi, correspondant en France pour l’agence de presse italienne Ansa, « Gérald Darmanin souhaitait adresser un message interne et mettait en garde contre une forme d’inefficacité de l’extrême droite. Son intention, c’est de démontrer que l’extrême droite n’est pas plus efficace que lui ». Une façon pour le ministre de l’intérieur de renvoyer l’ascenseur après l’Ocean Viking qui « était aussi un coup de communication en interne de la part de Giorgia Meloni », rappelle Paolo Levi.
La démarche pourrait, cependant, s’avérer contre-productive. En gagnant les élections à l’automne dernier, la coalition, allant de la droite conservatrice de Silvio Berlusconi à la formation postfasciste de Giorgia Meloni, a donné un modèle de conquête du pouvoir aux formations européennes d’extrême droite. A droite et à l’extrême-droite, plusieurs personnalités politiques ont exprimé leur soutien au gouvernement italien. Éric Ciotti, chef du parti Les Républicains, a immédiatement fait savoir, par un communiqué, qu’il s’agissait de « propos inopportuns » et que « si l’Italie décide de ne plus gérer les flux migratoires aux portes de l’Europe, la France vivra une véritable submersion migratoire ». Une position reprise par le Rassemblement national, par la voix de son président Jordan Bardella qui critique le « bilan » de Gérald Darmanin en matière d’immigration.
Le paradoxe Meloni
Si depuis son arrivée au pouvoir Giorgia Meloni a rassuré ses voisins concernant son adhésion à l’Otan et à l’Union européenne, force est de constater que la présidente du conseil italien cherche une solution avec les mauvais outils. « Meloni donne des solutions à court terme qui, ensuite, sont toujours recadrées par les engagements européens et internationaux de l’Italie, elle peut montrer les muscles et crier mais les problèmes reviennent au point de départ, comme le mythe de Sisyphe », souligne Paolo Levi. Après avoir déclaré l’état d’urgence face aux arrivées de migrants, « Giorgia Meloni cherche, comme avec le blocage de l’Ocean Viking ,à faire des coups de communication », estime Paolo Levi qui replace les tensions entre la France et l’Italie dans un temps long.
Une position largement déterminée par la rhétorique nationaliste de Giorgia Meloni et de ses alliés. « Salvini et Meloni veulent conserver leur approche souverainiste et nationaliste, ils font de l’affichage politique et veulent parler aux tripes des électeurs », analyse Paolo Levi pour qui cette position est contradictoire. En effet, la question de la gestion des flux migratoires peut davantage se régler à Bruxelles qu’à Rome ou Paris puisque le règlement de Dublin régit le droit d’asile au sein de l’Union européenne et impose aux arrivants d’effectuer leur demande d’asile auprès de l’Etat où ils sont rentrés en premier. « Ce qui est étonnant, c’est que Meloni ne parle jamais du règlement de Dublin et de la réforme en cours au niveau européen alors que c’est la clef pour que les pays méditerranéens ne supportent pas seuls les arrivées », explique Paolo Levi. Si Meloni aurait intérêt à former des coalitions plus larges sur le sujet au niveau européen, Paolo Levi rappelle « qu’elle a repris la politique économique de Mario Draghi pour ne pas être isolée diplomatiquement, derrière il lui reste surtout la question migratoire comme marqueur politique ».
Une brouille durable ?
Faut-il pour autant voir dans ces accrocs une brouille durable entre les deux pays ? Il s’agit plutôt d’une « perte de temps et d’énergie », d’après Paolo Levi qui estime néanmoins que « Gérald Darmanin devrait éviter ce genre de propos ». Par ailleurs, la proximité entre les deux pays est trop importante pour imaginer un refroidissement durable des relations. « En novembre 2021, il y a eu le traité du Quirinale qui a renforcé les liens franco-italiens. En Italie, tous les commentateurs ont cherché à dédramatiser. Il y a beaucoup trop d’intérêts communs, notamment à Bruxelles où les deux pays sont en accord sur 70 à 80 % des sujets, pour imaginer des tensions durables », précise Paolo Levi tout en rappelant que le couple franco-italien avait été, au moment de la crise du covid, en mesure d’être le moteur européen sur la suspension du pacte de stabilité et de croissance ou le financement du plan de relance.
Côté français, le gouvernement joue également la carte de l’apaisement. « Très vite, cet incident sera derrière nous parce que la France a trop besoin de l’Italie et l’Italie a trop besoin de la France », a déclaré Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics.
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