Le G20 qui se tenait cette semaine au Brésil a été marqué par une accélération des discussions autour de l’accord de libre-échange entre le Mercosur et l’Union européenne, même si à ce stade le 27 Etats-membres sont toujours divisés. La France est-elle isolée ? Qu’en pensent ses partenaires ? On en débat dans Ici l’Europe, sur France 24, LCP et Public Sénat.
Délégation sénatoriale à Taïwan : « Nos interlocuteurs ne cessent de répéter l’importance qu’ils accordent à la France »
Par Romain David
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Ils ont quitté Paris dimanche pour Taïpei. Emmenée par l’ancien ministre de la Défense Alain Richard (RDPI-Renaissance), une délégation sénatoriale transpartisane, qui rassemble les sénatrices LR Valérie Boyer et Alexandra Borchio-Fontimp, et la centriste Brigitte Devésa, a entamé une visite de cinq jours sur l’île de Taïwan. Un cinquième élu n’a pas pu faire le voyage après avoir été testé positif au Covid-19, a-t-on appris. Ce séjour s’inscrit dans le cadre des travaux du groupe d’études « Sénat-Taïwan » à la Chambre haute, qui organise un déplacement sur l’île tous les deux ans en moyenne. « Nos interlocuteurs, politiques et officiels, ne cessent de répéter l’importance qu’ils accordent à la France », rapporte à Public Sénat le sénateur Alain Richard.
Les trois premiers jours de la visite ont notamment été marqués par une rencontre avec les parlementaires taïwanais, le ministre des Affaires étrangères et le nouveau Premier ministre Chen Chien-jen. La suite du déplacement prévoit la visite du Parc des sciences, un déjeuner de travail avec l’académie des semiconducteurs de l’université de Cheng Kung, un dépôt de gerbe en commémoration du massacre du 28 février 1947, mais surtout : une rencontre vendredi avec la présidente Tsai Ing-wen, suivie d’un déjeuner. Les enjeux de sécurité dans la région font partie des discussions. « En tant que parlementaires, nous pouvons formuler des souhaits et émettre des avis lors de nos échanges, mais bien entendu nous ne sommes pas mandatés pour exprimer une position officielle », précise Alain Richard. D’autant que ces différents échanges interviennent deux semaines après les propos polémiques tenus par Emmanuel Macron sur la position française vis-à-vis de Taïwan.
« Interrogation et gêne » après la déclaration d’Emmanuel Macron
Début avril, en marge de son voyage en Chine, Emmanuel Macron a laissé entendre dans un entretien que la France avait intérêt à rester neutre devant la situation taïwanaise. « Le piège pour l’Europe serait qu’au moment où elle parvient à une clarification de sa position stratégique, elle soit prise dans un dérèglement du monde et des crises qui ne seraient pas les nôtres », a-t-il déclaré auprès de journalistes des Échos, de France Inter et du site Politico. « Avons-nous intérêt à une accélération sur le sujet de Taïwan ? Non. La pire des choses serait de penser que nous, Européens, devrions être suivistes sur ce sujet et nous adapter au rythme américain et à une surréaction chinoise. »
Ces propos ont été vivement critiqués, car interprétés comme une prise de distance vis-à-vis de l’allié américain, Washington étant engagé de longue date dans un bras de fer avec Pékin, doublé d’une forme d’attentisme face à l’autoritarisme chinois. La France est pour le « statu quo » et la recherche d’un « règlement pacifique », a toutefois tenu à nuancer le chef de l’État quelques jours plus tard, à l’occasion d’un déplacement aux Pays-Bas.
« Il y a pu avoir une composante d’interrogation et de gêne autour des déclarations faites par le président de la République lors de son déplacement en Chine. Mais les responsables politiques taïwanais ont bien compris qu’il n’y avait pas de changement de ligne », veut rassurer Alain Richard. « Il a fallu faire un effort de commentaires et de justification avec certains interlocuteurs pour expliquer que la France ne changeait pas d’attitude. Simplement, le chef de l’État a pu avoir un langage un peu trop ramassé pour exprimer sa pensée. » Le sénateur rappelle d’ailleurs qu’au lendemain du départ d’Emmanuel Macron, une frégate française, « Le Prairial », a traversé le détroit de Taïwan, « ce qui n’aurait certainement pas été le cas si la France avait revu sa politique internationale dans la région ».
