Après la chute de Bachar al-Assad et l’arrivée au pouvoir de rebelles en Syrie, plusieurs pays européens dont l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie, ont annoncé un gel des procédures de demandes d’asile. Plusieurs partis politiques ont également ouvert la voie au retour des réfugiés syriens dans le pays. Un débat qui soulève des questions politiques et juridiques.
Rejet du CETA : revivez les débats sous haute tension au Sénat
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Dans un climat extrêmement hostile en pleine crise agricole, une alliance gauche-droite de circonstance a permis jeudi au Sénat de s’opposer à la ratification du traité Ceta de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, une secousse non négligeable pour l’exécutif sur la route des européennes.
Revivez les temps forts de la séance via ce live et via la vidéo ci-dessus :
Le Sénat rejette la ratification du CETA
Après avoir rejeté l’article 1 sur le volet économique de l’accord, puis adopté l’article 2 sur le volet de partenariat stratégique entre l’Union européenne et le Canada, le vote final du Sénat confirme le rejet de l’accord de libre-échange par les sénateurs.
Avec 243 pour, les sénateurs se sont prononcés lors de leur dernier vote en faveur d’un CETA nouvelle formule, tronqué de son volet économique, désormais nommé « accord de partenariat stratégique ».
L’article 2 du CETA est adopté
Contrairement à l’article 1, rejeté quelques minutes avant, les sénateurs ont adopté l’article 2 du CETA. Ce volet concerne l’accord de partenariat stratégique (APS) noué entre l’Union européenne et le Canada. Cet accord cadre porte sur la coopération entre Européens et Canadiens dans de nombreux domaines, aussi bien la défense que le développement économique ou la justice
« Messieurs les censeurs, bonsoir » : les sénateurs indépendants quittent à leur tour l’hémicycle
Après les sénateurs centristes, c’est au tour des sénateurs du groupe Les Indépendants de quitter l’hémicycle, peu avant le vote de l’article 2 du CETA. Le président du groupe Claude Malhuret a dénoncé les rappels au règlement qui ont permis aux sénateurs Les Républicains et communistes d’écourter les débats, face à ce qu’ils considéraient comme l’obstruction de leurs collègues. « Ce débat est complètement escamoté, nous allons imiter la décision du président Marseille, qui a parfaitement raison », fustige Claude Malhuret.
La ratification du CETA refusée par 211 voix contre 44
Après une heure d’échanges houleux et d’accusations mutuelles d’obstruction, ayant provoqué le départ des centristes, le Sénat rejette l’article 1 du projet de loi de ratification, 211 voix contre 44. 79 sénateurs n’ont pas pris part au vote. Il s’agit de l’article autorisant la ratification de l’accord économique et commercial global (AECG), entre l’Union européenne et le Canada.
Le rapporteur LR de la commission des affaires étrangères, Pascal Allizard, avait appelé à la mi-journée à faire la distinction avec l’article 2, qui autorise la ratification de l’accord de partenariat stratégique (APS), négocié parallèlement à l’accord CETA, qui renforce les liens en matière de développement, de recherche ou encore de lutte contre le terrorisme. « Si certains d’entre nous sommes en désaccord avec le contenu du CETA – notamment en raison des risques qu’il fait peser sur le monde agricole – il me semble que nous ne pouvons qu’être favorables à un resserrement des liens politiques avec le Canada », a expliqué le sénateur du Calvados.
« On va vous laisser entre vous » : les sénateurs centristes quittent l’hémicycle
« Je ne pensais pas aujourd’hui que sur ce sujet, on en arriverait à cette situation. Tout était organisé », s’est exclamé le président du groupe Union centriste, Hervé Marseille. Excédé par la tournure prise par les débats, le sénateur décide de quitter l’hémicycle avec son groupe.
