Gaza : « Tsahal est dans un piège, qui va devenir un bourbier sanglant », selon le général Vincent Desportes

Invité de la matinale de Public Sénat ce 3 novembre, le professeur de stratégie et ancien directeur de l’École de guerre Vincent Desportes a livré son analyse sur le conflit entre Israël et le Hamas. Alors que Tsahal a annoncé avoir encerclé la ville de Gaza, pour le général la solution pour mettre fin à la guerre est politique.
Rose Amélie Becel

Temps de lecture :

3 min

Publié le

Mis à jour le

Dans la soirée du jeudi 2 novembre, une semaine après le début de son opération terrestre dans l’enclave palestinienne, l’armée israélienne a annoncé avoir « achevé l’encerclement de la ville de Gaza ». Pour le général Vincent Desportes, invité de la matinale de Public Sénat vendredi 3 novembre, cette étape marque un tournant dans le conflit. « On va passer à une phase plus dure. Plus Tsahal va avancer, plus les combats seront durs et les pertes nombreuses des deux côtés », analyse le professeur de stratégie.

La perspective d’une « guerre des tunnels », des combats dans le réseau souterrain de plusieurs centaines de kilomètres creusé par le Hamas, se rapproche. Pour Vincent Desportes, elle est inévitable en raison des otages que le groupe terroriste détient et cache vraisemblablement dans ces tunnels : « Tsahal est dans un piège, qui va devenir un bourbier sanglant ». Les combats qui se profilent s’annoncent donc meurtriers pour l’armée israélienne, sur un terrain qui avantage le Hamas. « Il y a un pouvoir égalisateur des tunnels, on se retrouve dans un combat d’homme à homme, un combat au poignard et au révolver », estime le général.

La guerre Israël-Hamas « pourrait devenir illégitime »

Mardi 31 octobre, l’armée israélienne a confirmé avoir bombardé le plus grand camp de réfugiés de la bande de Gaza, le camp de Jabaliya, pour « éliminer » un dirigeant du Hamas. Une annonce qui a suscité l’indignation du Haut-commissariat aux droits de l’homme de l’ONU, qui a indiqué dans un tweet sa crainte « qu’il s’agisse d’attaques disproportionnées qui pourraient être des crimes de guerre ».

Alors que le nombre de victimes civiles des ripostes de Tsahal à Gaza ne cesse de croître, le général Vincent Desportes considère ce nouveau bombardement comme une grave erreur stratégique de l’État hébreu : « C’est du pain béni pour le Hamas, puisque c’est un élément qui peut encore plus retourner l’opinion publique contre Israël ». Un retournement de l’opinion qui fait courir un risque à Israël. « Cette guerre, légitime dans ses motivations, pourrait devenir illégitime par la façon dont elle est réalisée », analyse Vincent Desportes.

« La guerre est un moyen pour une fin qui doit toujours être politique »

Pour le professeur de stratégie, dans sa guerre contre le Hamas, Tsahal vise un objectif qui n’assure pas une résolution prochaine du conflit : « Cette guerre semble être conduite par un souci de vengeance, et on le comprend bien, mais surtout pour elle-même. Cette guerre veut détruire, or une stratégie ne fonctionne que si elle cherche à construire quelque chose. »

Ainsi, le général l’affirme, « la solution n’est jamais militaire. La guerre est un moyen pour une fin qui doit toujours être politique. Il n’y aura pas de paix au Moyen-Orient tant qu’il n’y aura pas une perspective de paix et de liberté pour les Palestiniens ». La deuxième visite d’Anthony Blinken en Israël, arrivé ce 3 novembre à Tel-Aviv, fait un pas dans cette direction. Le secrétaire d’État américain doit s’entretenir dans la matinée avec le Premier ministre Benjamin Netanyahou, avec un objectif clair : faire pression sur l’Etat hébreu pour s’assurer de la protection des civils palestiniens à Gaza et en Cisjordanie.

Pour aller plus loin

Dans la même thématique

Gaza : « Tsahal est dans un piège, qui va devenir un bourbier sanglant », selon le général Vincent Desportes
3min

International

Guerre en Ukraine : après les nombreux revirements de Trump, « la fiabilité de l’allié américain est largement remise en cause »

Malgré l’annonce d’un accord de cessez-le-feu négocié entre l’Ukraine et Washington, et qui doit désormais être soumis à l’agresseur russe, le sénateur LR Cédric Perrin, président de la commission de la défense et des affaires étrangères, veut rester prudent sur le rôle des Etats-Unis, qui n’ont cessé de multiplier les déclarations fracassantes ces dernières semaines à travers la voix de leur président.

Le

Gaza : « Tsahal est dans un piège, qui va devenir un bourbier sanglant », selon le général Vincent Desportes
5min

International

Accord de cessez-le-feu : « J'espère qu'il n'a pas été négocié avec un fusil sur la tempe des Ukrainiens », pointe Patrick Kanner

Au lendemain de l’accord conclu entre Kiev et Washington pour un cessez-le-feu en Ukraine, Patrick Kanner, chef de file des sénateurs PS, s’inquiète des conditions qui pourraient être imposées aux Ukrainiens, dépendants de l’aide américaine. Par ailleurs, devant l’augmentation attendue des budgets consacrés à la défense en Europe, l’élu appelle à épargner la dépense sociale et à mobiliser les avoirs russes gelés.

Le

Russia Putin
4min

International

Proposition américaine de cessez-le-feu en Ukraine : « L’enjeu pour Moscou, c’est de faire en sorte que Donald Trump reste favorable à ses attentes » 

Entre la Russie et l’Ukraine, un cessez-le-feu n’a jamais semblé aussi proche. Après la réunion à Djeddah entre représentants américains et ukrainiens une proposition de cessez-le-feu de 30 jours a été adressée à la Russie qui n’a pas encore répondu. Alors que la diplomatie russe demande davantage de détails, retour sur les enjeux et les écueils de la conclusion d’une trêve.

Le