Après la chute de Bachar al-Assad et l’arrivée au pouvoir de rebelles en Syrie, plusieurs pays européens dont l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie, ont annoncé un gel des procédures de demandes d’asile. Plusieurs partis politiques ont également ouvert la voie au retour des réfugiés syriens dans le pays. Un débat qui soulève des questions politiques et juridiques.
Guerre en Ukraine : « Les Russes peuvent tirer dix fois plus d’obus que les Ukrainiens »
Par Steve Jourdin
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Ce lundi, l’Ukraine dit avoir repoussé 55 attaques dans la région de Donetsk. Quelques heures plus tôt, le commandant en chef des armées avait reconnu que « la situation avait empiré sur le front ». La situation est-elle sur le point de basculer ?
C’est une dramatisation qui reflète une réalité. Depuis plusieurs semaines la situation militaire est très délicate. Les Ukrainiens ont perdu l’initiative, ce sont les Russes qui imposent leur rythme et gagnent le rapport de force, notamment dans l’artillerie. Les Russes peuvent tirer dix fois plus d’obus que les Ukrainiens ! Il y a aussi une usure de l’armée ukrainienne, car beaucoup de soldats sont sur le front depuis déjà deux ans et la relève est difficile. La Russie est en économie de guerre, les chaînes industrielles tournent à plein régime, alors qu’au même moment en Ukraine l’aide occidentale a du mal à arriver. Aujourd’hui, l’objectif des Ukrainiens est de tenir dans la durée, l’heure n’est plus à la reconquête de territoires.
Cet appel au secours intervient quelques jours seulement après le déblocage d’une enveloppe de 61 milliards de dollars d’aide par le Congrès américain. Joe Biden a promis que cette aide arriverait « rapidement ». Est-ce qu’elle ne risque pas d’arriver trop tard ?
Il faut du temps pour transférer ces équipements. Ils doivent être acheminés des Etats-Unis jusqu’en Pologne, puis ensuite traverser tout le territoire ukrainien jusqu’à la ligne de front. Cela pose des problèmes logistiques importants. Même s’il y a déjà des éléments dans la région, cela peut prendre plusieurs jours voire plusieurs semaines. L’aide américaine va contribuer à stabiliser la ligne de front.
Quelle est précisément la stratégie américaine en Ukraine ?
C’est une stratégie partagée avec nous, les Européens. Nous ne sommes pas dans une logique de reconquête, car il faudrait mettre beaucoup plus de moyens militaires, dont les pays occidentaux ne disposent pas. L’objectif est de stabiliser la situation et faire comprendre à Poutine que ça ne sert à rien qu’il continue cette guerre. Ce sera d’ailleurs l’un des sujets de discussion lors de la visite de Xi Jinping à Paris la semaine prochaine (les 6 et 7 mai, ndlr). L’un des objectifs du Kremlin est d’obtenir un maximum de gains pour imposer un état de faits, et attendre une éventuelle victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine de novembre.
Depuis le mois de février, cinq chars Abrams auraient été détruits par l’armée russe. Pour éviter de nouvelles pertes, Washington a décidé de retirer ces engins des combats. Peut-on parler d’un revers militaire « occidental » ?
C’est embêtant, il faudra observer de près le défilé militaire du 9 mai à Moscou, d’autant plus qu’il est possible qu’un engin français ait été capturé. Le 9 mai, date de la victoire soviétique sur l’Allemagne nazie, sera un moment important pour Poutine. Il va sans doute vouloir exhiber ces engins occidentaux capturés. Quelle sera sa rhétorique ? Il pourrait assimiler l’aide occidentale à l’Ukraine et à la guerre face au nazisme.
D’un point de vue strictement militaire, la destruction de chars par les Russes montre bien l’importance du véhicule blindé pour protéger les soldats. Aujourd’hui, les Ukrainiens utilisent abondamment les drones. Le problème est qu’ils ne contrôlent pas leur propre espace aérien, d’où le besoin de systèmes antimissiles régulièrement mis en avant. Car l’armée russe vise et bombarde actuellement les infrastructures énergétiques.
La guerre semble partie pour durer pendant encore plusieurs mois. Assiste-t-on également à une guerre des nerfs ?
On est dans une guerre hybride de haute intensité, où tout est utilisé, et notamment la propagande et la désinformation. Vladimir Poutine a deux objectifs : les élections européennes du 9 juin, et les JO de Paris. Il veut faire en sorte que les Jeux olympiques soient un fiasco en matière d’organisation et que l’image de la France soit ternie. Pour cela, il diffuse l’idée sur les réseaux sociaux que Paris est une ville dangereuse, mais il faut s’attendre aussi à des cyberattaques.
A Kharkiv, l’offensive russe est de plus en plus intense, avec des alertes qui retentissent jusqu’à 15 fois par jour. Est-ce le début de la grande offensive évoquée par les experts ?
Kharkiv est un paradoxe. Il s’agit de la deuxième ville du pays. Elle comptait deux millions d’habitants avant la guerre, contre 1 million 300 000 aujourd’hui. C’est une ville russophone qui nargue Poutine. Mais cela semble être un trop gros morceau pour les Russes, ils n’ont pas la capacité militaire d’occuper une ville aussi importante à l’heure actuelle. En revanche, si des dizaines de milliers d’habitants venaient à fuir la ville, cela pourrait faire leurs affaires. La grande offensive russe pourrait intervenir dans les semaines qui viennent, dans le cadre de ce qu’on appelle les « offensives de printemps ».
La semaine dernière, un vice-ministre russe de la défense a été arrêté pour corruption. Sait-on ce qu’il se passe autour de Vladimir Poutine aujourd’hui ?
L’ambiance au Kremlin doit être absolument détestable. Après plus de deux ans de guerre, la situation n’est pas simple pour les Russes. Il y a d’une part la corruption, très ancrée dans le système post-soviétique, mais il y a aussi des luttes de pouvoir très intenses. De toute façon, le conflit en Ukraine ne cessera que quand Poutine aura disparu ! Il ne faut pas compter sur un soulèvement du peuple russe, mais plutôt sur une révolution de Palais.
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