« L’obstruction, elle est dans ceux qui veulent nous empêcher de parler », réagit Claude Malhuret
Le président du groupe Les Indépendants, Claude Malhuret, a lui aussi fait une demande de rappel au règlement, afin de demander si cette clôture serait immédiate ou s’appliquerait à la fin de la liste des orateurs inscrits. « Je croyais qu’on avait tout le temps. On nous a expliqué que ce n’était pas du tout une façon de clore le débat de le faire, qu’une niche nous permettait d’avoir tout le temps de la discussion. »
« Je ne vois une chose : c’est que l’obstruction, elle est dans ceux qui veulent nous empêcher de parler », a réagi le parlementaire Horizon qui souhaitait lui aussi prendre la parole sur l’article 1er.
« On le voit bien depuis ce matin, il y a une volonté d’obstruction qui est manifeste », déclare Bruno Retailleau
Alors que les prises de parole se multiplient depuis la reprise à 14h30, le président du groupe LR Bruno Retailleau a fait un rappel au règlement pour demander la clôture des interventions sur l’article 1er. Il y a selon lui un « gentleman agreement » au Sénat « Pour respecter les initiatives des différents groupes, on s’interdit habituellement l’obstruction », a-t-il rappelé. « Les uns et les autres ont pu s’exprimer. On entend comme dans un disque rayé les mêmes arguments ».
Le sénateur Horizons Emmanuel Capus s’emporte pour défendre le CETA
Petit coup de chaud dans l’hémicycle quelques minutes après la reprise. Peut-être le soleil dehors, mais l’intensité des débats est montée d’un cran lors de la prise de parole Emmanuel Capus, sénateur Horizons du Maine-et-Loire. « Il faut évidemment voter cet accord, car c’est le Canada. […] Ce sont nos cousins. On est le lendemain de la journée internationale de la francophonie, on ne peut pas dire « non » au Canada le lendemain de cette journée », commence le sénateur du groupe Les Indépendants, qui soutient que « c’est un bon accord pour notre économie ».
« C’est surtout un bon accord pour nos éleveurs bovins. C’est mentir et souffler sur les braises que de dire le contraire. Et le sénateur Laurent Duplomb l’a dit, au travers de ses mots. Il a dit que l’agriculture canadienne est horrible, ils ont des méthodes horribles. C’est la raison pour laquelle nous ne voulons pas de leurs produits. Et c’est la raison pour leur laquelle leurs produits ne viennent pas en Europe », lance Emmanuel Capus, qui ajoute en dépassant un peu son temps de 2 minutes : « Et les Canadiens ne changeront jamais de méthode ! Et bien c’est exact ! Jamais les Canadiens ne changeront de méthode et jamais leur bœuf ne viendra dans notre Union européenne ! » s’est emporté le sénateur Horizons.
Yannick Jadot alerte les sénateurs sur le volet « investissement » du CETA
Dans le prolongement des arguments employés par ses collègues opposés au CETA, le sénateur écologiste Yannick Jadot demande le rejet de l’accord de libre-échange, « qui expose nos agriculteurs à une concurrence déloyale ». Mais le sénateur tient également à alerter sur un volet du CETA pas encore mis en œuvre, qui pourrait entrer en vigueur une fois le traité ratifié : le volet « investissement ». « Si cet accord sur l’investissement devait entrer en vigueur, nous savons que les firmes de la chimie, du pétrole, des pesticides, attaqueront les états européens sur les législations de protection sanitaires et environnementales », dénonce Yannick Jadot.
Les débats sur la ratification du CETA reprennent
La séance est suspendue et reprendra à 14h30
Les sénateurs ont entamé l’examen de l’article 1 du projet de loi ratifiant le CETA.
Béatrice Gosselin (LR) : un risque « plus qu’important » pour certaines filières agricoles
« Le CETA s’est avéré bénéfique pour quelques produits agricoles français qui ont largement pénétré le marché canadien », souligne la sénatrice LR Béatrice Gosselin, qui évoque les produits laitiers et notamment le camembert normand.
