Ursula Von der Layen © European Union 2022 – Source: EP

Comment Ursula von der Leyen va s’y prendre pour composer la Commission européenne

Réélue à la tête de la Commission européenne, Ursula von der Leyen a commencé à composer son collège de commissaires, en fonction des candidatures proposées par les Etats. La France devrait choisir de reconduire Thierry Breton.
Alexandre Poussart

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On connaît le casse-tête chinois mais il existe aussi le casse-tête européen. Celui de composer la Commission européenne, et ses 26 portefeuilles de commissaires, chacun d’entre eux étant attribué à l’un des Etats-membres de l’Union européenne. C’est le défi que doit relever l’Allemande Ursula von der Leyen, réélue il y a une semaine par une majorité d’eurodéputés à la présidence de la Commission européenne, pour un nouveau mandat de 5 ans.

« Elle va devoir respecter des équilibres géographiques, politiques et en termes de parité puisqu’elle a promis une Commission européenne paritaire, donc avec 12 ou 13 femmes », explique Pascale Joannin, directrice générale de la Fondation Robert Schuman. Ursula von der Leyen doit composer son collège de commissaires avec les candidats (un homme et une femme) proposés par chaque Etat-membre.

Emmanuel Macron devrait demander un portefeuille important pour Thierry Breton

Du côté de la France, Emmanuel Macron devrait proposer une nouvelle fois Thierry Breton, qui était commissaire européen au Marché intérieur lors de la précédente mandature. « La France va demander un portefeuille de commissaire prestigieux pour Thierry Breton, qui a joué un rôle très important à Bruxelles depuis 5 ans » assure Pascale Joannin. En effet, le commissaire Breton s’est illustré dans l’approvisionnement de vaccins contre le Covid-19, dans la régulation du numérique sur le marché européen face aux géants américains et chinois et dans la relance de l’industrie de défense européenne pour soutenir l’Ukraine face aux Russes. Le portefeuille qui sera confié au commissaire français sera déterminant dans l’influence de l’Hexagone au sein de l’Union, une influence en berne depuis les dernières élections européennes, alors que les 30 élus RN n’ont pas accès aux postes clés du Parlement européen, isolés par un cordon sanitaire de la majorité pro-européenne, et que les eurodéputés français macronistes ont vu leurs effectifs fondre de près de 40 % dans un groupe centriste Renew lui-même affaibli. Néanmoins Emmanuel Macron peut compter sur ses relations avec Ursula von der Leyen pour continuer à influer sur l’institution bruxelloise : « En 2019, c’est Emmanuel Macron qui avait été à l’initiative de la candidature d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne, en réussissant à écarter le candidat allemand présenté par le Parti populaire européen », rappelle Pascale Joannin.

L’Italienne Giorgia Meloni demande une vice-présidence avec un portefeuille économique

Dans cette composition, Ursula von der Leyen doit faire face aux demandes élevées de certains gouvernements de droite radicale qui ont été confortés par les élections européennes, comme celui de l’Italienne Giorgia Meloni, et de son parti post-fasciste Fratelli d’Italia. La présidente du Conseil italien demande à Ursula von der Leyen un poste de vice-présidence de la Commission européenne avec un portefeuille économique, alors que les deux femmes ont noué de bonnes relations de travail ces dernières années, notamment sur les questions migratoires. Certains observateurs imaginaient même qu’Ursula von der Leyen se lie avec Giorgia Meloni pour obtenir les voix de son groupe au Parlement européen (les Conservateurs, Réformistes européens) lors de sa réélection mais l’Allemande a préféré se tourner vers les eurodéputés écologistes pour l’emporter.

« Contrairement à certains experts de la question européenne, je n’ai jamais pensé que Giorgia Meloni allait devenir un personnage central de l’Union européenne », assure Sylvain Kahn, spécialiste de l’Europe, professeur au Centre d’Histoire de Sciences Po, et auteur du livre L’Europe face à l’Ukraine (éditions PUF, 2024). « Giorgia Meloni a acté depuis plusieurs semaines son désaccord politique avec Ursula von der Leyen. Elle a voté contre sa candidature pour un second mandat, au sein du Conseil européen qui regroupe les chefs de gouvernement des 27, et a de nouveau voté contre, la semaine dernière, à travers son groupe au Parlement européen. Elle met la barre très haut dans les négociations pour le poste de commissaire italien, mais elle a compris que le rapport de forces n’était pas en sa faveur au sein de l’Union européenne. »

Que va obtenir le Hongrois Viktor Orban ?

La place attribuée au commissaire hongrois sera également intéressante à observer alors que le Premier ministre hongrois Viktor Orban a réussi à créer le 3e groupe du Parlement européen, Les Patriotes pour l’Europe (84 eurodéputés), fruit d’une alliance avec le Rassemblement national, et qu’il occupe actuellement la présidence tournante de l’Union européenne. Viktor Orban s’est d’ailleurs lancé dans un bras de fer avec Ursula von der Leyen sur l’aide européenne à l’Ukraine en lançant ce qu’il appelle « une mission de paix » et après avoir été rencontrer Vladimir Poutine à Moscou pour évoquer la résolution du conflit. La présidente de la Commission a fortement critiqué cette initiative isolée de Viktor Orban, qui bloque la mise en œuvre d’une nouvelle aide financière à l’Ukraine. « La stratégie de Viktor Orban dans l’Union européenne, c’est de bloquer certaines choses en mettant son veto, pour obtenir ensuite d’autres choses dans les négociations avec Bruxelles », explique Sylvain Kahn. Viktor Orban n’a pas encore dit s’il souhaitait le maintien d’Oliver Varehlyi au poste de commissaire à l’Elargissement et au Voisinage. « Un poste stratégique depuis la guerre en Ukraine et la candidature de Kiev pour entrer dans l’UE, une adhésion à laquelle s’oppose la Hongrie ».

Des candidats-commissaires à l’épreuve du Parlement européen

Une fois qu’Ursula von der Leyen aura réparti les portefeuilles entre les différents États-membres, les candidats-commissaires seront auditionnés cet automne au Parlement européen devant les commissions concernées. Les eurodéputés devront valider ou non les candidatures. « Depuis 20 ans, le Parlement européen a toujours retoqué 2 ou 3 candidats, pour affirmer son pouvoir dans les institutions européennes », explique Pascale Joannin. « En 2019, les eurodéputés avaient retoqué 3 candidats-commissaires dont Sylvie Goulard, proposée par la France. Emmanuel Macron avait alors soumis la candidature de Thierry Breton. » A la fin du mois d’octobre, l’ensemble du collège de commissaires européens sera soumis à un vote consultatif du Parlement européen, réuni en séance plénière à Strasbourg.

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