Le groupe d’amitié France-Arménie au Sénat a les yeux rivés sur la situation dans le Caucase. Voilà des mois que les parlementaires sont profondément préoccupés par les derniers développements au Haut-Karabagh, cette région de l’Azerbaïdjan composée en grande majorité d’Arméniens. Depuis décembre, et le blocage par les Azéris du corridor de Latchine, l’unique voie d’accès entre l’Arménie et ce territoire enclavé, ses 120 000 habitants sont coupés du monde.
Deux ans et demi après l’accord de cessez-le-feu entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan qui prévoyait le maintien de ce corridor, le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau, craint le pire pour ce « petit peuple oublié ». Un peuple qui vit actuellement dans une « prison à ciel ouvert », « aujourd’hui aux prises avec une tentative d’épuration ethnique, culturelle et religieuse », a-t-il bien insisté. En mars, plusieurs intellectuels et parlementaires avaient déjà alerté sur leur sort.
Lors des questions d’actualité au gouvernement, ce 31 mai, le sénateur de la Vendée a interrogé Élisabeth Borne pour savoir quelles actions la France allait entreprendre dans la région. « L’épuration ethnique n’a jamais été aussi imminente. Qu’allez-vous faire pour la prévenir, pour l’empêcher ? » a-t-il demandé.
Rappelant que la France était « pleinement engagée en faveur d’un « règlement durable du conflit » entre les deux États, la Première ministre a souligné que la reprise des négociations de paix, sous l’égide de l’Union européenne, était un « signal encourageant ».
« Il existe aujourd’hui une voie pour la paix », considère Élisabeth Borne
Elle a souligné qu’Emmanuel Macron participerait demain à une réunion, en marge du sommet de la Communauté politique européenne à Chisinau (Moldavie), avec le Premier ministre arménien et le président de l’Azerbaïdjan. Élisabeth Borne a d’ailleurs « salué » les récentes déclarations de son homologue arménien. Nikol Pashinyan s’est dit prêt à accepter les frontières internationalement reconnues de l’Azerbaïdjan, et donc le Haut-Karabagh comme partie intégrante de ce pays, si les droits et la sécurité des Arméniens du Haut-Karabagh étaient garantis.
« Il existe aujourd’hui une voie pour la paix. Elle passe par la reconnaissance mutuelle de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des deux pays. Elle passe par la délimitation de la frontière commune », a souligné Élisabeth Borne.
La cheffe du gouvernement a également indiqué que la France n’avait eu cesse de rappeler « la nécessité de mettre en œuvre la décision de la Cour de Justice internationale » du 22 février. L’organe judiciaire des Nations Unies avait ordonné l’Azerbaïdjan d’ « assurer la circulation sans entrave des personnes, des véhicules et des marchandises le long du corridor de Latchine ».
L’arrêt de l’approvisionnement des biens de première nécessité a asphyxié la région, provoquant une crise humanitaire majeure. S’il « reconnaît l’engagement du président de la République » en faveur de la paix dans la région, Bruno Retailleau estime que la France doit faire désormais passer à la vitesse supérieure. « Aujourd’hui, nous devons faire plus, on doit faire plus parce qu’on est à la veille d’une tragédie. »
Le sénateur n’a toutefois pas trouvé réponse sur sa première question. « La France a toujours fait du principe d’autodétermination des peuples un principe cardinal, pour le Haut-Karabagh comme pour toute sa politique étrangère. Est-ce toujours le cas ? » En 2020, le Sénat avait adopté une résolution sur la nécessité de reconnaître la République du Haut-Karabagh. La région avait autoproclamé son indépendance à la chute de l’Union soviétique, en 1991, sans jamais obtenir de reconnaissance internationale, pas même celle de l’Arménie.