Cependant, « le risque des produits agricoles ne répondant pas aux exigences sanitaires et environnementales qui pourraient inonder le marché est plus qu’important, et le CETA ne peut se conclure au détriment de certains secteurs agricoles. »
« Oui pour un traité avec le Canada, mais équilibré », défend Anne-Catherine Loisier
La sénatrice centriste affirme que chaque élu du groupe centriste « votera selon ses convictions », certains en faveur de la ratification du CETA et d’autres contre. De son côté, Anne-Catherine Loisier ne s’oppose pas à un « partenariat commercial juste et équilibré » avec le Canada. Elle affirme qu’aujourd’hui le CETA ne répond pas à ces critères, notamment car il n’assure pas « le respect des normes sanitaires de protection du consommateur imposée au producteur européen ».
Valérie Boyer (LR) : le CETA ne « permet pas d’obtenir une réciprocité pouvoir défendre l’intérêt de nos entreprises et de nos agriculteurs »
La sénatrice LR, Valérie Boyer estime que l’amitié de la France avec le Canada ne devait pas conduire à tout accepter. « Un équilibre peut et doit être trouvé. Il ne s’agit pas de remettre en cause le libre échange », a-t-elle souligné. « Aujourd’hui, le CETA et le Mercosur ne permettent pas d’obtenir une réciprocité qui serrait l’équilibre élémentaire pour pouvoir défendre l’intérêt de nos entreprises et de nos agriculteurs ».
« Les avantages du CETA sont minimes », selon le socialiste Jean-Claude Tissot, « la part des fromages exportés au Canada représente seulement 0,55 % de la production en volume »
« Il est vrai que certaines filières sont gagnantes de cette dynamisation des échanges et d’autres sont davantage perdantes », souligne pour sa part le sénateur PS, Jean-Claude Tissot. Mais globalement, « les avantages du CETA sont minimes », soutient celui qui est agriculteur de profession. Exemple : « La part des fromages exportés au Canada représente seulement 0,55 % de la production fromagère française en volume ».
« A l’inverse, des filières comme la lentille subit une forte concurrence », « et la filière bovine française, qui est relativement épargnée pour le moment, peut craindre que le Canada décide d’utiliser ses quotas dans le cadre du CETA », met en garde le socialiste. Par ailleurs, sur le plan environnemental, « nous ne pouvons tolérer des résidus de glyphosate aussi importants sur la lentille. Surtout, nous ne pouvons pas revenir sur l’interdiction des 41 substances actives phytosanitaires, approuvées au Canada et interdites dans l’Union européenne ».
« Ne soyons pas dogmatiques dans l’appréciation du CETA », déclare Nicole Duranton (Renaissance)
« N’en déplaisent à ses détracteurs, le bilan est positif pour l’Union européenne et la France », a souligné la sénatrice Renaissance Nicole Duraton, prenant la parole pour le groupe RDPI (Rassemblement des démocrates et progressistes européens). Revenant le vote – serré – des députés en 2019 sur le texte, la sénatrice de l’Eure a expliqué qu’à l’époque il n’y avait « pas assez de recul » sur l’application de l’accord commercial. « Aujourd’hui, nous disposons d’un premier bilan concret », a-t-elle insisté, considérant le Ceta comme « largement favorable à nos agriculteurs ».
« N’ayons pas la mémoire courte », a-t-elle demandé aux groupes LR et PS, rappelant que le début des négociations s’est engagé sous Nicolas Sarkozy, et la signature, sous François Hollande. « Ne soyons pas dogmatiques dans l’appréciation du CETA. »
Henri Cabanel (RDSE) : « Le vigneron que je suis, dont la filière est bénéficiaire, ne peut accepter qu’un accord génère des gagnants et des perdants »
Le sénateur RDSE Henri Cabanel a déploré ce débat tardif sur un traité provisoirement entré en vigueur depuis 2017. « On a assisté à un déni total de démocratie », a estimé l’élu depuis la tribune. « C’est nier le Sénat, c’est nier le bicamérisme. Pourquoi la Haute Assemblée a-t-elle été ainsi privée de vote ? Pourquoi ? Parce que son vote dérange ? »
L’élu de l’Hérault, viticulteur de profession, a dressé un bilan en demi-teinte du CETA, « catalyseur des échanges européo-canadiens dans certains secteurs : textile, chimie, produits manufacturés, biens et services, vins et spiritueux, alors que l’Europe travaille à la diversification de ses sources d’approvisionnement ». Henri Cabanel a également relevé certaines défaillances, notamment pour les importations de produits agroalimentaires, une source de vives préoccupations dans un contexte de crise agricole en Europe.
