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Immigration : au sommet européen, la question des personnes en situation irrégulière au cœur des débats

Les 17 et 18 octobre, les dirigeants de l’Union européenne se réunissent en Conseil européen à Bruxelles. Au programme des discussions, l’immigration occupe une place de choix. Ursula von der Leyen a déjà promis aux 27 l’élaboration d’un nouveau cadre législatif, pour organiser le retour des personnes en situation irrégulière dans leur pays d’origine.
Rose Amélie Becel

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« Sous l’effet de plusieurs crises mondiales, l’immigration reste l’une des questions les plus urgentes, qui requiert toute notre attention. » Dans une lettre aux Etats membres publiée ce 14 octobre, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen annonçait l’élaboration d’un nouveau cadre législatif en matière d’immigration.

Dans ce contexte, alors que les questions de compétitivité devaient être au centre des discussions du Conseil européen organisé ces 17 et 18 octobre à Bruxelles, c’est donc d’immigration que discutent les dirigeants des Etats membres. À l’ordre du jour, un point complexe et sur lequel l’Union européenne échoue à légiférer depuis plusieurs années : l’organisation du retour des migrants illégaux dans leur pays d’origine.

Un débat sur la mise en œuvre du pacte asile et migration

Après d’âpres négociations, un texte européen global – le pacte asile et migration – a pourtant déjà été adopté en mai dernier. Celui-ci harmonise les procédures de demandes d’asile entre les différents Etats, en instaurant notamment le principe d’une répartition équitable de leur traitement entre les différents pays. Ceux qui refusent de prendre en charge le traitement des demandes d’asile sont par ailleurs contraints de payer des amendes, pour soutenir financièrement les pays qui les traitent.

C’est autour de l’application de ce pacte que les discussions du sommet européen pourraient d’abord se concentrer. Les Etats membres ont deux ans pour mettre en œuvre ces mesures, un délai « justifié par l’ampleur de la tâche à accomplir », justifie Ursula von der Leyen dans sa lettre du début de semaine. Mais l’Allemagne, qui a déjà rétabli des contrôles aux frontières mi-septembre, et l’Espagne, confrontée à un afflux de migrants aux Canaries, veulent aller plus vite dans son application. Une demande prise en compte par la présidente de la Commission européenne, qui se dit prête à « accélérer sur la mise en œuvre de certains éléments du pacte ».

Face à ces demandes pressantes, certains Etats envoie pourtant le message inverse. Les Pays-Bas et la Hongrie ont ainsi demandé une dérogation pour ne pas appliquer le pacte asile et migration si celui-ci entraine une renégociation des traités européens. En Pologne, le Premier ministre Donald Tusk a également indiqué son refus de s’acquitter des amendes prévues dans le pacte. « Les dernières déclarations des Pays-Bas, de la Pologne et de la Hongrie montrent que les Etats membres ne se mobilisent pas suffisamment pour mettre en œuvre le pacte. Ce serait revenir sur une forme de victoire politique de la dernière Commission, où les Etats s’étaient tous mis d’accord et étaient près à avancer vers une nouvelle étape », estime Camille Le Coz, directrice associée au Migration policy institute.

L’objectif d’une refonte de la politique européenne de retour

En matière d’immigration, un second débat occupe les discussions entre dirigeants européens : l’élaboration d’une nouvelle politique de retours, une question que le pacte asile et migration ne couvre pas. Pour le moment, les reconductions de migrants illégaux aux frontières de l’Union européenne sont toujours régies par une « directive retour » qui date de 2008. Un texte élaboré avant la crise migratoire des années 2010 et qui doit être révisé de longue date, explique Camille Le Coz : « La directive retour doit être réformée depuis longtemps. Les ordres de retour doivent être harmonisés entre les Etats membres et le texte mis à jour pour prendre en compte les évolutions du cadre législatif. »

Une nécessité mise en avant dans le courrier d’Ursula von der Leyen, qui appelle les Etats membres à « avancer sur une approche commune en matière de retours » : « Seuls 20 % des ressortissants concernés par une expulsion ont effectivement regagné leur pays. (…) Nous devons instaurer un niveau d’harmonisation et de confiance qui garantira que les migrants faisant l’objet d’une décision de retour ne puissent pas exploiter les failles du système pour éviter leur expulsion. »

Problème : réformer la politique de retour s’annonce complexe. En 2018, une proposition de réforme visant à renforcer l’efficacité des procédures avait déjà été envisagée, mais elle était restée lettre morte au Parlement européen. « La question des retours est extrêmement difficile. Cela fait vingt ans que l’Union européenne essaye de la traiter, sans succès », observe Guillaume Klossa, président du centre de réflexion européen EuropaNova. « En s’attelant à ce sujet difficile, Ursula von der Leyen répond aussi à l’évolution des majorités politiques européennes, où les conservateurs ont un poids de plus en plus important », estime Guillaume Klossa.

Inspirée du modèle italien, l’idée des « hubs de retour » divise les Etats membres

Elaborer un nouveau cadre législatif sur les retours sera donc « l’une des tâches immédiates du commissaire aux Affaires intérieures et à l’Immigration », affirme Ursula von der Leyen. Si la présidente de la Commission européenne n’a pas encore donné de vision claire sur la forme que pourrait prendre cette révision de la politique, elle pourrait s’inspirer du modèle italien. Il y a un an, le pays avait signé un accord bilatéral controversé avec l’Albanie, pour y externaliser le traitement de ses demandes d’asile. Ce 16 octobre, un premier groupe d’une quinzaine de migrants secourus en Méditerranée par un navire italien ont ainsi été débarqués dans un port albanais.

« Nous devons continuer à explorer la piste du développement de “hubs de retours” en dehors de l’Union européenne. Avec l’entrée en vigueur du protocole Italie-Albanie, nous pourrons tirer les leçons de cette expérience », a indiqué Ursula von der Leyen. En marge du sommet européen, ce 17 octobre, l’Italie organisait d’ailleurs une réunion informelle autour de Giorgia Meloni pour promouvoir ces « solutions innovantes » contre l’immigration irrégulière. Une rencontre à laquelle a participé la présidente de la Commission, aux côtés des dirigeants d’une dizaine de pays dont la Hongrie et la Pologne, rapporte l’AFP.

Au sommet européen, la question du développement de ces « hubs de retour » à l’échelle de l’UE divise fortement. Si l’Italie en fait la promotion, l’Allemagne s’y oppose par la voix de son chancelier Olaf Scholz, qui a fait savoir devant la presse à Bruxelles que l’externalisation du traitement des demandes d’asile dans des centres de pays tiers n’était « pas une solution » pour des « grands pays » comme l’Allemagne. Pour son homologue belge Alexander de Croo, ces centres, en plus d’être « très chers », n’ont « jamais montré par le passé qu’ils étaient efficaces ».

De son côté, la France n’a pas fait connaître de position claire à Bruxelles, mais le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a récemment repris l’idée d’un recours à des pays de transit hors de l’Union européenne, dans le cadre d’une nouvelle loi immigration. « C’est une voie qui est ouverte, mais il n’y a pas de décision prise » a assuré la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon, à l’issue du conseil des ministres cette semaine.

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