La délégation a eu « une rencontre enrichissante avec le Ministre des affaires étrangères de Taïwan afin de lui rappeler notre soutien et notre amitié malgré les récentes annonces d’Emmanuel Macron. Nous sommes fermement opposés à une pression militaire », a affirmé dans un tweet la sénatrice Alexandra Borchio-Fontimp. « Ce sujet revient dans toutes nos rencontres », rapporte-t-elle à Public Sénat, évoquant « la déception » des Taïwanais après la sortie d’Emmanuel Macron. « Face à la menace sécuritaire, la France doit défendre l’idée selon laquelle toute tentative de modifier le statu quo par la force serait inacceptable », a-t-elle encore réaffirmé ce mercredi dans un communiqué de presse.
Montée des tensions avec la Chine
Officiellement, le gouvernement français n’entretient pas de relations diplomatiques avec le territoire taïwanais, dont il ne reconnaît pas la souveraineté. Une position qui remonte aux années 1960, lorsque la France a fait le choix de se rapprocher de la Chine communiste, qui elle-même revendique le contrôle de Taïwan. Pour autant, l’île a noué de nombreux partenariats avec la France. Et les fréquents aller-retour d’élus – une délégation de députés a fait le déplacement la semaine dernière – esquissent les contours d’une diplomatie parlementaire qui a déjà irrité à plusieurs reprises la Chine. En octobre 2021, à l’occasion du dernier déplacement de sénateurs à Taïwan, l’ambassadeur de Chine à Paris, Lu Shaye, s’était permis d’exprimer ses réticences dans un courrier adressé à Alain Richard.
« Nous faisons un effort, notamment dans le choix des mots, pour ne pas contredire le principe auquel la France adhère depuis des décennies et qui consiste à reconnaître Taïwan comme partie intégrante du territoire de la République populaire de Chine. Pour le reste, il faut bien dire que tout se passe comme si Taïwan était un Etat souverain, qui entretient des relations diplomatiques quasi-normalisées avec une cinquantaine de pays », analyse Alain Richard.
Les rapports entre Pékin et Taipei ont été marqués ces derniers mois par un regain de tensions sur fond de guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine. Début avril, cette dernière a déployé d’importantes manœuvres militaires autour de l’île, manière de répondre au déplacement de Tsai Ing-wen, la présidente taïwanaise, aux Etats-Unis et à sa rencontre avec Kevin McCarthy, le président de la Chambre américaine des représentants. « La menace existe. Pour autant, tout emploi de la force par la Chine, qui irait dans le sens d’une tentative de conquête de l’île, serait un coup de tonnerre, accompagnée d’une remise en question immédiate de son insertion sur la scène internationale », avertit Alain Richard.
Sur le plan économique, des échanges bilatéraux à rééquilibrer
Autre enjeu de la visite sénatoriale : les relations commerciales entre Taïwan et la France. Outre les officiels taïwanais, la délégation sénatoriale a prévu d’échanger avec différents acteurs économiques. « Nous avons eu des discussions avec des industriels, notamment les représentants du secteur des semiconducteurs qui a un besoin intense d’investissements internationaux », glisse Alain Richard. « Cette industrie assume des coûts de production importants, avec un équilibre de rentabilité qui n’est pas évident à trouver. Pour autant, notre déficit commercial avec Taïwan dépasse les 50%. L’un des défis pour la France est aussi de parvenir à capter, pour sa propre industrie, des investissements taïwanais », poursuit celui qui est également vice-président du Sénat.
Selon les derniers chiffres publiés par le ministère de l’Economie, le commerce de biens franco-taïwanais a progressé de 21,5% en 2021, mais alors que les exportations françaises en direction de l’île ont augmenté de 9,3%, celle de Taïwan vers la France ont bondi de 28,8%. La ministre taiwanaise de l’Economie Wang Mei-hua pourrait prochainement se rendre dans l’Hexagone, la sénatrice Alexandre Borchio-Fontimp l’a d’ores et déjà invitée à se rendre dans son département des Alpes-Maritimes pour visiter Sophia-Antipolis, « première technopôle européenne ».
« Nous avons également de nombreuses coopérations de recherche assez fructueuses dans le domaine de la santé, avec des programmes en matière de traitement et de pharmacologie », ajoute Alain Richard. « Là aussi, la France doit veilleur à préserver l’attractivité de son industrie pharmaceutique. »
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