Il a ainsi souligné « l’absence de garantie qu’aucune viande aux hormones ne soit exportée vers l’Union européenne en raison de la défaillance avérée des contrôles sanitaires canadiens. » « L’interdiction de l’importation d’animaux nourris aux antibiotiques simulateurs de croissance se contente, pour toute garantie, d’une attestation sur l’honneur du vétérinaire, sans contrôle », a encore pointé cet ancien socialiste.
« Dans un contexte exacerbé de mal-être des agriculteurs, dans un contexte de forte pression sociétale, ce texte ne fera pas l’unanimité. Il faut avoir le courage de déplaire à certains pour répondre à des enjeux plus économiques, environnementaux et de santé publique. Le vigneron que je suis, dont la filière est bénéficiaire, ne peut accepter qu’un accord génère des gagnants et des perdants pour notre souveraineté alimentaire », a-t-il expliqué.
Fabien Gay dénonce le « déni démocratique » du gouvernement : « Pour vous, la démocratie c’est : je peux perdre, je refuse le débat et le vote »
C’est à l’occasion de la niche parlementaire communiste que cette ratification du CETA est proposée. Un « fait inédit », souligne le sénateur communiste Fabien Gay, dénonçant le refus du gouvernement d’inscrire lui-même cette ratification à l’ordre du jour de la chambre haute. « Après l’avoir fait ratifier de justesse, au cœur de l’été 2019, alors que vous aviez une majorité écrasante à l’Assemblée nationale, vous avez toujours refusé de l’inscrire au Sénat », dénonce-t-il.
Fabien Gay et tout le groupe communiste s’opposeront ainsi à la ratification du CETA, accusant l’accord de libre-échange d’être « un traité climaticide et obsolète », de mener à la « concurrence déloyale pour nos agriculteurs » et de mettre en péril la santé des consommateurs avec l’importation de « bœuf nourri aux hormones, de soja dopé aux OGM ».
Un rejet du CETA serait une victoire pour le groupe communiste, mais Fabien Gay s’inquiète du sort que le gouvernement réservera au texte, à l’issue d’un vote de non-ratification au Sénat. « Il se murmure dans les couloirs des ministères que vous envisagez de ne pas transmettre le texte à l’Assemblée nationale pour un nouveau débat », dénonce le sénateur communiste. Si l’accord de libre-échange n’est pas présenté de nouveau aux députés, comme il devrait le faire en cas de rejet, Fabien Gay estime qu’il s’agira d’un nouveau « coup de force ».
Guillaume Gontard (écologiste) dénonce « une hérésie démocratique et une catastrophe pour le climat »
Le président du groupe écologiste, Guillaume Gontard a rappelé l’opposition de longue date de sa famille politique à ce traité. « Depuis plus de 6 ans, ce traité impliquant 500 millions de personnes, s’applique à 90 %, quelle hérésie démocratique », a-t-il dénoncé.
Le sénateur de l’Isère a tiré un premier bilan de ces premières années d’application. « Le CETA est une catastrophe pour le climat, la santé humaine et la souveraineté des Etats (..) Il inféode la France à la loi des multinationales » a-t-il tancé. Guillaume Gontard a ensuite souligné que si les débouchés économiques en France n’étaient pas au rendez-vous, en revanche « les importations de pétroles issues de schiste bitumineux ont augmenté de 50 % […] L’exploitation de cette ressource est une véritable barbarie environnementale avec des forêts entières rasées et des cours d’eau pollués ».
