Election 2024 Musk

Election américaine 2024 : la loterie organisée par Elon Musk flirte-t-elle avec la légalité sur le financement des campagnes ?

Le milliardaire sud-africain Elon Musk organise depuis samedi 19 octobre des meetings en soutien à Donald Trump, avec une particularité : les participants peuvent gagner un chèque d’un million de dollars. Une initiative dans une zone grise légale, mais qui illustre aussi l’opacité et le flou qui règne autour des financements des campagnes électorales.
Camille Romano

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Mélanger loterie et politique : Elon Musk l’a fait. Depuis le samedi 19 octobre, le milliardaire sud-africain, l’homme le plus riche du monde avec une fortune de 221,4 milliards de dollars défraye la chronique en organisant une loterie peu commune lors de meetings en soutien au candidat républicain. La récompense : un chèque d’un million de dollars. Pour participer à ce drôle de concours, il faut être inscrit (ou s’inscrire si cela n’a pas encore été fait) sur les listes électorales d’un des swing states, ces Etats-clés au vote incertain qui font et défont l’avenir des prétendants à la Maison-Blanche et avoir signé une pétition pour « soutenir le Premier et Second amendement » de la Constitution, qui porte sur la liberté d’expression et le droit de porter des armes. Dernière condition : assister à l’un de ces rassemblements organisés par America PAC. Cette organisation est le super-PAC créé par Elon Musk en soutien à Donald Trump, une organisation politique destinée à lever des fonds et à financer de manière additionnelle les campagnes électorales.

« C’est très simple », a expliqué Elon Musk sur scène le 19 octobre, à Harrisburg en Pennsylvanie. « Vous n’avez même pas à voter. Vous devez juste signer une pétition qui dit que vous croyez en la Constitution. Si vous y croyez déjà, vous êtes juste en train de signer pour quelque chose en quoi vous croyez déjà, et vous pouvez gagner un million de dollars. C’est super ». Chaque jour, depuis le 19 octobre, et « jusqu’au jour de l’élection » comme l’a promis Elon Musk, une personne sera tirée au sort, remportera un million de dollars, à condition de devenir porte-parole du super-PAC et de sa pétition.

Une initiative qui flirte avec la légalité

Mais la légalité de l’initiative pose question à plusieurs niveaux. Le gouverneur démocrate de Pennsylvanie Josh Shapiro a déclaré dès dimanche sa méfiance et a appelé les autorités à s’emparer du sujet : « C’est quelque chose que les autorités devraient examiner », et qui soulève selon lui « de sérieuses questions ». D’après Danielle Lang, professeure à l’université de Georgetown et experte en droit fédéral interrogée par l’AFP, la loterie de Trump est « contraire aux lois fédérales » car ses « conditions exigent que le bénéficiaire soit inscrit sur les listes électorales […] ou qu’il s’inscrive s’il ne l’a pas encore fait ».

En effet, la loi fédérale qui encadre le vote interdit de payer, d’offrir ou d’accepter de l’argent pour s’inscrire sur les listes électorales ou pour voter. Les contrevenants s’exposent ainsi à des amendes de 10 000 dollars ou des peines pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison : Elon Musk, mais aussi les bénéficiaires de la loterie pourraient être poursuivis.

Elon Musk ou le super-PAC America, qui finance ? L’initiative illustre dans une certaine mesure l’opacité et le flou qui règne autour du financement des campagnes américaines, où de nombreux acteurs peuvent contribuer. Les candidats peuvent solliciter des fonds publics pour leurs campagnes, mais en raison de règles très strictes les encadrant, et qui contraignent notamment les candidats à renoncer aux dons privés une fois les primaires passées, ils ne sont plus utilisés. Les candidats et les partis qui les soutiennent se concentrent sur les dons privés. Ils peuvent être effectués par des individus, par des Political Action Committee (PAC), les partis politiques, les organisations à but non lucratif et enfin les super-PAC.

PAC, Super-PAC ?

Les dons aux PAC et aux partis politiques sont très encadrés : ils ne peuvent accepter que des sommes limitées, et qui proviennent d’individus, d’autres PAC ou d’autres organisations politiques. Quant aux citoyens, leurs dons sont également encadrés : 3 000 dollars par candidat par cycle électoral, 5 000 dollars par PAC et 10 000 dollars par parti politique par an. Les PACs ne peuvent pas recevoir des dons d’entreprises ou de lobbies.

Ces règles laissent la part belle à l’action des Super-PAC, qui sont beaucoup moins encadrés. Les super-PAC peuvent recevoir et dépenser des sommes illimitées, aux seules conditions de ne pas financer directement ou de se coordonner avec un candidat et de publier la source de leurs contributions. C’est d’ailleurs leur autorisation en 2010, après une décision de la Cour Suprême, qui a fait exploser les coûts des campagnes électorales aux Etats-Unis : ainsi, en 2020, les élections ont coûté 16,4 milliards de dollars, le double du cycle précédent. Les dépenses des Super-PAC sont classées comme des « dépenses indépendantes » par les autorités américaines, et ont elles aussi explosé depuis une dizaine d’années : en 2010, elles ne représentaient que 4 % du total des dépenses de campagne alors qu’elles en représentaient 23 % en 2022, selon une note du chercheur Roman Vinadia pour la Fondation Jean-Jaurès.

La loterie organisée par Elon Musk via le super-PAC America relève donc de ces « dépenses indépendantes », qui n’ont pas de lien direct avec l’organisation de la campagne du candidat Trump. D’après les chiffres du Washington Post, Elon Musk a fait don à titre personnel de 76 millions d’euros pendant cette campagne : 75 millions pour le super-PAC America, destiné à soutenir la campagne présidentielle de Donald Trump, et 1 million d’euros pour un autre PAC, « Early vote action PAC », destiné à encourager le vote des Républicains. Toujours d’après le Washington Post, les 50 plus gros donateurs lors de cette élection ont collectivement fait don de près de 2,1 milliards de dollars. Les chiffres compilés par l’organisation OpenSecrets vont dans le même sens : Kamala Harris aurait ainsi levé à ce jour 1,2 milliard de dollars et Donald Trump près de 940 000 000 dollars. Des chiffres records, et qui pourraient encore grimper, à moins de trois semaines du jour J, le 5 novembre.

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