Borys Filatov, maire de la ville de Dnipro, était l’un des élus ukrainiens invités ce mardi à prendre la parole au Congrès des maires organisé par l’AMF. Mille jours après l’invasion russe de l’Ukraine, il témoigne sur Public Sénat d’un conflit toujours aussi difficile à supporter pour la population de son pays.
Génocide des Yézidis : 10 ans après, quelle mémoire et quelle justice ?
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Le 3 août 2014, les troupes de l’Etat Islamique envahissent la région du Sinjar, foyer historique du peuple yézidi, au nord-ouest de l’Irak. Près de 1500 membres de la communauté sont massacrés, 200 000 personnes sont condamnées à l’exil et des milliers de femmes à l’esclavage sexuel au service de Daesh. Les survivants de cette tragédie réclament aujourd’hui une réponse pénale forte à l’encontre des auteurs de ces crimes contre l’humanité, à l’échelle nationale et internationale. Natia Navrouzov, directrice exécutive de Yazda, ONG spécialisée dans la défense et l’aide humanitaire, alerte sur le sentiment d’oubli des victimes et insiste sur la nécessité « d’actions concrètes » pour préserver une culture « au bord de l’extinction », tout en soulignant l’importance de l’éducation pour « empêcher que de tels génocides ne se reproduisent ». Selon elle, le soutien de la France s’avère crucial dans ce combat pour la justice et pour le souvenir.
Une demande de justice pour les crimes commis, ou l’insuffisance de la réponse internationale
Les parties prenantes de la discussion ont exprimé leur désarroi face à l’inaction judiciaire de la communauté internationale. La demande de création d’un Tribunal international temporaire, sur le modèle du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, a été écartée, et le Conseil de Sécurité de l’ONU comme la Cour pénale internationale ont argué de leur impuissance, faute de preuves suffisantes et de cadre légal adapté. Seul soutien institutionnel à la cause des Yézidis, la cellule d’enquête Unitad de l’ONU, créée en 2017, est chargée de récolter des preuves afin d’appuyer l’action pénale au niveau national. Cet organisme doit toutefois fermer en septembre prochain, sans que l’accès à sa base de données ne puisse, pour l’heure, être garanti. Selon le sénateur des Hauts-de-Seine et vice-président du Sénat, Pierre Ouzoulias, la réponse internationale apportée à ce génocide est « très insuffisante » ; « la coalition a eu du mal à comprendre ce qu’était la réalité de Daesh », regrette-t-il.
Par ailleurs, plusieurs pays européens ont déjà condamné certains de leurs ressortissants impliqués dans les crimes du Sinjar, à l’instar de l’Allemagne ou des Pays-Bas. En France, une enquête met en cause le groupe Lafarge, accusé d’avoir financé les actions terroristes de l’Etat Islamique à hauteur de 5 millions d’euros entre 2013 et 2014. En Janvier dernier la Cour de cassation a définitivement confirmé, la mise en examen de l’entreprise Lafarge pour « complicité de crimes contre l’humanité ».
Interrogé sur cette affaire, le sénateur Pierre Ouzoulias soutient que la France a « un travail à faire sur elle-même pour établir toutes les culpabilités ». Il semble néanmoins que le système pénal français demeure insuffisant pour faire face aux crimes de masse et pour assurer une protection des victimes adaptée.
« Il y a besoin d’un acte juridique fort » : le dépôt d’une proposition de loi pour la reconnaissance du génocide
Parmi les nombreuses pistes de réflexion et d’action évoquées lors de ce colloque, la proposition de loi visant à reconnaître le génocide du peuple yézidi, déposée par la sénatrice Nathalie Goulet et co-signée par une centaine de sénateurs, a été vivement approuvée par les représentants associatifs et gouvernementaux présents. « Il est important de l’inscrire dans le marbre de la loi », défend la sénatrice de l’Orne.
« On a besoin d’un grand procès international » sur le modèle des procès de Nuremberg, affirme le sénateur Pierre Ouzoulias. Ce dernier encourage également une meilleure intégration culturelle de la communauté yézidie au sein de la société française. La sénatrice de l’Yonne et présidente de la délégation sénatoriale aux droits des femmes, Dominique Vérien, se prononce en faveur d’une justice « plus rapide » et expressive. Les modalités de réparation des victimes devraient ainsi surpasser la seule réponse militaire ou l’empathie passive traditionnellement orchestrées par le concert des nations.
Une autre avancée potentielle serait celle d’une plus grande rigueur dans l’application d’un principe phare du droit international, consacrant la compétence universelle des Etats pour juger des auteurs de violations graves des droits humains, défendue par certains observateurs comme un moyen de lutter contre l’impunité et de pallier l’inaction des régimes autoritaires, sous l’égide desquels ces actes sont parfois perpétrés.
L’objectif est clair : éviter qu’un tel drame ne suscite un émoi passager, avant de tomber dans les limbes de la mémoire collective ; cette souffrance doit être portée par la communauté nationale tout entière, si celle-ci vise à l’apaiser.
Eglantine Mougin
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