Enfin il a rappelé que la ratification du CETA par les parlements nationaux entraînerait l’application de son dernier volet « qui permet à des multinationales s’estimant lésées par une loi d’attaquer un Etat devant un comité d’arbitrage privé ».
« Nos rapporteurs s’essayent au trumpisme ! », s’exclame Olivier Cadic
Guère surpris par la position des communistes « contre le libre-échange », le sénateur Union centriste Olivier Cadic a surtout concentré ses attaques en direction des socialistes et des Républicains. Au sujet des premiers : « l’appel au rejet d’un texte que leur gouvernement a signé ne les grandit pas. Jacques Delors réveille-toi ils sont devenus fous », a-t-il cinglé. Quant aux Républicains, le sénateur vivant à Londres a les comparés à des « brexiteurs ». Les rapporteurs Pascal Allizard et Laurent Duplomb « s’essayent au trumpisme », a-t-il ajouté.
Vincent Louault (Horizons) : « Assumons d’être ouverts sur le monde et de commercer avec des partenaires de longue date »
Le sénateur Horizons d’Indre-et-Loire Vincent Louault, agriculteur de profession, a voulu insister sur les débouchés économiques ouvert par ce traité de libre-échange. « Alors le CETA, négocié sous François Hollande, c’est quoi ? C’est l’export de fromages français, de spiritueux, de vins à haute valeur ajoutée pour nos producteurs et les consommateurs canadiens. C’est Alstom qui a rénové le métro de Montréal et équipera demain le Grand Toronto de trains de banlieue pour 118 millions de dollars », a-t-il énuméré.
« Disons-le clairement : le bœuf aux hormones sur le territoire européen n’est pas possible aujourd’hui et ne le sera jamais », a martelé l’élu, alors que l’impact des importations canadiennes sur la filière bovine française est souvent agité comme repoussoir par les opposants au CETA. « Mais certains chez nous préfèrent jouer sur une peur, celle d’un potentiel futur hypothétique grand remplacement du bœuf français par du bœuf canadien aux hormones. »
« Quand certains souhaitent fermer les frontières et se replier sur eux-mêmes, assumons d’être ouverts sur le monde et de commercer avec des partenaires de longue date », a appelé Vincent Louault. « Renforçons nos liens dans un contexte géopolitique plus que jamais incertain, avec des amis. Je dirais même avec un pays frère. »
Pour Stéphane Ravier, le CETA rime avec « moins de compétitivité pour plus de compétition »
Le sénateur Reconquête ( non inscrit) a profité de sa prise de parole pour fustiger les politiques agricoles et environnementales européennes, qui feraient perdre à l’agriculture française sa compétitivité. « Le CETA supprime 98 % des droits de douane sur les importations canadiennes, en même temps que le Pacte vert européen ajoute 75 lois pour administrer l’agriculture à la parcelle près », dénonce-t-il.
« Ratifier le CETA, c’est ouvrir la voie au Mercosur », prévient Laurent Duplomb (LR)
Laurent Duplomb a pris la parole une seconde fois au nom du groupe LR pour « éclairer » sur ce qu’est l’agriculture canadienne. « L’image que nous avons est souvent bucolique. Le Québec a une agriculture qui ressemble, certes, à la nôtre. Mais […] l’agriculture du centre du Canada est loin des standards européens, jumelle de celle du Brésil, de l’Argentine ou des Etats-Unis ». Pour cette raison, le sénateur LR estime « qu’ouvrir la voie à une ratification du CETA, c’est ouvrir la voie au Mercosur […] Au Canada, plus de 40 molécules chimiques sont autorisées alors qu’interdites au sein de l’Union européenne », a-t-il insisté avant d’en détailler quelques-unes.
En conclusion, Laurent Duplomb, qui est agriculteur de profession a alerté sur la « concurrence déloyale mortifère » qu’entraînerait le CETA sur l’économie française.
