upiphotostwo948436

Conflit Israël-Hamas : « Mahmoud Abbas a été incapable d’obtenir des victoires politiques pour les Palestiniens »

Après les attaques du Hamas contre Israël le 7 octobre, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, est de plus en plus contesté. Médiateur historique du conflit, Mahmoud Abbas, aujourd’hui âgé de 88 ans, est confronté à la montée du Hamas et à la remise en cause de son pouvoir par la population palestinienne en Cisjordanie. Explications avec Xavier Guignard, doctorant en science politique et spécialiste de l’Autorité palestinienne.
Henri Clavier

Temps de lecture :

6 min

Publié le

Mis à jour le

Successeur de Yasser Arafat, Mahmoud Abbas accède au poste de président de l’Autorité palestinienne en 2005, après sa victoire aux élections. Protagoniste majeur des négociations ayant débouché sur les accords d’Oslo en 1993, Mahmoud Abbas défend une solution à deux Etats garantissant la sécurité d’Israël. Le 12 octobre, Mahmoud Abbas a condamné les attaques du 7 octobre affirmant que « les actions du Hamas ne représentent pas le peuple palestinien ». Le président de l’Autorité palestinienne a également annulé son entretien avec Joe Biden après la chute d’un missile sur un hôpital de Gaza. Il a également décrété trois jours de deuil national après cet incident.

Pourquoi la prise de parole de Mahmoud Abbas était-elle particulièrement attendue ?

Mahmoud Abbas ne s’est pas énormément exprimé, mais il a pris la parole pour condamner l’attaque du Hamas sur Israël et a parlé de crimes de guerre. C’est une manière claire, pour lui, de se distinguer du Hamas et de rappeler que c’est lui le président de l’Autorité palestinienne et par conséquent qu’il est l’interlocuteur privilégié, le seul véritable porte-parole de la Palestine, finalement. Il ne faut pas non plus oublier que Mahmoud Abbas est tenu par son mandat, il lui incombe de maintenir l’ordre en Palestine. Le Président de l’Autorité palestinienne se devait également de réagir pour rassurer la diplomatie étrangère.

De quelle nature sont les relations entre le Hamas et Mahmoud Abbas ?

Mahmoud Abbas fait du Hamas un adversaire politique, le président de l’Autorité palestinienne veut avant tout se prémunir contre un risque de contagion du conflit en Cisjordanie. Depuis la prise de contrôle de Gaza par le Hamas en 2007, Mahmoud Abbas a pour objectif de se débarrasser du Hamas qui conteste sa position d’unique porte-parole des Palestiniens et de seul négociateur pour la création d’un Etat palestinien. D’une manière assez cynique, Mahmoud Abbas voit aussi dans les attaques du Hamas une occasion pour marginaliser ces derniers et réinstaller l’Autorité palestinienne au cœur de Gaza.

Quelles sont les conséquences de ces tensions en Cisjordanie ?

Mahmoud Abbas est devenu le principal tenant d’une ligne dure pour éviter la contagion et l’implantation durable du Hamas en Cisjordanie. Cette fermeté peut également rassurer les partenaires internationaux qui peuvent négocier avec l’Autorité palestinienne. Cependant, il y a aussi une dérive sécuritaire de la part de Mahmoud Abbas. Depuis plusieurs années, les manifestations en Cisjordanie se terminent régulièrement par des affrontements avec la police palestinienne. On s’est retrouvé dans ce cas de figure lors de la manifestation à Ramallah où les manifestants ont repris des slogans des printemps arabes de 2011 pour demander la démission de Mahmoud Abbas avant que la police n’intervienne. Tout cela s’inscrit dans une dérive autoritaire et sécuritaire du président de l’Autorité palestinienne depuis une quinzaine d’années et son arrivée au pouvoir.

Est-ce qu’on peut parler d’un désamour des Palestiniens pour Mahmoud Abbas ?

