« L’Allemagne n’est plus la locomotive économique de l’Europe. » Le constat porté par Michaël Gahler, (eurodéputé, membre du Parti populaire européen au Parlement européen, et des chrétiens-démocrates de la CDU en Allemagne) est sévère.
En effet, la croissance économique allemande tourne au ralenti depuis la crise du Covid, le pays est même entré en récession en 2023 (sa richesse produite a diminué de 0,3 %). Les perspectives ne sont guère plus rassurantes pour 2024. L’industrie exportatrice de l’Allemagne, a fait les frais de la guerre en Ukraine et de la fin de l’importation de gaz russe à moindre coût.
Une dépendance au gaz russe dont le pays aurait dû se sortir il y a plusieurs années estime Michaël Gahler, qui va jusqu’à pointer la responsabilité d’Angela Merkel, pourtant dans son propre parti politique : « En 2014, au moment où la Crimée a été envahie par les Russes, nous étions nombreux à nous opposer au projet de gazoduc Northstream 2 avec la Russie. Mais le gouvernement en a décidé autrement. »
L’industrie allemande n’a pas anticipé le changement
Pour Daniel Freund, eurodéputé Vert, membre de Die Grünen en Allemagne, parti écologiste dans la coalition actuellement au pouvoir avec les sociaux-démocrates du SPD et les libéraux du FDP, l’industrie allemande n’a pas anticipé le changement. « Notre industrie automobile s’est laissée dépasser sur la voiture électrique par les Américains de Tesla et les Chinois. C’est pourquoi il faut que nous relancions des investissements pour rattraper le retard », estime Daniel Freund qui voit dans ce déclin économique une opportunité de réinventer le modèle Allemand, à condition d’investir massivement.
D’autres causes de ce déclin sont évoquées du côté de l’AFD, le parti allemand d’extrême droite. « Selon nous, l’Allemagne est en chute libre pour trois raisons internes : l’immigration massive, la stratégie européenne de soutien à l’Ukraine et la politique en faveur du climat, qui est inutile car l’Allemagne ne représente qu’1,8 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde alors que la Chine c’est plus de 30 %. », explique Gunnar Beck, eurodéputé allemand, membre de l’AFD, et du groupe Identité et démocratie au Parlement européen, auquel appartient notamment le Rassemblement national.
L’immigration massive pour combler le manque de main-d’œuvre ?
Si la hausse du prix de l’énergie en Allemagne, due à la guerre en Ukraine, ralentit la croissance allemande, tout comme le durcissement des conditions d’exportation vers la Chine et les Etats-Unis, le manque de main-d’œuvre est aussi l’une des causes du phénomène, dans un pays touché par le vieillissement de sa population.
« La solution à ce problème c’est l’immigration », tranche Daniel Freund, alors que le Parlement allemand a adopté récemment une loi pour faciliter la naturalisation des immigrés. « Dans les 10 prochaines années, de nombreux Allemands vont partir à la retraite. Nous avons besoin de 400 000 entrées nettes sur notre sol chaque année pour répondre à nos besoins économiques. Sinon ce sera la fin. »
Son homologue de droite Michaël Gahler va dans le même sens tout en nuançant : « Nous avons besoin de beaucoup d’immigration mais il nous faut une immigration qualifiée, une immigration choisie. »
L’immigration comme solution à la crise économique, l’AFD n’y croit pas : « tous les migrants que nous avons accueillis depuis 2014 n’avaient pas de qualification et représentaient un coût pour la société », estime Gunnar Beck, dont le parti est accusé de préparer un projet de remigration, c’est-à-dire d’expulsion d’Allemands d’origine étrangère, ce qui a provoqué d’importantes manifestations en Allemagne.
Un projet démenti par l’AFD : « Mon parti ne propose que des expulsions d’étrangers clandestins, dans le cadre du droit. » Une affaire qui a contraint le Rassemblement national à prendre ses distances avec son partenaire allemand, qui reste bien placé dans les sondages sur les européennes en Allemagne, en deuxième position derrière la CDU.