Le CETA inclut « des secteurs d’activité qui contribuent de façon massive aux gaz à effet de serre », dénonce le sénateur PS Didier Marie
Pour le groupe PS, le sénateur Didier Marie a dressé « un bilan mitigé du CETA pour le commerce et clairement négatif pour l’environnement ». C’est pourquoi « le groupe PS du Sénat appelle au rejet du CETA et plus largement à un moratoire sur les accords de libre-échange en cours de négociation ».
Si l’accord est positif pour les secteurs « du textile, des vins et spiritueux, du fromage », « ces secteurs restent marginaux dans notre balance commerciale », avec, en valeur, une hausse globale des échanges « de seulement 0,07 point entre 2017 et 2022, attestant de l’effet marginal de l’application provisoire du CETA ».
Outre le volet agricole, Didier Marie alerte sur « la libéralisation des services, jusque-là protégés », prévue par l’accord. Un accord par ailleurs « en total contradiction avec nos accords environnementaux ». Le CETA inclut ainsi « des secteurs d’activité qui contribuent de façon massive aux gaz à effet de serre », comme l’automobile et le transport en général, « les produits chimiques, le pétrole issu de sables bitumineux, les engrais, l’aluminium ».
Le sénateur PS de la Seine-Maritime relève aussi que le CETA « inclut un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats. C’est un nos yeux un outil supplémentaire pour que les multinationales puissent contester et peser sur les décisions des Etats qui souhaitent établir des normes environnementale et sociales plus protectrices ».
« Si le Sénat avait été respecté, aujourd’hui nous n’en serions pas là », fustige Bruno Retailleau
Le président du groupe Les Républicains saisit l’opportunité offerte par la motion déposée par le président du groupe centriste Hervé Marseille, sans pour autant la soutenir, pour répondre au ministre délégué chargé du commerce extérieur. « J’ai trouvé vos propos caricaturaux, vous n’avez cessé de nous donner des leçons », dénonce Bruno Retailleau.
Dans le prolongement de la crise qui touche les agriculteurs partout en Europe, le sénateur dénonce la concurrence déloyale imposée par le CETA et déplore les incohérences du gouvernement. « Quand je vois des ministres ou des parlementaires debout sur des bottes de paille, promettre la main sur le cœur aux agriculteurs, que plus jamais nous n’aurons des termes de l’échange déséquilibrés, que plus jamais nous n’autoriserons des importations de molécules ou de pratiques que nous interdisons en France, c’est ça la cohérence », estime-t-il
Les sénateurs de différents groupes expliquent leur vote sur la motion
« Vous voulez tout simplement rendre service au gouvernement, en enterrant le texte et en empêchant son examen ici, au Sénat », s’oppose la sénatrice Cécile Cukierman
« Chacun a eu le temps » d’approfondir l’étude du projet de loi, selon la présidente du groupe communiste. « Cela rajouterait un cycle d’auditions et d’échanges thématiques, ce qui ne serait que la répétition de ce que les uns et les autres ont eu depuis des semaines ». « Vous voulez tout simplement rendre service au gouvernement, en enterrant le texte et en empêchant son examen ici, au Sénat », a-t-elle considéré.
La sénatrice de la Loire a également profité de sa tribune pour répondre aux propos du ministre. « Comme vous, nous souhaitons un débat serein. Encore faut-il qu’il ait lieu. Il faut que le Parlement soit respecté », a-t-elle lancé, dénonçant des « arguments que même au temps de la Guerre froide on n’osait pas sortir devant un hémicycle ». Rappelant que le gouvernement dispose de deux semaines par mois dans l’ordre du jour, elle a appelé à « cesser le déni démocratique », « sciemment organisé » par l’exécutif.
