En Espagne, la Catalogne s’invite dans la campagne des européennes

A quelques semaines des élections européennes, l’émission Ici l’Europe, sur France 24 et Public Sénat, s’intéresse aux enjeux du scrutin en Espagne, où l’alliance du gouvernement socialiste avec les indépendantistes catalans crée des remous dans la société espagnole et résonne au niveau européen.
Alexandre Poussart

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Une élection peut en cacher une autre. En pleine campagne des européennes (le scrutin aura lieu le 9 juin prochain), des élections régionales anticipées auront lieu en Catalogne, le 12 mai. Un scrutin qui va maintenir la question catalane au coeur du débat politique espagnol, à l’approche des européennes. 

En mars dernier, les députés espagnols ont voté en faveur d’une loi d’amnistie des indépendantistes catalans impliqués dans la tentative de sécession de la Catalogne en 2017. Parmi eux, un certain Carles Puigdemont, ancien président de la Catalogne et artisan de cette déclaration d’indépendance, déclarée illégale et inconstitutionnelle par la justice espagnole. Carles Puigdemont qui depuis, s’était réfugié à Bruxelles sous la protection de son mandat d’eurodéputé, se prépare à revenir sur la scène politique catalane, grâce à cette loi d’amnistie. 

Une loi d’amnistie en échange d’un soutien politique

Cette loi d’amnistie est le fruit d’un compromis politique scellé l’été dernier entre le Premier ministre socialiste Pedro Sanchez, qui n’avait pas de majorité assez large après les élections, et les indépendantistes catalans qui ont échangé leur soutien au gouvernement de gauche contre ce texte. 

Une manoeuvre qui a indigné une partie de l’opinion publique espagnole, y compris parmi les électeurs de gauche, et déclenché les foudres des oppositions de droite (Parti populaire) et d’extrême droite (Vox) en Espagne. Ces derniers ont saisi les institutions européennes pour dénoncer cette loi d’amnistie qu’ils jugent contraire à l’Etat de droit et à l’indépendance de la justice. “Je suis convaincu que la justice européenne va se prononcer contre cette loi d’amnistie. En 2019, il y a eu un précédent avec une loi d’amnistie similaire en Roumanie”, rappelle Antonio Lopez Isturiz White, eurodéputé espagnol, du Parti populaire européen, et du Parti populaire espagnol, interrogé dans l’émission Ici l’Europe, sur France 24 et Public Sénat. 

L’Union européenne interpellée sur le respect de l’Etat de droit en Espagne

Les droites espagnoles ont demandé à la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen de placer l’Espagne sous procédure de surveillance des règles de l’Etat de droit, comme elle l’a fait pour la Hongrie de Viktor Orban. Une requête à laquelle elle n’a pas accédé. 

“Ursula Von der Leyen et d’autres, qui s’inquiétaient à longueur de discours du bon respect de l’Etat de droit en Hongrie et en Pologne, assistent maintenant en Espagne à un coup d’Etat des plus choquants, du Premier Ministre socialiste Pedro Sanchez, des séparatistes catalans et d’autres groupes, qui s’allient contre à la loi espagnole et la Constitution espagnole. Et ce sans que rien ne se passe !”, s’indigne l’eurodéputé espagnol Hermann Thertsch, eurodéputé du parti d’extrême droite Vox. 

“On ne peut pas laisser dire n’importe quoi” a réagi sur le plateau Lina Galvez Munoz, eurodéputée espagnole socialiste. “Cette loi d’amnistie est parfaitement respectueuse de la Constitution espagnole et des règles de l’Etat de droit en Europe. L’important c’est qu’en 2024, les citoyens de Catalogne vivent mieux au sein de l’Espagne qu’en 2017.”

L’avenir politique de Pedro Sanchez en question

L’avenir de l’alliance politique entre Pedro Sanchez et les indépendantistes laisse sceptique, le gouvernement espagnol ayant été obligé de renoncer au vote du budget 2024, en l’absence d’accord budgétaire avec les nationalistes catalans, en pleine campagne électorale. “Cette alliance ne va nulle part”, estime Antonio Lopez Isturiz White. “On peut accepter la diversité régionale, un nationalisme modéré respectueux de la Constitution, mais ces partis indépendantistes vont trop loin.”

Ces derniers jours, l’horizon du gouvernement de Pedro Sanchez s’est obscurci, pour une autre raison : une enquête judiciaire visant la femme du Premier ministre pour des accusations de corruption. Très affecté par cette affaire, Pedro Sanchez a évoqué mercredi devant les députés espagnols qu’il pourrait songer à démissionner. 

Pour aller plus loin

Dans la même thématique

Un réfugié syrien en France célèbre la chute du régime de Bachar al-Assad en Syrie.
6min

International

Syrie : Plusieurs pays européens suspendent les demandes d’asile des réfugiés, la France « suit attentivement la situation »

Après la chute de Bachar al-Assad et l’arrivée au pouvoir de rebelles en Syrie, plusieurs pays européens dont l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie, ont annoncé un gel des procédures de demandes d’asile. Plusieurs partis politiques ont également ouvert la voie au retour des réfugiés syriens dans le pays. Un débat qui soulève des questions politiques et juridiques.

Le

Des Syriens célèbrent la chute du régime de Bachar Al-Assad, après la prise de Damas par les rebelles du groupe HTS.
7min

International

Djihadistes : « Beaucoup d’entre eux préféreront rester en Syrie que rentrer en France »

Le régime de Bachar al-Assad est tombé en Syrie après l’offensive victorieuse, ce week-end, des rebelles islamistes d’Hayat Tahrir al-Sham (HTS). Le groupe compte dans ses rangs de nombreux djihadistes, dont quelques Français. Faut-il craindre un retour de certains d’entre eux ? Pour le spécialiste Thomas Pierret, cela n’est pas évident. En revanche, selon lui, une résurgence de Daech dans le pays est à craindre.

Le

Des Syriens célèbrent la chute du régime de Bachar Al-Assad, après la prise de Damas par les rebelles du groupe HTS.
7min

International

Syrie : de la Turquie à l’Iran, les équilibres bouleversés au Moyen-Orient après la chute du régime Assad

Après 24 ans de pouvoir, Bachar al-Assad a fui la Syrie, chassé par une offensive éclair du groupe islamiste Hayat Tahir Al-Sham. Une large partie du pays est désormais aux mains d’une coalition de rebelles, aux soutiens et intérêts divergents. De la Turquie à l’Iran, en passant par Israël, tour d’horizon des enjeux de la chute du régime Assad, qui bouleverse les équilibres régionaux.

Le

Syrie : Pour le Kremlin, la chute du régime de Bachar al-Assad est un revers géopolitique majeur
6min

International

Syrie : « Pour le Kremlin, la chute du régime de Bachar al-Assad est un revers géopolitique majeur »

La fuite du président syrien Bachar al-Assad, chassé par les rebelles islamistes en dépit du soutien de la Russie, rebat les cartes au Moyen-Orient. Pour le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française auprès de l'ONU, cette situation illustre l’affaiblissement d’une Russie incapable de maintenir ses ambitions internationales, car vampirisée par la guerre qu’elle a déclenchée en Ukraine.

Le