« 200 000 soldats, c’est un chiffre totalement déraisonnable, » juge d’emblée Guillaume Ancel, ancien officier et auteur du blog « Ne Pas Subir » « Volodymir Zelensky est dans la négociation, il parle de 200 000 hommes, mais il n’en obtiendra jamais autant, car personne n’est en mesure de lui fournir ce contingent. » « 200 000, cela reviendrait à envoyer la totalité de l’armée de terre française », abonde Cyril Bret, chercheur associé à l’Institut Jacques Delors, « c’est évidemment inenvisageable, en termes de sécurité nationale. »
Inenvisageable même en théorie pour les Etats-Unis : il n’y a actuellement que 80 000 soldats américains stationnés sur le continent européen. « Et encore, on parle de personnel militaire, pas de combattants aguerris », rappelle Cyril Bret. Et pour l’instant, il n’en est pas du tout question, Donald Trump a suspendu son aide militaire à l’Ukraine.
Quid de la France ?
Emmanuel Macron est favorable à l’envoi de troupes pour sécuriser une éventuelle paix entre la Russie et l’Ukraine et l’armée française est la deuxième plus importante de l’Union européenne derrière la Pologne. Mais cela ne fait pas tout. « La France, peut en théorie envoyer 20 000 soldats en intervention à l’étranger. Mais c’est sa capacité totale. Pour mobiliser tout le monde, il faudrait quitter nos positions à l’étranger, en Afrique notamment, » souligne Guillaume Ancel. Cyril Bret, se refuse lui, à donner un chiffre. « Il faudra partir de l’accord de paix ou de cessez-le-feu. C’est moins intensif d’assurer des patrouilles que de l’interposition. Il faudra vraiment partir de ce qui sera discuté. »
Des milliards d’euros de dépenses
« Déployer des troupes à l’étranger, ce n’est pas neutre », continue Guillaume Ancel, « c’est épuisant, couteux et il faut faire tourner les équipes tous les 6 mois. Cela veut dire que lorsque vous mobilisez 20 000 personnes, il vous en faut en réalité 40 000 et cela coûte des milliards d’euros à l’année. » Emmanuel Macron doit donc impérativement convaincre ses alliés. Il a prévu de s’exprimer mardi 11 mars devant les chefs d’État-major des pays prêts à contribuer à la paix en Ukraine.
Le Premier ministre britannique, Keir Starmer a déjà déclaré être favorable, lui aussi à l’envoi de troupes. « Mais l’armée britannique est à l’os, précise Guillaume Ancel, après des années de saque budgétaire. Elle pourrait projeter 5000 hommes tout au plus. » « Toutes les armées européennes, même les plus grandes, ont des effectifs taillés pour la paix, pas pour la guerre. Elles ne sont pas dimensionnées pour le territoire ukrainien, pour la durée ou l’intensité », rappelle Cyril Bret. Et cela pourrait prendre du temps pour inverser la machine : « On estime qu’il faut environs 20 ans pour former un colonel, et au moins 3 ou 4 ans, pour un fantassin efficace, discipliné et bien formé. »
Et quel que soit le contingent, les forces européennes auront obligatoirement besoin du soutien des Etats-Unis en matière de renseignement militaire. En trois ans de guerre, ils ont été les yeux et les oreilles des soldats ukrainiens qui n’ont pratiquement jamais été surpris par les Russes. Cependant, John Ratcliffe, le directeur de la CIA, a confirmé la suspension du partage de renseignements cruciaux pour l’Ukraine et cela pourrait aussi être le cas pour l’Europe. « Or elle ne sait pas faire sans ces renseignements américains, » termine