La présidente du groupe communiste au Sénat, Cécile Cukierman s’oppose au CETA et donc à la motion de renvoi en commission
« Ne sacrifions pas le Sénat sur l’autel des postures politiques », appelle Daniel Fargeot
« Le temps [de l’examen] est venu, mais pas dans n’importe quelles conditions, au risque de trahir les valeurs fondamentales de notre institution », a mis en garde le sénateur centriste Daniel Fargeot. Cette séance, « dans le contexte des élections européennes », « apparaît comme une opération montée de toutes pièces, une mauvaise pièce de théâtre où le rideau tomberait avant les trois coups », a-t-il estimé. Sans compter la crise agricole, selon lui. « Tout cela vient brouiller notre prise de recul, pour ne résumer le débat qu’à des postures politiques. »
Demandant des « conditions d’étude et d’examen poussées » sur le CETA, le sénateur du Val-d’Oise a estimé que « le climat politique n’est pas propice » et que ce vote « risquerait d’électriser le Sénat et d’y laisser des stigmates durablement ». « Ne sacrifions pas le Sénat sur l’autel des postures politiques », a-t-il conclu.
Le sénateur centriste Daniel Fargeot défend la motion de renvoi en commission
Les centristes sont favorables au CETA et veulent un débat « serein » et demandent un renvoi en commission.
Laurent Duplomb (LR) dit « stop à la concurrence déloyale »
Laurent Duplomb rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, fervent opposant au traité, a toutefois reconnu que les premières années d’application du CETA « ont été fructueuses ». « Depuis quatre ans les choses se sont inversées […] La balance commerciale de la France avec le Canada est déficitaire, cette année de 23 millions d’euros », a-t-il souligné.
Agriculteur de formation, Laurent Duplomb s’appuie sur les chiffres fournis par les services du Premier ministre pour affirmer que « cet accord ferait grimper nos importations deux fois plus vite que nos exportations. Le CETA rapportera en 2035, 4 dollars par an, par habitant européen. Quand il rapportera 313 dollars par an, par Canadien. « Nous ne pouvons plus continuer d’importer ailleurs ce que nous interdisons de produire chez nous. Nous devons et nous allons dire stop à la concurrence déloyale », a-t-il encouragé, estimant que la Commission européenne allait céder face aux demandes de dérogations du Canada, notamment sur l’utilisation de l’acide peracétique pour la décontamination des carcasses, interdit en Europe.
« Refuser le CETA n’est pas synonyme de retour au protectionnisme », soutient le rapporteur LR, Pascal Allizard
Le rapporteur du texte, le sénateur LR Pascal Allizard, a fait preuve d’un certain talent d’équilibriste pour sa prise de parole. Car la droite sénatoriale, historiquement pour les accords de libre-échange, est aujourd’hui critique sur le CETA, en particulier sur son volet agricole, alors que la crise des agriculteurs est encore dans tous les esprits. Pascal Allizard a ainsi reconnu les apports de l’accord avec le Canada, tout en pointant ses limites et ses dangers, au risque de faire le grand écart.
« L’impact sur le commerce bilatéral semble plutôt positif », reconnaît d’abord Pascal Allizard, avec « une augmentation de 33 % de 2017 à 2023 entre la France et le Canada ». « Certains secteurs ont vu leur excédent commercial progresser. C’est le cas des boissons, en particulier des vins et spiritueux. C’est le cas aussi des produits laitiers. L’excédent commercial a atteint 59 millions contre 37 en 2017, du fait de l’augmentation du contingent français de fromage en franchise de droit », relève le sénateur LR. Mais il souligne aussitôt les résultats d’une étude qui affirme qu’en réalité, « les effets du CETA » sur la croissance n’est « de l’ordre que de +0,02 % pour la France, avec +40 % d’importations en France contre +14 % d’exportations ».
Surtout, « le CETA constitue une épée de Damoclès pour notre agriculture et en particulier sur sa filière bovine ». Il craint « un risque de nivellement par le bas des règles européennes », alors que les Canadiens demandent d’autoriser « l’usage de l’acide peracétique sur les carcasses » ou « certains néonicotinoïdes » interdits en France. Le rapporteur de la commission des affaires étrangères dénonce aussi « l’absence de mesures miroir dans le CETA ».
Semblant anticiper l’issue du vote, Pascal Allizard affirme que « refuser le CETA n’est pas synonyme de retour au protectionnisme, pas du tout ». Avant d’ajouter : « Otez le volet agricole à cet accord de libre-échange et notre position eut été peut-être différente ».
