Election 2024 Trump

Donald Trump élu président des Etats-Unis : « Le vote populaire a mal été appréhendé par la plupart des sondages »

Si les instituts de sondage donnaient Donald Trump et Kamala Harris au coude-à-coude, le républicain remporte l’élection présidentielle plus facilement que prévu. La faute aux marges d’erreur et à la difficulté d’appréhender la spécificité du vote Trump. Un scenario similaire avait eu lieu en 2020 et 2016.
Quentin Gérard

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Les sondages ont-ils eu tout faux ? Depuis plusieurs semaines, ils sont nombreux à répéter que ça sera l’une des élections les plus serrées de l’histoire des Etats-Unis. Finalement, Trump semble élu sans grande difficulté. « Cette élection a été un mauvais cru pour les sondeurs américains », admet Frédéric Micheau, directeur du pôle opinion d’OpinionWay. Mais il tempère : « Il faut aussi regarder la marge d’erreur ». Maxime Chervaux, professeur à l’Institut français de géopolitique, acquiesce : « Il ne s’est rien passé de spécifique. La plupart des sondages sont tombés dans la marge d’erreur. Il ne faut pas oublier qu’elle est de 5 points ».

Le vote populaire gagné par Trump

L’agrégateur de sondages Fivethirtyeight prévoyait une victoire de Kamala Harris avec 48 %, contre 47 % pour Donald Trump. Le 47e président des Etats-Unis a pourtant bien gagné le vote populaire. On dénombre actuellement plus de 71 millions de voix (51 %) pour le républicain, contre 66 millions (47 %) pour la démocrate. « On peut dire que le vote populaire a mal été appréhendé par la plupart des sondages », affirme Frédéric Micheau.

Du coté des Etats clés, tous les sondeurs avaient prévenu : ça sera très serré. L’agrégateur Fivethirtyeight prévoyait 4 « swing states » sur 7 pour Donald Trump, mais à chaque fois, l’écart annoncé était très faible avec Kamala Harris. Au final, le républicain est en passe de tous les gagner. « Il ne faut pas faire de fausses interprétations » pour Frédéric Micheau, « les sondages disaient que ça allait être très compétitif et ça l’a été une bonne partie de la soirée ». Et de se questionner : « Je ne sais pas si le fait que Trump est en train de tous les gagner doit forcément invalider les sondages, car ça tombe sous le coup de la marge d’erreur ».

Certaines erreurs sont plus flagrantes. Par exemple, ce week-end, dans l’Etat de l’Iowa – situé entre le Missouri et le Mississippi – un agrégateur extrêmement réputé annonçait 3 points d’avance pour Kamala Harris (47 %) face à Donald Trump (44 %). Ce sondage a fait beaucoup de bruit car cet Etat du Midwest est considéré comme un baromètre de campagne présidentielle avec son fameux « caucus de l’Iowa ». Au final, il s’est lourdement trompé. Donald Trump a très largement remporté les 6 grands électeurs de l’Etat avec 56 %, contre 42 % pour Kamala Harris. Soit un écart significatif de 14 points, bien au-delà de la marge d’erreur.

« La difficulté d’appréhender le vote Trump »

Ces erreurs sont en partie explicables. « Certains instituts de sondage ont la tentation de ne pas publier leurs enquêtes quand ils donnent un avantage net à un des deux candidats », explique Maxime Chervaux. « Les raisons de ces pratiques sont économiques. Ils ne veulent surtout pas se tromper et être à côté de la plaque », poursuit le spécialiste de la politique américaine. A noter également que le système politique fédéraliste outre-Atlantique rend le travail de sondeur plus compliqué.

