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Haut-Karabakh : pourquoi l’Arménie est aussi isolée diplomatiquement ?

Alors que la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, était, ce 3 octobre en Arménie à Erevan, elle a annoncé la formalisation d’un accord sur la livraison de matériel militaire, en plus d’une augmentation de l’aide humanitaire pour les réfugiés du Haut-Karabakh. La diplomatie française tente de mobiliser le camp occidental aux côtés de l’Arménie qui craint une incursion de l’Azerbaïdjan sur son territoire souverain.
Henri Clavier

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Si le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan à propos du Haut-Karabakh dure depuis plus de 30 ans, le renversement du rapport de force entre les deux Etats inquiète une partie de la communauté internationale qui craint que l’Azerbaïdjan poursuive son offensive dans les semaines qui suivent. Le président de l’Azerbaïdjan, Ilham Aliev, a d’ailleurs explicitement évoqué, aux côtés de Recep Tayyip Erdogan, sa volonté d’ouvrir le « corridor de Zangezur ». Une bande terrestre, située sur le territoire de l’Arménie, dont l’ouverture permettrait de relier le territoire principal de l’Azerbaïdjan à l’enclave de Nakhitchevan et à la Turquie. Après la conquête du Haut-Karabakh, une incursion sur le territoire arménien pourrait faire prendre une nouvelle dimension au conflit. Retour sur les origines de cette crise et les raisons de l’isolement diplomatique de l’Arménie.

 « L’alliance de sécurité russe est devenue néfaste pour l’Arménie »

Ancienne République socialiste, l’Arménie a conservé, après la chute de l’URSS, des liens étroits avec la Russie notamment en termes de sécurité. La dégradation des relations avec la Russie joue un rôle direct dans la fragilisation du territoire de l’Arménie. « Aujourd’hui, les liens avec la Russie sont assez froids. Dès le départ, le choix de remettre sa sécurité entre les mains de la Russie était contraint puisque l’Arménie était entourée par la Turquie et l’Azerbaïdjan », explique Claire Mouradian, directrice de recherche au CNRS et responsable de l’équipe « Caucase » du centre d’études des mondes russe, caucasien et centre-européen de l’EHESS.

L’Arménie, membre de l’organisation du traité de sécurité collective, une alliance militaire formée à l’initiative de la Russie et héritière du pacte de Varsovie, entretient une relation de nécessité avec la Russie qui se dégrade depuis quelques années. Si la Russie a laissé l’Azerbaïdjan s’emparer du Haut-Karabakh, c’est tout simplement parce que « les intérêts russes, notamment économiques, ne se trouvent plus dans le camp arménien. En 1994, à la fin de la première guerre, la Russie avait souhaité préserver un équilibre dans la région », rappelle Claire Mouradian. Le gazoduc transanatolien partant de l’Azerbaïdjan pour déboucher en Italie représente un enjeu stratégique de poids pour les débouchés du gaz russe. Un constat partagé par Taline Papazian, politologue chargée de cours à Sciences Po Aix et directrice d’Armenia Peace Initiative, qui estime que « l’alliance de sécurité russe est devenue néfaste pour l’Arménie depuis 2 ans et demi, et est en crise ouverte depuis un an. »

Les liens avec la Russie, un épouvantail pour les puissances occidentales

 « Les liens entre l’Arménie et la Russie ont été un repoussoir pour beaucoup d’États occidentaux », rappelle Taline Papazian. La proximité, longtemps entretenue, entre l’Arménie et la Russie est aujourd’hui largement responsable de l’isolement de l’Arménie sur la scène internationale. Pour l’historienne Claire Mouradian, des raisons historiques expliquent l’isolement d’un État « pris entre des logiques d’empire qui se perpétuent, que cela soit du côté de la Turquie ou de la Russie ». Une situation qui pousse l’Arménie à la marge du camp occidental. Sans que cela soit dirigé vers la Russie, le Parlement arménien a ratifié le statut de Rome afin d’intégrer la Cour Pénale Internationale (CPI). L’adhésion à la CPI peut alors permettre à l’Arménie de poursuivre l’Azerbaïdjan pour crime de guerre. Une première étape pour obtenir un soutien international plus large et faire comprendre un conflit parfois jugé « trop compliqué » par les Occidentaux.

 « Dans son soutien à l’Arménie, la France est pionnière en Europe »

La France qui entretient des liens historiques avec l’Arménie, notamment depuis le génocide, s’échine à apporter son soutien à l’Arménie qui est « actuellement sous-équipé militairement pour se défendre face à l’Azerbaïdjan », explique Taline Papazian. « Dans son soutien à l’Arménie, la France est pionnière en Europe et la plus audacieuse parmi les pays occidentaux », continue Taline Papazian. Malgré ce statut de principal allié du camp occidental, le soutien de la France, peu présente dans cette zone géographique, reste limité. Si la France a augmenté de sept millions l’aide humanitaire qu’elle apporte à l’Arménie, la somme est jugée insuffisante pour répondre au déplacement des 100 000 réfugiés du Haut-Karabakh. En revanche, la France pourrait s’avérer être un relai diplomatique majeur pour l’Arménie, surtout au niveau de l’Union européenne. « L’Allemagne, à l’incitation de la France, a notablement augmenté son niveau d’attention aux problèmes de la région », informe Taline Papazian.

 « Les livraisons d’armes sont toujours sensibles dans l’Union européenne, même avec le précédent de la guerre en Ukraine »

Largement critiquée pour son accord sur le gaz avec l’Azerbaïdjan, l’Union européenne a annoncé une aide humanitaire de cinq millions d’euros mais reste pour l’instant assez évasive dans sa diplomatie. « L’Union européenne souffre d’une dépendance énergétique et n’est pas une puissance sécuritaire », rappelle Laure Delcour, enseignante-chercheuse spécialiste des relations extérieures de l’Union européenne. Surtout, la question du conflit au Haut-Karabakh, ne génère pas de consensus entre les 27 Etats membres qui ont historiquement « souvent fait preuve d’une grande indulgence avec l’Azerbaïdjan, en particulier sur les questions de démocratie », note Laure Delcour.

Concrètement, les positions sont extrêmement variées entre la France très active et la Hongrie qui refuse toute action à l’encontre de l’Azerbaïdjan. Ce véto empêche également d’entamer des négociations pour la prise de sanctions européennes contre le régime d’Ilham Aliev. Impossible donc de voir l’Union européenne se mobiliser et soutenir militairement l’Arménie en cas d’agression comme c’est le cas avec l’Ukraine ? « Les livraisons d’armes sont toujours sensibles dans l’Union européenne, même avec le précédent de la guerre en Ukraine. L’Union européenne, même si sa crédibilité est entamée, a fixé l’agression du territoire de l’Arménie comme ligne rouge », conclut Laure Delcour.

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