Lors de l’examen en commission, la commission des affaires étrangères a d’ailleurs « adopté un amendement visant à supprimer l’article 1er, c’est-à-dire à refuser la ratification de l’accord ». Mais la liberté de vote étant la règle, il faut attendre de voir l’issue du vote en séance.
Se plaçant encore dans l’optique d’un possible rejet par la Haute assemblée, puis par les députés, le rapporteur s’interroge « sur l’intention du gouvernement en cas de rejet du CETA par le Sénat ». « On verra si le gouvernement respecte la représentation nationale », dit-il, évoquant le rejet du CETA, à Chypre, « qui n’a pas été notifié à la Commission européenne par le gouvernement chypriote », ce qui permet de continuer à appliquer l’accord de façon provisoire…
Franck Riester : « Aux élus de droite je le dis, ne tombez pas dans le piège d’une alliance contre nature et incongrue avec les communistes »
« Je veux l’affirmer d’emblée, très clairement, avec force et sans ambiguïté. Ces deux accords sont bons pour notre économie, pour nos entreprises, pour notre agriculture et pour notre relation stratégique avec le Canada », a martelé, depuis la tribune du Sénat, Franck Riester, le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité, de la francophonie et des Français de l’étranger. La Chambre haute se penche ce jeudi matin sur la ratification de l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le Canada, d’autre part, (CETA), mais aussi sur l’accord de partenariat stratégique conclut entre le Canada et l’UE.
Ces deux textes « convergent vers deux objectifs : développer nos liens avec le Canada et renforcer notre économie », a défendu Franck Riester. « Ces deux accords sont liés, ils sont les deux partis indissociables d’un même accord politique », a-t-il insisté, tout en ciblant « les débats enflammés et le flot de contre-vérités des derniers jours ».
« L’Union européenne et le Canada, ce sont deux phares dans un monde bouleversé. L’Union européenne et le Canada, ce sont deux piliers dans un monde qui perd ses repères. L’Union européenne et le Canada ce sont deux garants de l’État de droit, deux défenseurs de la démocratie, des droits humains et sociaux et deux accélérateurs de notre indispensable transition énergétique », a fait valoir le ministre. « Le Canada est plus qu’un allié, c’est un ami, un partenaire historique. »
Franck Riester a ensuite déroulé le bilan du CETA, presque intégralement entré en vigueur depuis 2017, pour démontrer ses effets sur l’économie française. « Les faits sont indiscutables. L’accord CETA est un bon accord utile à notre économie. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Nos exportations françaises ont bondi de 33 % en six ans, tous secteurs confondus. Et c’est d’abord vrai dans le secteur industriel. L’exportation de produits chimiques et de cosmétiques a augmenté de moitié en l’espace de six ans, celle des produits sidérurgiques a doublé, celle des textiles et chaussures a été multipliée par 2,5 », a-t-il énuméré.
« Ce que nous importons, ce sont des biens stratégiques, et non de la viande aux hormones », a assuré Franck Riester. « Le Canada possède 15 des 30 métaux incontournables pour mener à bien la transition énergétique Quant au pétrole canadien que nous importons, ils se substituent au pétrole russe. »
Le ministre a terminé son allocution en interpellant les sénateurs LR, son ancienne famille politique :
« Aux élus de droite je le dis, ne tombez pas dans le piège d’une alliance contre nature et incongrue avec les communistes, qui vous verrez renier vos principes au prétexte de répondre à la colère que peuvent susciter certains autres traités. Mettez la campagne des européennes entre parenthèses, le temps d’un vote. N’emmenez pas notre pays sur le chemin du repli. »
Face à l’opposition de plusieurs groupes politiques à la ratification du CETA, Franck Riester dénonce les « manœuvres grossières »
Une partie des LR, les sénateurs communistes, socialistes et écologistes sont opposés au CETA, ce que fustige le ministre délégué au commerce extérieur. Franck Riester qui défend « un bon accord »
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