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Guerre Israël/ Hezbollah : l’intensification des frappes au Liban fait craindre une escalade du conflit

Alors que le conflit entre Israël et le Hezbollah atteint une intensité inédite, le risque d’extension du conflit et de guerre au Liban devient de plus en plus probable. Le Hezbollah, durement touché par Tsahal, pourrait précipiter le Liban dans une nouvelle guerre après celle de 2006.
Henri Clavier

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L’armée israélienne a indiqué avoir touché 800 cibles au Liban depuis le début de la journée qui ont déjà fait 274 morts selon les autorités libanaises. Une ampleur inédite depuis le début du conflit qui oppose Tsahal au Hezbollah, allié du Hamas et de Téhéran. En effet, depuis les attaques du 7 octobre, les échanges de tirs et de roquettes sont réguliers à la frontière entre le Liban et Israël. Depuis le début du mois de septembre, l’armée israélienne accentue ses actions contre le Hezbollah. Mardi 17 septembre, de nombreux cadres du Hezbollah ont été touchés par les explosions de bipeurs imputées aux services secrets israéliens. L’intensification des actions israéliennes pour démanteler le Hezbollah fait craindre une extension du conflit au Liban où Tsahal avait déjà mené une opération au sol en 2006. 

Le Premier ministre libanais, Najib Mikati, a dénoncé un « plan de destruction du pays » tandis que le porte-parole du ministère des affaires étrangères iranien met en garde contre « les conséquences dangereuses de la nouvelle aventure des sionistes ». Antonio Guterres, secrétaire général des Nations Unies s’inquiète pour sa part de la possibilité d’un « nouveau Gaza » au Liban. 

Des déplacements massifs de populations civils 

« Les routes sont surchargées, les gens fuient le Sud et le Hezbollah n’a pas d’abri à leur offrir. Le Hezbollah perd son soutien populaire et est tenu responsable de la situation catastrophique sur les plans militaire, politique, et financier », pointe Antoine Basbous, associé chez Forward global et directeur de l’observatoire des pays arabes. Comme rapporté par l’AFP, de nombreux embouteillages se forment sur la route entre le sud du pays et Beyrouth après des frappes sur la ville de Saïda. 

Les bombardements ne se limitent plus au sud du pays à proximité de la frontière où dans la banlieue sud de Beyrouth. Dans l’après-midi, l’armée israélienne a donné un ultimatum aux habitants de la vallée de la Bekaa, à l’est du pays, les appelant à s’éloigner des entrepôts d’armes du Hezbollah dans un délai de deux heures. Par ailleurs, Tsahal a confirmé l’intensification des frappes dans l’est du pays. 

Le Liban, nouveau « centre de gravité » du conflit 

L’intensification des actions israéliennes contre le Hezbollah et ses dirigeants fait craindre, notamment à la communauté internationale, une aggravation du conflit. Néanmoins, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, assure qu’Israël « anticipe les menaces » tout en reconnaissant que le pays serait confronté à « des jours compliqués ». Le ministre de la défense, Yoav Gallant a pour sa part affirmé que le « centre de gravité » du conflit se déplaçait vers le nord. « On est dans une phase intermédiaire dans laquelle le gouvernement israélien accroît considérablement la pression sur le Hezbollah pour le convaincre de se retirer au nord du fleuve Litani, en application de la résolution 1701 des Nations unies, et d’arrêter les hostilités en stoppant tout soutien au Hamas. On ne peut pas encore parler d’embrasement, le mot est trop fort », estime Pierre Razoux, directeur académique de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques (FMES) et auteur de « Tsahal, histoire de l’armée israélienne » (Perrin). 

En ciblant, les dirigeants et l’arsenal du Hezbollah, Tsahal cherche également à anticiper une nouvelle incursion sur son territoire. En effet, le Hezbollah dispose d’effectifs et de moyens supérieurs à ceux du Hamas et serait en mesure de frapper durement le territoire israélien. Selon les renseignements israéliens, le Hezbollah dispose de 120 000 à 150 000 missiles dont plusieurs dizaines de missiles balistiques. « La force Radwan a été ciblée prioritairement, une unité susceptible d’effectuer des opérations d’infiltration sur le territoire israélien. Les pertes du Hezbollah concernent surtout leur capacité d’action au sol, à travers les tunnels et en mer », souligne Pierre Razoux. « L’enjeu pour Israël réside notamment dans les tunnels, profondément creusés dans la montagne libanaise à une échelle probablement d’une autre ampleur que ceux de la bande de Gaza. L’objectif stratégique serait probablement de neutraliser les missiles guidés de précisions qui peuvent être plus difficilement interceptés », abonde David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l’Institut de recherches internationales et stratégiques (IRIS) et rédacteur en chef de la revue Orients Stratégiques (L’Harmattan). 

