Election 2024 Harris

Désistement de Joe Biden : « C’est la meilleure décision pour son parti et pour son pays »

Coup de tonnerre dans la course à la Maison Blanche. Dimanche, Joe Biden, affaibli par une infection au covid, un débat raté et une campagne interne appelant à son désistement, annonce qu’il renonce à briguer un second mandat, adoubant sa vice-présidente Kamala Harris. Comment comprendre cette décision, à moins d’un mois de la convention démocrate, en charge d’investir le candidat du parti ? Quel effet cela peut avoir sur la campagne ? Interview avec Anne Deysine, Professeur des universités, auteure de "Les États-Unis et la démocratie" (L'Harmattan, 2020).
Mathilde Nutarelli

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Joe Biden se désiste, pourquoi ? Est-ce en raison de son état de santé, de son âge, ou de la pression de ses alliés ?

Malgré son obstination, Joe Biden a finalement indiqué ce dimanche qu’il renonce à se présenter à l’élection présidentielle. Il est vrai que sa prestation calamiteuse au débat le 27 juin et la succession de passages à vide et de gaffes dont il a été l’auteur ont fait prendre conscience aux Démocrates qu’ils auraient dû réagir en 2022. Mais le président avait fait valoir ses bons résultats aux élections de mi-mandat et il a ensuite fait une bonne performance au discours sur l’état de l’union le 7 mars dernier. Seulement, depuis le 27 juin et de façon croissante, les élus et l’establishment démocrate ont fait pression pour qu’il renonce. L’une de ceux qui ont joué un rôle sans doute essentiel est l’ancienne speaker de la chambre Nancy Pelosi, qui a dû montrer à Joe Biden, chiffres à l’appui, qu’il allait entraîner la défaite des Démocrates à la chambre. Or, une majorité démocrate est essentielle pour un président démocrate, mais aussi en tant que contre-pouvoir, si Donald Trump est réélu.

Biden est aussi un démocrate avec un petit « d » et il a pris, comme il l’explique dans sa lettre, la décision parce que c’est la meilleure pour son parti et pour son pays.

Pourquoi Biden avait-il été le candidat démocrate, alors que son âge et son état de santé faisaient déjà débat ?

Le parti démocrate n’a pas su ou n’a pas voulu s’opposer à lui en 2022, de même qu’il a accepté la candidature forcée d’Hillary Clinton en 2016, avec les résultats que l’on connaît.

Ce genre de désistement est-il inédit dans l’histoire politique américaine ?

C’est la première fois qu’un désistement intervient si tard, dans la campagne. À deux occasions, deux présidents ont annoncé qu’ils ne se représenteraient pas, mais longtemps à l’avance. Il s’agit d’Harry S. Truman en 1952 et de Lyndon Johnson en 1968. Mais les conventions ont été le théâtre de divisions profondes et les Démocrates ont perdu l’élection présidentielle.

Ce désistement est-il une bonne nouvelle pour la campagne démocrate ?

Même si la situation est loin d’être idéale, le désistement est une bonne nouvelle, car Joe Biden n’avait aucune chance de gagner et il aurait entraîné la défaite des Démocrates à d’autres postes, ce qu’on appelle le « Down ballot ». Il a eu raison de désigner sa vice-présidente comme candidate, même si ce n’est pas le choix de tous et même si elle n’est pas une candidate idéale, et d’indiquer qu’il lui apporte son soutien, afin d’unifier le parti. Car il fallait unifier le parti. L’unité du parti était d’ailleurs le message martelé par la speaker Nancy Pelosi, lors d’une réunion en Caroline-du-Nord, le week-end dernier. Ce qu’il s’est passé depuis le désistement de Joe Biden, c’est-à-dire les multiples Etats qui ont indiqué que leurs délégués voteraient pour Kamala Harris, ou encore le soutien de plusieurs gouverneurs, qui auraient pu être des concurrents, témoigne que cet appel à l’unité a été entendu.

Quelle est la réaction des électeurs démocrates à cette nouvelle ? Et des donateurs ?

La plupart des électeurs démocrates sont soulagés, et les donateurs ont repris les versements qu’ils avaient interrompus en raison de l’obstination du président Biden.

Quel adversaire peut être le plus redoutable face à Donald Trump ?

Kamala Harris sera sans doute la candidate démocrate opposée à Donald Trump. Et alors que celui-ci nageait sur un petit nuage après le débat du 27 juin, la tentative d’assassinat et les deux décisions de justice allant dans son sens [le 1er juillet, la Cour suprême a considéré que Donald Trump jouissait d’une présomption d’immunité concernant les actes relevant de la fonction présidentielle, retardant son procès concernant l’assaut du Capitole de janvier 2020 ; le 15 juillet, une juge fédérale a annulé la procédure à l’encontre de Donald Trump pour rétention de documents classifiés, le procureur a fait appel, ndlr], il doit désormais changer de stratégie et réorienter sa campagne. Il est désormais opposé à une femme, or, il a des problèmes avec les femmes et celle-ci est une femme noire et puissante. Elle est plus jeune que lui de près de vingt ans, donc l’argument de l’âge se retourne contre lui. Et en plus, elle sait débattre et elle saura se défendre contre lui, contre ses attaques. Elle saura l’attaquer elle-même sur le droit de vote, et surtout l’élimination du droit à l’avortement, grâce aux 3 juges que Trump a nommés à la Cour suprême.

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