Le G20 qui se tenait cette semaine au Brésil a été marqué par une accélération des discussions autour de l’accord de libre-échange entre le Mercosur et l’Union européenne, même si à ce stade le 27 Etats-membres sont toujours divisés. La France est-elle isolée ? Qu’en pensent ses partenaires ? On en débat dans Ici l’Europe, sur France 24, LCP et Public Sénat.
Des milliers d’opposants et quelques ambassadeurs aux funérailles de Navalny : « Une forme de défi adressé à Poutine »
Par Romain David
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Ils sont venus par milliers, ce vendredi matin, assister aux obsèques d’Alexeï Navalny dans le sud de Moscou. Malgré le risque d’arrestation – le Kremlin ayant menacé de sanctions toute personne participant à une manifestation « non autorisée » -, les partisans de l’opposant russe, mort le 16 février dans une colonie pénitentiaire de l’Arctique, se sont massés autour de l’église où ses funérailles se sont déroulées selon le rite orthodoxe. À plusieurs reprises, la foule a scandé le nom de Navalny, ou repris des slogans comme « Non à la guerre ! » ou encore « Liberté aux prisonniers politiques ! ».
À quelques semaines de l’élection présidentielle, ce type de rassemblement est devenu rarissime en Russie depuis le déclenchement du conflit ukrainien. Pour Lukas Aubin, directeur de recherche à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) et auteur de Géopolitique de la Russie, le pouvoir russe a été symboliquement mis en échec par l’ampleur de ce mouvement de sympathie à l’égard de l’opposant.
Vous attendiez-vous à voir affluer autant de monde à ces funérailles ? Quel sens donner à cette démonstration de force de la part des partisans de Navalny ?
« C’est un sursaut de la part d’une partie de la société civile russe. Les images sont impressionnantes : des milliers de gens de tous âges, scandant des chants à la gloire de Navalny. Le pouvoir a cherché à minimiser cet enterrement, à s’assurer que Navalny ne puisse avoir le droit qu’à des funérailles en catimini. De ce point de vue là, c’est un échec.
Comment expliquer que le Kremlin ait laissé une telle démonstration de protestation avoir lieu, quand on sait à quel point les médias et la société russe sont désormais cadenassés et surveillés de près ?
Il ne faut pas tomber dans la psychologie de bas étage à l’égard du pouvoir russe, mais on remarque que celui-ci oscille en permanence entre autoritarisme et apparence de démocratie. La mort de Navalny reste un assassinat, mais ils ne sont pas allés jusqu’à faire disparaître sa dépouille. Ce genre d’image créée aussi de la confusion dans l’espace public occidental : elles divisent car elles rendent difficile la caractérisation du pouvoir russe.
Les ambassadeurs français, américain et allemand étaient présents. C’est un signal fort qu’ont voulu envoyer les Occidentaux ?
Indéniablement, et d’autant plus que tout cela se déroule directement sur le territoire russe. C’est une forme de défi adressé à Poutine, essentiellement symbolique et diplomatique, mais qui a son importance. Je note qu’en plein milieu de la cérémonie, Dmitri Medvedev, l’ancien président russe, a posté un message sur X (anciennement Twitter) pour dénoncer un retour des nazis au pouvoir en Allemagne. Finalement, à travers leurs ambassadeurs et responsables politiques, les Occidentaux et la Russie se livrent une guerre par procuration, ce qui pourrait laisser croire que nous sommes aux portes d’une nouvelle escalade.
Justement, le Premier ministre Gabriel Attal, réagissant aux propos d’Emmanuel Macron sur une possible intervention au sol en Ukraine, a estimé devant le Sénat que la Russie était devenue pour la France une menace « immédiate et directe ». Partagez-vous ce constat ?
Tout comme les propos d’Emmanuel Macron sur un éventuel envoi de troupes en Ukraine, ces déclarations interviennent à un moment où l’Occident se divise sur le soutien à Kiev. Derrière ces paroles, il y a certainement la volonté d’impulser un sursaut. Mais il s’agit aussi d’un constat. Nous autres, chercheurs, observons que la guerre hybride conduite par la Russie contre l’Occident monte en puissance mois après mois. Piratages, fake news, intimidations… Nous sommes sur un niveau de déstabilisation et de désinformation qui n’avait encore jamais été atteint.
Vladimir Poutine met en garde les Occidentaux contre un risque de guerre nucléaire. Jeudi, dans son discours annuel à la Nation, le maître du Kremlin a évoqué « une menace réelle » et accusé la France de vouloir jouer « l’escalade ». Ses déclarations sont-elles à prendre au sérieux ?
Depuis deux ans, cet argument revient régulièrement dans la bouche de Vladimir Poutine, lorsqu’il est en difficulté ou lorsqu’il estime que les Européens et les Américains vont trop loin dans leurs menaces à l’égard de la Russie. Mais il s’agit d’une rhétorique de dissuasion assez classique. La Russie a bien conscience qu’une guerre nucléaire la mènerait aussi à la destruction. Elle n’en tirerait aucun intérêt. C’est une forme de mise sous pression de la part du régime, qui cherche à susciter la peur chez les populations européennes.
Pensez-vous que les funérailles de Navalny puissent être le point de départ d’un mouvement de contestation plus large ?
Je rappelle que la Russie a été le pays de trois révolutions au XXe siècle : 1905, 1917 et 1991. Aujourd’hui, Poutine verticalise de plus en plus son pouvoir, le régime ne tient que grâce à lui. Il n’est pas à l’abri d’une révolution de palais, sans doute plus probable qu’un mouvement global de la part des Russes. Mais nous avons eu tellement de surprises ces dernières années que tout paraît possible… »
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