Il faut comprendre que Mahmoud Abbas a été incapable d’obtenir des victoires politiques pour les Palestiniens. Il n’a pas réussi à contenir la colonisation en Cisjordanie et à avancer dans les négociations avec Israël alors qu’il est un fervent défenseur de la solution à deux Etats et reste partisan de la négociation avec Israël. Il faut également reconnaître que Mahmoud Abbas n’est pas forcément responsable de l’intensification de la colonisation israélienne et de l’échec des négociations. Entre ces échecs politiques et la personnalisation du pouvoir, Mahmoud Abbas est naturellement fragilisé. Précisons que depuis son arrivée à la tête de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas a une approche très personnelle du pouvoir. Il a écarté tous ses concurrents (notamment Mohammed Dahlan, exilé aux Emirats Arabes Unis depuis 2011) et en 2021 les élections ont été reportées et n’ont toujours pas eu lieu. Mahmoud Abbas compte se maintenir et, avant les attaques du 7 octobre, ne semblait pas prêt à une quelconque ouverture de l’Autorité palestinienne.

Doit-on considérer que l’Autorité palestinienne et Mahmoud Abbas ne bénéficient plus d’une légitimité forte aux yeux des Palestiniens ?

Non, la légitimité de l’Autorité reste très forte aux yeux des Palestiniens dont une très grande partie est en faveur des négociations et d’une solution à deux Etats. La contestation ne se situe pas au niveau de la légitimité de l’Autorité palestinienne mais de celle de son président. Même le Hamas et le Jihad islamique ne font pas de l’Autorité palestinienne un adversaire absolu. Ce que la population souhaite c’est de renverser la clique au pouvoir autour de Mahmoud Abbas mais certainement pas l’Autorité palestinienne, peu de gens ont intérêt à sa disparition.

Face à cette contestation interne et à l’échec des négociations, est-ce que le projet politique de Mahmoud Abbas a évolué ?

Mahmoud Abbas a été le négociateur de l’organisation pour la libération de la Palestine dans le cadre de la conclusion des accords d’Oslo en 1993. Il est difficile pour lui de se détacher de la position exprimée à l’époque qui visait à assurer la sécurité d’Israël et la création d’un véritable Etat palestinien. Aujourd’hui, les accords d’Oslo ont perdu leur crédit. D’une part, à cause de la colonisation et puis parce que la seule solution depuis 30 ans est devenue une impasse. Mahmoud Abbas est devenu un défenseur du statu quo. Néanmoins, Mahmoud Abbas utilise fréquemment, notamment à la tribune des Nations unies, la menace de l’Etat unique même s’il n’en est pas un partisan. C’est un moyen de relancer les négociations. Mahmoud Abbas reste un vrai partisan des négociations, mais s‘est souvent plaint ces dernières années de ne pas pouvoir s’appuyer sur un réel interlocuteur côté israélien.

 

 

Dans la même thématique

Conflit Israël-Hamas : « Mahmoud Abbas a été incapable d’obtenir des victoires politiques pour les Palestiniens »
4min

International

Narcotrafic : « il faut une véritable police européenne » plaide cet eurodéputé allemand 

Alors que les crimes liés au trafic de drogue se multiplient en Europe, les pays européens ne sont pas à l’unisson dans la stratégie pour lutter contre ce fléau, même s’il existe une coopération européenne en la matière de lutte contre le trafic, les politiques de poursuite des consommateurs varient d’un état à l’autre. On en débat cette semaine dans Ici l’Europe, émission diffusée sur France 24, LCP et Public Sénat.

Le

Conflit Israël-Hamas : « Mahmoud Abbas a été incapable d’obtenir des victoires politiques pour les Palestiniens »
6min

International

Immigration : le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau « favorable à la dénonciation de l’accord franco-algérien de 1968 »

Auditionné par le Sénat ce mercredi 27 novembre, le locataire de la place Beauvau a tiré à boulets rouges sur cet accord bilatéral et le statut particulier qu’il accorde aux ressortissants algériens qui arrivent en France. Favorable à son abrogation au vu de la dégradation des relations franco-algériennes, Bruno Retailleau précise toutefois que cette position n’engage pas le gouvernement.

Le

Conflit Israël-Hamas : « Mahmoud Abbas a été incapable d’obtenir des victoires politiques pour les Palestiniens »
6min

International

Accord UE - Mercosur : le Sénat rejette largement le traité de libre échange

Sans surprise, après l’Assemblée nationale, c’est le Sénat qui s’oppose largement au projet d’accord UE – Mercosur tel qu’envisagé aujourd’hui par la Commission européenne. Un rejet qui intervient dans le cadre d’un vote consultatif, demandé par le gouvernement pour appuyer son opposition à l’accord commercial.

Le