Ce lundi, la Bourse de Hong Kong a chuté de 13,22 %, enregistrant son plus fort plongeon depuis la crise asiatique de 1997. Quel est aujourd’hui l’état d’esprit des autorités chinoises et des entreprises ?
Il règne une très grande inquiétude. Il faut garder en tête que l’économie chinoise repose en grande partie sur l’exportation. L’an dernier, la croissance s’élevait à 2,5 %, dont 1,4 point provenait uniquement des exportations. Si vous êtes un industriel chinois aujourd’hui, la situation est alarmante.
À cela s’ajoute le fait que plusieurs marchés de débouchés, comme le Vietnam ou la Malaisie, sont eux aussi bloqués par l’administration américaine. Tout cela témoigne d’une intensification de la compétition sino-américaine, dans un contexte où Pékin pensait pouvoir miser sur un Donald Trump relativement conciliant.
Comment Donald Trump est-il perçu par les autorités chinoises ?
Avec une certaine surprise, voire une incompréhension. À Pékin, Trump était vu comme un « deal maker », un homme de négociations, quelqu’un de pragmatique. Or, la méthode employée aujourd’hui, qui consiste à frapper avant même d’ouvrir la discussion, a été très mal accueillie par le pouvoir chinois.
Il y avait un espoir que Trump se montre disposé à négocier. On pensait même pouvoir le convaincre par des achats massifs : Boeing, soja, énergie… Mais ces espoirs ont été drastiquement réduits par les annonces de ces derniers jours.
Comment se portait l’économie chinoise avant cette nouvelle offensive américaine ?
Elle était déjà en difficulté. Avec une croissance limitée à 2,5 % l’an passé, la Chine faisait face à de nombreux problèmes structurels : une dette élevée, une consommation intérieure très faible, une dépendance excessive à l’export. Elle aurait sans doute pu faire un peu mieux cette année, en l’absence de ce tumulte commercial. Mais la nouvelle vague de tensions avec Washington risque d’aggraver la situation.
Quelles pourraient être les conséquences de cette guerre commerciale sur l’économie chinoise ?
Elles sont potentiellement très lourdes. Les droits de douane annoncés la semaine dernière par Donald Trump s’ajoutent à ceux déjà en vigueur. On atteint désormais entre 65 et 70 % des importations chinoises taxées aux États-Unis. À ce niveau, on parle quasiment d’un embargo ! Et cela, avant même la mise en œuvre de la menace de 50 % de droits de douane additionnels brandie ce lundi par le président américain.
Lors de son premier mandat, Trump avait accordé des exemptions à certaines entreprises. Reste à voir si ce sera encore le cas aujourd’hui. En tout état de cause, ces nouvelles barrières douanières risquent de ralentir fortement la croissance chinoise. Les exportations vers les États-Unis vont se contracter, les prix en Chine pourraient baisser, et cela pourrait déclencher une vague déflationniste à l’échelle mondiale.
Beaucoup d’entreprises chinoises vont voir leurs marges s’effondrer. Certaines devront fermer ou réduire leur capacité de production. Il y aura des conséquences sur l’emploi, et donc sur l’économie dans son ensemble. Le tissu manufacturier chinois est très imbriqué : la faillite d’une entreprise peut entraîner une réaction en chaîne. Il y a aura un effet domino.
Que recherche exactement Donald Trump dans cette confrontation ?
C’est toute la question ! Il n’y a pas de ligne claire. Au sein de l’administration américaine, plusieurs courants cohabitent. Les faucons, comme Marco Rubio ou Michael Waltz, veulent avant tout « contenir » la Chine. D’autres souhaitent relocaliser une partie de la production industrielle aux États-Unis.
Si cela se limitait à ces deux objectifs, il y aurait matière à négociation, cela serait envisageable sans bouleverser l’économie mondiale. Mais le problème, c’est que Trump lui-même semble ne pas savoir précisément ce qu’il veut. Il formule des exigences, la Chine accepte d’en discuter, puis il n’y a pas de retour, pas de suivi. Cela rend toute négociation quasiment impossible. Pékin ne peut pas s’engager sans savoir sur quoi elle s’engage.
De manière réaliste, qu’est-ce que les États-Unis peuvent obtenir de Xi Jinping ?
Il y a des demandes qui font sens, notamment dans certains secteurs stratégiques, comme la pharmacie ou les semi-conducteurs, où rapatrier une partie de la production peut être justifié au nom de la sécurité nationale. Mais croire que les États-Unis peuvent redevenir l’atelier du monde, le cœur de la production mondiale, est totalement irréaliste. Ils n’ont ni la main-d’œuvre, ni les compétences nécessaires pour relancer des chaînes de production électroniques par exemple. Cela ne ferait qu’alimenter l’inflation. La vraie question reste donc entière : que veut vraiment l’administration Trump ? Il y a une part de rationalité, mais aussi une part d’improvisation totale. À un moment donné, elle devra bien revoir sa stratégie. Peut-être en reportant certains tarifs, en assouplissant les mesures, et en montrant un peu de pragmatisme. Car tant que l’incertitude perdure, aucune entreprise ne voudra investir aux États-Unis.