« Le véritable problème réside dans le risque de saturation du bouclier anti-missile » 

Dans ces conditions, le conflit pourrait changer de nature, notamment en cas de riposte massive du Hezbollah. L’armée israélienne a d’ailleurs rapporté qu’une dizaine de roquettes avaient été lancées depuis le Liban ce lundi. « Le Hezbollah est affaibli en termes organisationnels, en termes de munitions mais il a certainement encore les moyens de frapper Israël puisqu’il est censé disposer d’entre 120 000 et 150 000 roquettes et missiles, dont des missiles de précision », rappelle David Rigoulet-Roze qui souligne que « le véritable problème réside dans le risque de saturation du bouclier anti-missile ». En cas d’utilisation massive et de recours aux missiles de précision, la situation pourrait évoluer. « Israël ne veut plus vivre avec cette menace à ses frontières qui fait que depuis le conflit à Gaza des dizaines de milliers de civils vivant à proximité de la frontière avec le Liban ont été déplacées », relève Antoine Basbous insistant sur la volonté israélienne de priver durablement le Hezbollah de ses capacités opérationnelles. « On ne peut pas gagner une guerre uniquement par la voie aérienne. C’est toujours le dilemme de ce type de configuration », prévient néanmoins David Rigoulet-Roze.

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Un retard qui n’a rien d’exceptionnel, souligne Francisco Roa Bastos, maître de conférences en sciences politiques à l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne : « La composition de la Commission européenne est toujours un exercice compliqué, parce qu’il faut satisfaire plusieurs logiques, de géographie, de parité, en plus des exigences des différents États membres. » Cher à Ursula von der Leyen depuis son premier mandat, c’est notamment le critère de parité qui semble avoir donné du fil à retordre à la présidente de la Commission. « Lorsque j’ai reçu les premières propositions de nomination des États membres, nous avions 22 % de femmes et 78 % d’hommes. Vous imaginez bien que c’était tout à fait inacceptable », a-t-elle déploré à l’occasion d’une conférence de presse. Finalement, le collège proposé comporte 40 % de femmes. Une répartition non-paritaire, compensée toutefois par l’attribution de quatre des six postes clés de vice-présidents de la Commission à des femmes. « Ursula von der Leyen a su faire de cet enjeu de parité un élément de négociation important dans la répartition des portefeuilles entre les différents États membres », observe Francisco Roa Bastos. Sommés de proposer le nom d’une femme pour le poste, les pays qui ont joué le jeu – notamment la Bulgarie, la Slovénie et la Roumanie – se voient en effet attribuer « des portefeuilles importants », estime-t-il. Les socialistes obtiennent un poste clé, un proche de Meloni nommé vice-président Par ordre d’importance, après Ursula von der Leyen, c’est d’ailleurs l’Espagnole Teresa Ribera qui hérite du poste le plus influent. La socialiste, ministre de la Transition écologique dans le gouvernement de Pedro Sanchez, est nommée vice-présidente de la Commission et prend en charge le portefeuille de la concurrence. Un rôle central. « Elle guidera les travaux pour que l’Union européenne reste sur les rails du Pacte vert, de la décarbonation et de la réindustrialisation », a détaillé Ursula von der Leyen. Pourquoi la présidente de la Commission européenne, membre de la droite européenne du PPE, a-t-elle attribué ce poste de premier plan à une socialiste ? « Elle a été fine stratège », estime Francisco Roa Bastos : « Avec la nomination de Teresa Ribera, il va être plus difficile pour les eurodéputés socio-démocrates de contester la composition globale du collège de commissaires, au risque de voir ce poste leur échapper ». Deuxième force politique du Parlement derrière le PPE, le groupe S&D aura en effet un rôle central à jouer dans la validation par un vote de ce nouveau collège de commissaires. Le profil de Teresa Ribera pourrait ainsi calmer les critiques venues de la gauche quant à la nomination d’un autre vice-président : Raffaele Fitto. Le choix de l’Italien, ministre des Affaires européennes au sein du gouvernement de Giorgia Meloni, est en effet vivement contesté par les eurodéputés de gauche, opposés à la nomination d’une personnalité d’extrême droite à la Commission. « La France sort affaiblie de cette séquence » Enfin, côté français, le bilan de ces nominations semble contrasté. Après la démission fracassante du commissaire européen Thierry Breton, victime de ses relations exécrables avec Ursula von der Leyen, Emmanuel Macron a finalement proposé la candidature de Stéphane Séjourné. Le ministre démissionnaire des Affaires étrangères obtient une place de choix dans ce nouveau collège : un poste de vice-président, chose que Thierry Breton n’avait pas obtenue, ainsi qu’un portefeuille dédié à la « prospérité » et à la « stratégie industrielle ». « Grâce à sa position de vice-président, Stéphane Séjourné aura une position importante et transversale au sein de la Commission, que n’avait pas Thierry Breton. Mais son portefeuille n’inclut que la politique industrielle, on peut regretter qu’il n’intègre pas des éléments de politique commerciale, notamment la concurrence », analyse Elvire Fabry, chercheuse senior à l’institut Jacques Delors. Pour Francisco Roa Bastos, la nomination de Stéphane Séjourné peut même être vue comme une « rétrogradation » par rapport au poste occupé par Thierry Breton. Sans pouvoir s’occuper des politiques centrales de concurrence, attribuées à Teresa Ribera, l’influence de Stéphane Séjourné pourrait selon lui être « limitée », comparée à celle que pouvait avoir Thierry Breton. « C’est assez clair pour tous les observateurs, la France sort affaiblie de cette séquence », tranche Francisco Roa Bastos. Pour être confirmé à son poste, le nouveau commissaire français devra dans tous les cas se soumettre au vote des eurodéputés. 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