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« Cirque politique français », « crise identitaire et démocratique » : comment la presse étrangère voit la campagne des législatives

Passé le choc de la dissolution, le feuilleton de cette première semaine de campagne électorale continue de passionner la presse étrangère. Face à l’instabilité dans laquelle le pays pourrait être plongé au lendemain du second tour, c’est un sentiment d’inquiétude qui domine.
Rose Amélie Becel

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« Je suis préoccupé par les élections en France. » À une semaine du premier tour des élections législatives, la crainte d’une victoire du Rassemblement national a poussé le chancelier Olaf Scholz à s’exprimer devant la télévision publique allemande. « J’espère que les partis qui ne sont pas celui de Le Pen, pour le dire ainsi, remporteront les élections », a-t-il indiqué.

Jordan Bardella, adoubé par la presse russe

Face à la possibilité d’une cohabitation entre le président Macron et Jordan Bardella, l’inquiétude monte aussi en Ukraine. « Ce serait un énorme défi », alerte par exemple dans son édito le quotidien en ligne Evropeïska Pravda. Au contraire, l’édition russe du Moscow Times, se rappelle avec enthousiasme de la visite de Marine Le Pen au Kremlin en mars 2017 : « Avant la guerre, elle aimait beaucoup Moscou, elle est plusieurs fois venue y rencontrer des responsables russes. Son cortège, escorté à travers la capitale pour l’emmener jusqu’à Poutine, avait embouteillé la ville pendant plusieurs heures. »

La figure de Jordan Bardella intéresse aussi particulièrement les médias étrangers. Le tabloïd russe Komsomolskaya Pravda consacre ainsi un portrait particulièrement élogieux au chef de file du Rassemblement national, qualifié de « prodige » et comparé au personnage de « Ken de Barbie ». Un enthousiasme partagé par la chaîne américaine Fox News, qui affirme que l’eurodéputé RN « bouleverse la politique française ». Grâce à lui, « le parti s’est éloigné de ses racines d’extrême droite pour devenir un parti plus populiste sous la direction de Marine Le Pen », se réjouit la chaîne de télévision conservatrice.

En Allemagne, les résultats des législatives inquiètent aussi pour la stabilité de l’Union européenne, après un scrutin européen déjà marqué par une montée des partis d’extrême droite. Le Frankfurter Allgemeine Zeitung redoute ainsi l’issue de l’élection, qui pourrait « enrayer le moteur de l’Europe ». Pour le quotidien, Emmanuel Macron risque un « moment à la Cameron » en provoquant la dissolution de l’Assemblée. Pariant sur une victoire des pro-européens, le Premier ministre britannique avait en effet provoqué lui-même le referendum de 2016 sur le Brexit, qui l’avait poussé à la démission quelques mois plus tard.

De nombreux parallèles avec la situation politique britannique

L’analogie avec la situation politique du Royaume-Uni se poursuit d’ailleurs jusqu’à aujourd’hui, puisque le pays renouvelle également son Parlement le 4 juillet, entre les deux tours du scrutin français. Le Premier ministre conservateur Rishi Sunak, qui a aussi pris la population par surprise en convoquant des élections anticipées, est en très mauvaise posture. Après une succession de quatre conservateurs à la tête du gouvernement en cinq ans, les travaillistes sont donnés largement en tête du scrutin.

Dans cette atmosphère, le Daily Mail prédit pourtant à Emmanuel Macron une défaite « bien pire que celle de son alter ego britannique ». Dans un style plus grave que celui du tabloïd, le quotidien conservateur The Telegraph s’inquiète dans un éditorial d’une élection qui risque de conduire la France « vers une crise financière qui pourrait faire tomber la zone euro ». L’auteur de l’article, l’écrivain Matthew Lynn, craint un « effet Truss » si le Rassemblement national accède au pouvoir. Liz Truss, très éphémère Première ministre de septembre à octobre 2022, avait en effet fait campagne sur la thématique du pouvoir d’achat, puis plongé l’économie britannique dans la crise en instaurant de fortes baisses d’impôts vivement critiquées par les institutions financières.

Dans l’hebdomadaire de gauche The Observer, le ton est plus grinçant. L’auteur nord-irlandais Robert McLiam Wilson, qui vit actuellement en France, entreprend ainsi d’expliquer aux Britanniques le « cirque politique français », en détaillant la séquence de l’alliance entre le Rassemblement national et Éric Ciotti. « Si la grotesque comédie de la droite française ne lui coûte pas l’élection, elle pourrait tout de même paralyser un futur gouvernement », observe-t-il.

« Riches et pauvres, urbains et ruraux, jeunes et vieux, aujourd’hui Le Pen séduit tout le monde »

Au-delà du commentaire politique, de nombreux correspondants étrangers ont également été sur le terrain pour comprendre les ressorts du vote pour le Rassemblement national en France. À Amiens, sur les terres où le président de la République a grandi, le Times explique ainsi comment les électeurs sont « prêts à tourner la page Macron au profit du RN ». De son côté, dans un reportage entre l’Indre et le Cher, le Financial Times raconte la percée du RN dans « la diagonale du vide », où le parti est devenu « le défenseur autoproclamé des oubliés ».

« Riches et pauvres, urbains et ruraux, jeunes et vieux, aujourd’hui Le Pen séduit tout le monde », résume de son côté El Pais. Le quotidien espagnol s’intéresse également à la question de l’abstention dans un reportage à Bondy, « la banlieue de Mbappé », où certains habitants n’ont plus « la conviction que [leur] voix peut changer les choses ».

Dans un long papier d’analyse, le quotidien libanais L’Orient Le Jour explique de son côté la montée de l’extrême droite en France, « miroir grossissant de l’Europe », par une accumulation de « crises identitaires, démocratiques et économiques » qui « rendent les citoyens particulièrement perméables aux discours de défiance vis-à-vis de la démocratie représentative, des institutions et des médias ».

La figure de Jean-Luc Mélenchon inquiète la presse conservatrice

Enfin, si les médias étrangers semblent s’intéresser plus largement au Rassemblement national, l’union de la gauche inspire aussi quelques articles. Le Corriere della Sera voit ainsi dans Jean-Luc Mélenchon, qui n’a « aucune envie de passer le témoin », le futur candidat du Nouveau Front populaire au poste de Premier ministre.

Une perspective qui semble enthousiasmer le quotidien italien, mais qui inquiète de nombreux autres observateurs. Le Frankfurter Allgemeine Zeitung décrit ainsi le chef de file de La France insoumise comme un « agitateur de gauche » et craint que le programme du Nouveau Front populaire n’entraîne une « rupture avec l’UE et l’Allemagne ».

L’hebdomadaire conservateur brésilien Veja semble de son côté partager les mêmes craintes : « Tout le monde se tournait vers Jordan Bardella, mais la menace bien pire est celle du leader d’extrême gauche Jean-Luc Mélenchon et de ses alliés. »

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