« Il y a aussi la difficulté d’appréhender la spécificité du vote Trump », ajoute Frédéric Micheau, directeur du pôle opinion d’OpinionWay. « C’est un problème persistant que nos confrères américains tentent de régler. Par exemple, ils basculent sur les sondages en ligne alors que c’était surtout par téléphone avant », indique l’enseignant à Sciences Po. Donald Trump est aussi difficilement perçu par les sondages car « il arrive à déplacer des électeurs qui s’abstiennent habituellement et qui ne répondent peut-être pas aux sondages », signale-t-il encore. « C’est vrai que Donald Trump a été sous-estimé pour la troisième fois consécutive. Il est possible que beaucoup d’électeurs se soient mobilisés dans la dernière ligne droite », indique de son côté Maxime Chervaux.

D’autres mauvaises prédictions en 2020 et 2016

Déjà en 2020, les sondages avaient surestimé la victoire de Joe Biden. La veille du scrutin, Fivethirtyeight l’avait évalué à 52 %, soit 9 points d’avance sur Donald Trump (43 %). Finalement, l’écart était seulement de 4,5 points. Joe Biden a obtenu 51,4 % et Donald Trump 46,9 %. Du coté des sept états clés, les prédictions n’étaient pas trop éloignées des résultats finaux. Ils étaient tous attribués aux démocrates, sauf le Nevada. Le compte était bon, mais c’est la Caroline du Nord qui avait voté Trump et non le Nevada.

En 2016, les sondages n’avaient tout simplement pas anticipé la victoire de Donald Trump. Fivethirtyeight voyait Hillary Clinton gagnante avec 71,4 % des voix. Un chiffre gigantesque par rapport à la réalité le lendemain. L’ancien homme d’affaires était lui donné à 28,6 %. Au final, la démocrate a obtenu 48,2 % des voix contre 46,1 % pour le républicain. Si Hillary Clinton a bien remporté le vote populaire, c’est Donald Trump qui a été élu grâce aux grands électeurs des Etats clés. D’autres instituts étaient plus proches de la réalité. Real Clear Politics mettait à égalité les deux finalistes avec 44 %.

Un « gender gap » moins décisif que prévu

L’élection présidentielle de 2024 était attendue comme particulièrement « genrée ». En faisant campagne pour le droit à l’avortement, Kamala Harris devait agréger le vote de 53 % des femmes, contre 39 % pour Donald Trump. Finalement, avec 44 %, plus de femmes que prévu ont voté pour le républicain. 54 % d’entre elles ont quand même mis un bulletin démocrate dans l’urne. D’ailleurs, les électeurs qui estiment que l’avortement devrait être une procédure légale n’ont soutenu Kamala Harris qu’à 51 %, contre 47 % pour Donald Trump.

Au contraire, un sondage publié par le New York Times annonçait que 53 % des hommes allaient voter pour Donald Trump, contre 41 % pour Kamala Harris. La aussi, des chiffres qui ne sont pas loin de la réalité. Avec 44 %, l’ancienne procureure générale de Californie a tout de même obtenu plus de voix chez les hommes que prévu, contre 54 % pour le nouveau président des Etats-Unis.

Le vote des communautés

On s’attendait à un net décrochage du vote démocrate chez les électeurs afro-américains. Si 92 % d’entre eux ont plébiscité les libéraux en 2016 et 90 % en 2020, ils devaient être 78 % cette année d’après l’agrégateur publié dans les pages du New York Times. Le recul a été moins clair qu’annoncé. 86 % des électeurs afro-américains ont voté pour Kamala Harris contre 12 % pour Donald Trump.

La communauté hispanique était aussi particulièrement scrutée. Cette dernière a fait mentir les sondages. Selon les chiffres du quotidien américain, 56 % devaient voter démocrate et 37 % républicain. Donald Trump a engrangé 8 points supplémentaires avec 45 %. De son côté, Kamala Harris a remporté le vote de 53 % des hispaniques. « Le changement le plus notable se trouve chez les électeurs hispaniques masculins. Ce vote a largement bougé du côté des conservateurs, notamment dans certains comtés du Texas ou en Floride », explique Maxime Chervaux. Les hommes d’origine hispanique sont 54 % à avoir voté pour Donald Trump. Depuis 2020, c’est une augmentation de 18 points.

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