Après la chute de Bachar al-Assad et l’arrivée au pouvoir de rebelles en Syrie, plusieurs pays européens dont l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie, ont annoncé un gel des procédures de demandes d’asile. Plusieurs partis politiques ont également ouvert la voie au retour des réfugiés syriens dans le pays. Un débat qui soulève des questions politiques et juridiques.
Etat de droit en Europe : la Hongrie, l’Italie et la Slovaquie pointées du doigt par la Commission européenne
Publié le
Quel est l’état de la démocratie dans l’Union européenne ? C’est à cette question que tente de répondre le rapport annuel de la Commission européenne sur l’Etat de droit dans les 27 Etats-membres, rendu public ce mercredi. « Ce rapport, c’est un outil de référence pour l’Union européenne », explique Fabienne Keller, eurodéputée française, membre du groupe centriste Renew Europe au Parlement européen, et de Renaissance en France. « C’est un document très factuel qui analyse le respect des règles démocratiques dans chacun des Etats-membres. Il fait l’objet d’une procédure contradictoire dans laquelle les gouvernements peuvent répondre à la Commission européenne. »
Ce rapport évalue la situation à l’aune de plusieurs critères : l’équilibre des pouvoirs, l’indépendance de la justice, la pluralité des médias et la lutte contre la corruption. La corruption qui fait partie de l’une des inquiétudes des citoyens puisque selon le sondage Eurobaromètre, publié dans ce rapport, plus des deux tiers des Européens estiment que leur pays est touché par la corruption, dont 98 % des Grecs, 96 % des Portugais et 95 % des Maltais.
D’une manière générale, la Commission européenne note que 68 % des recommandations sur l’Etat de droit formulées dans la rapport de l’an dernier ont été suivies par les Etats-membres à l’exception de quelques uns qui ne se conforment pas à certaines règles démocratiques.
« La Hongrie est un problème systémique en matière d’Etat de droit »
L’Etat-membre de l’Union européenne qui s’éloigne le plus d’une organisation démocratique est sans conteste la Hongrie. Ce pays « est un véritable problème systémique en matière d’Etat de droit, pour la Commission européenne », a assuré Didier Reynders, commissaire européen à la Justice, mercredi lors de la conférence de presse de présentation du rapport. Dans les pages du document consacrées au régime dirigé par le Premier ministre Hongrois Viktor Orban, l’institution bruxelloise estime que « l’influence politique sur le parquet demeure, avec le risque d’ingérences indues dans des affaires individuelles », tandis qu’en matière de lutte contre la corruption, le gouvernement hongrois n’obtient pas de « résultats solides dans les enquêtes pour corruption concernant des hauts responsables et leur entourage ».
« Aujourd’hui, la Hongrie ne pourrait pas entrer dans l’Union européenne si elle était candidate »
« Tous les médias sont contrôlés par Monsieur Orban », explique Fabienne Keller. « Il y a deux ans, nous nous sommes rendus à Budapest avec Valérie Hayer, et les journalistes ne nous interrogeaient pas sur des sujets européens mais sur des prétendues affaires concernant l’opposition. On sentait qu’un vrai système de propagande était installé avec dans les rues, des publicités contre la technocratie européenne, contre les homosexuels et contre les migrants. » L’affaiblissement des partis d’opposition est également l’une des stratégies de ce régime autoritaire. « A Budapest, la ville est dirigée par l’opposition. L’adjoint au maire nous a expliqué que les aides gouvernementales étaient progressivement en train de diminuer. »
Pour inciter Viktor Orban à respecter l’Etat de droit, la Commission européenne a déjà bloqué, fin 2020, 30 milliards d’euros d’aides du plan de relance post-Covid destiné à la Hongrie. Mais cette année, 10 milliards d’euros ont été débloqués par la Commission européenne en échange d’une levée du veto de Budapest sur la nouvelle tranche d’aide à l’Ukraine. Une décision d’Ursula von der Leyen très critiquée au sein des instances européennes. « La majorité du Parlement européen a dénoncé ce deal car les eurodéputés estiment qu’il faut assumer la conditionnalité des fonds européens au respect de l’Etat de droit », explique Fabienne Keller.
Indépendance des médias : l’Italie et la Slovaquie dans le viseur
L’Italie, dirigée par le gouvernement d’extrême droite de Giorgia Meloni, fait partie des autres pays qui inquiètent Bruxelles, au niveau de l’indépendance des médias. Le gouvernement italien a récemment mis la main sur la direction du groupe audiovisuel public RAI, provoquant grèves et démissions en cascade. Le rapport émet de nombreux doutes sur la sécurité et les conditions de travail des journalistes « ainsi que la prévalence croissante des procédures bâillons », c’est-à-dire des procès intentés par des personnalités proches du pouvoir pour faire taire certaines affaires. Le dernier en date, le procès gagné par Giorgia Meloni contre une journaliste qui s’était moquée de sa taille sur les réseaux sociaux. Cette dernière a été condamnée à verser 5000 euros de dommages et intérêts à la présidente du Conseil italien.
Même inquiétude de la Commission européenne concernant le gouvernement slovaque de l’eurosceptique Robert Fico, qui a démantelé la radio publique RTVS pour la remplacer par l’organisme SVTR. Le dirigeant accusait la radio publique d’être partiale politiquement et de combattre son gouvernement. Bruxelles a aussi en ligne de mire une loi slovaque en préparation visant les ONG qui seraient financées par des fonds venant de pays étrangers, ainsi qu’une réforme pénale qui pourrait diminuer les moyens d’enquête concernant les affaires de corruption qui touchent le pouvoir en place.
La Pologne rentre dans le rang démocratique
En revanche, le rapport de la Commission européenne souligne les efforts entrepris par la Pologne pour rétablir l’Etat de droit, depuis l’arrivée au pouvoir, en décembre dernier, de la coalition centriste pro-européenne de Donald Tusk, après des années sous le joug du parti ultraconservateur Droit et Justice (PiS). « La société civile polonaise s’est vraiment mobilisée pour combattre le parti PiS qui est revenu sur l’indépendance de la justice et a durci l’accès à l’interruption volontaire de grossesse. Les avocats et les juges ont mené des actions sur le terrain contre le pouvoir en place et cela a abouti à sa défaite aux dernières élections », se réjouit Fabienne Keller. Néanmoins le chemin pour rétablir l’Etat de droit en Pologne est encore long alors que Donald Tusk vient d’essuyer une défaite au Parlement, à quelques voix près, pour dépénaliser l’avortement (lire notre article). « Le président en place en Pologne, membre du parti ultraconservateur, fait tout pour freiner les réformes de Donald Tusk », précise l’eurodéputée.
Du côté de la France, le rapport de la Commission européenne ne pointe pas de graves manquements à la démocratie mais relève néanmoins la trop grande concentration des médias dans les mains de quelques industriels.
Pour aller plus loin