« Je pense qu’Israël aura, pour une période indéterminée, la responsabilité globale de la sécurité [à Gaza], car nous avons vu ce qu’il se passe lorsque nous ne l’avons pas », a déclaré hier le Premier ministre Israélien, Benjamin Netanyahou à l’occasion de sa première interview accordée à un média américain, en l’occurrence ABC News. Sans donner plus de précision sur le dispositif militaire que cela pourrait impliquer, Benjamin Netanyahou cherche à s’assurer que « ceux qui ne veulent pas poursuivre la voie du Hamas » gouvernent Gaza à l’avenir. Une interview qui fait suite à l’entretien entre Benjamin Netanyahou et le président des Etats-Unis, Joe Biden, le 6 novembre.
Faut-il alors interpréter ces déclarations comme un retour durable d’Israël dans la bande de Gaza, un territoire que l’Etat hébreu a quitté en 2005 ? Peu probable dans la mesure où Joe Biden prévenait, le 16 octobre, qu’une nouvelle occupation de Gaza serait une erreur pour Israël.
« Les précédentes interventions ne prévoyaient pas de s’impliquer militairement comme actuellement »
« Dans la mesure où la question du Hamas est une menace existentielle pour Israël, Benjamin Netanyahou fait savoir que les Israéliens ne vont pas laisser passer la menace et entendent sécuriser la zone. Les Israéliens ne comptent pas laisser un deuxième 7 octobre arriver », explique Elizabeth Sheppard Sellam, maîtresse de conférences en relations internationales spécialisée dans les questions de défense et de lutte contre le terrorisme. L’enjeu pour le Premier ministre Israélien consiste donc à assurer la sécurité d’Israël une fois les opérations terminées comme ce dernier le précisait à ABC News : « Lorsque nous n’avons pas cette responsabilité en matière de sécurité, nous assistons à l’éruption de la terreur du Hamas à une échelle que nous ne pouvions pas imaginer. »
Alors que le Hamas contrôle la bande de Gaza depuis 2006 après sa victoire aux élections et l’élimination de ses rivaux, l’armée israélienne est déjà intervenue militairement dans le territoire palestinien en 2008, 2012 et 2014. « Les précédentes interventions ne prévoyaient pas de s’impliquer militairement comme actuellement. Donc il y a un changement dans l’approche et la stratégie militaire, on n’a jamais vu un appel global des réservistes comme cela depuis 2006 », rappelle Elizabeth Sheppard Sellam.
« Le coût d’une occupation est extrêmement élevé »
L’ampleur de l’occupation militaire doit-elle alors faire craindre une occupation totale de Gaza par l’armée israélienne ? Encore une fois, l’incertitude règne et il est encore impossible de savoir si Israël arrivera à accomplir ses objectifs militaires et éradiquer le Hamas dans la mesure où une grande partie de ses dirigeants ne se trouve pas à Gaza. Surtout, une occupation aurait un impact économique majeur pour Israël compte tenu de l’ampleur de la mobilisation des réservistes. « Les Israéliens n’ont pas envie de garder l’armée mobilisée sur la durée. Le coût d’une occupation est extrêmement élevé et la mobilisation a un impact sur l’économie », analyse Elizabeth Sheppard Sellam, « il y aura une présence israélienne sur place, d’une façon ou d’une autre, mais ce ne sera pas une occupation avec une mobilisation militaire importante. » En parlant d’assumer la responsabilité de la sécurité à Gaza, le premier ministre Israélien doit également répondre aux critiques sur sa gestion des forces militaires et notamment la répartition des effectifs entre la frontière de Gaza et la Cisjordanie.
Benjamin Netanyahou ne devrait donc pas aller à l’encontre de la position américaine sur une occupation de la bande de Gaza et maintenir une importante présence militaire dans le territoire palestinien. « Il ne faut pas oublier qu’il y a un soutien logistique américain sur place qui apporte à la fois conseil et matériel, donc ils vont forcément être écoutés », estime Elizabeth Sheppard Sellam. Plusieurs options restent alors envisageables et « même si nous sommes encore dans le flou, les Américains essaieront sans doute d’avoir une approche inédite », estime Elizabeth Sheppard Sellam qui ajoute que « l’option d’un mandat international pourrait être proposée, mais les Israéliens ne devraient pas être prêts à accepter ».
Vers un retour du Fatah à Gaza ?
Alors que la première incursion terrestre a eu lieu le 26 octobre devrait se prolonger, l’Autorité palestinienne et le Fatah pourraient avoir un rôle à jouer dans une future « administration » de la bande de Gaza. Pour rappel, l’Autorité palestinienne administre une partie du territoire de la Cisjordanie et y dispose de forces de sécurité. « Le Fatah [qui est à la tête de l’Autorité palestinienne et dirige la Cisjordanie] reconnaît l’existence d’Israël et son droit à la sécurité ».
A l’occasion d’une audition au Sénat américain le 31 octobre, Antony Blinken, Secrétaire d’Etat, a évoqué la possibilité pour l’Autorité palestinienne de reprendre le contrôle de la bande de Gaza : « Le plus logique serait qu’une Autorité palestinienne revitalisée soit chargée de la gouvernance et, en fin de compte, de la sécurité de la bande de Gaza ». Une option à laquelle se refuse pour l’instant l’Autorité palestinienne en l’absence d’une solution politique globale pour le conflit israélo-palestinien.