Borys Filatov, maire de la ville de Dnipro, était l’un des élus ukrainiens invités ce mardi à prendre la parole au Congrès des maires organisé par l’AMF. Mille jours après l’invasion russe de l’Ukraine, il témoigne sur Public Sénat d’un conflit toujours aussi difficile à supporter pour la population de son pays.
« C’est vraiment regrettable » : la réunion annuelle des ambassadeurs à Paris n’aura pas lieu en 2024
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Le rendez-vous est incontournable pour la diplomatie française. Tous les ans depuis 1993, tous les chefs de missions diplomatiques convergent à Paris à la fin du mois d’août pour la traditionnelle conférence des ambassadeurs. Ce temps fort est l’occasion pour le chef de l’État et le ministre des Affaires étrangères de donner les grandes orientations qui guident l’action des représentants du pays à l’étranger.
Ce ne sera pas le cas cette année. Hormis le cas très particulier des éditions 2020 et 2021 qui n’ont pas pu se tenir pour des raisons évidentes liées à la pandémie, l’absence de conférence cette année est inédite. La décision a été prise en raison de la tenue des Jeux olympiques et paralympiques à la même période. « Les équipes et les ambassades sont très mobilisées », indique le porte-parolat du Quai d’Orsay à Public Sénat.
« Ce n’est pas comme s’il ne se passait rien dans le monde ! »
L’explication ne convainc toutefois pas l’ensemble des habitués de la conférence. « C’est un prétexte. C’est parce que ça n’intéressait pas beaucoup Emmanuel Macron. Il a une considération moyenne pour les diplomates », maugrée un ancien ambassadeur. La suppression du corps diplomatique, en 2022, reste un traumatisme pour de nombreux diplomates, tout comme dans la représentation nationale. « Je trouve cela choquant et vraiment regrettable de reporter un moment comme celui-là. Le monde est en plein vertige, on ne peut pas remettre cela à plus tard », s’inquiète Catherine Dumas. La sénatrice LR de Paris, vice-présidente de la commission des affaires étrangères, estime que cette annulation est « révélatrice d’une relation qui n’est pas positive avec le monde diplomatique ».
« Le contexte national est compliqué, mais quand même. L’exercice est important. Ce n’est pas comme s’il ne se passait rien dans le monde ! Cette conférence est absolument centrale pour les prises de décision qui engagent notre pays », regrette également sa collègue socialiste Hélène Conway-Mouret, qui y assiste chaque année.
« Quel sens aurait eu une telle conférence, avec un gouvernement démissionnaire ? »
« C’est la première fois depuis sa création en 1993 que ne se tiendra pas de conférence des ambassadeurs à la rentrée. C’est regrettable et significatif », s’est également ému sur le réseau X (ex-Twitter), Gérard Araud, ancien ambassadeur de France aux États-Unis (2014-2019).
Jean de Gliniasty, ancien ambassadeur de France en Russie (2009-2013) y voit une raison pragmatique, dans cet été politique chamboulé : « C’est un peu gênant qu’elle n’ait pas lieu. Mais quel sens aurait eu une telle conférence, avec un gouvernement démissionnaire, qui ne sera plus là dans un mois ? » s’interroge-t-il.
Inquiet par l’incertitude provoquée par les législatives, le sénateur Christian Cambon (LR) se montre aussi compréhensif. « Évidemment, c’est un peu triste de voir que cette conférence annulée. Techniquement, je ne vois pas comment elle pouvait se tenir avec un gouvernement démissionnaire. Les ministres ne peuvent pas tenir des perspectives, dont ils ne seraient pas comptables », mesure l’ancien président de la commission des affaires étrangères.
L’été 2024 ne sera donc pas propice à ce grand rendez-vous que beaucoup qualifient de « stimulant ». Un simple report, plus tard dans l’année, est même exclu. « Il n’y en aura pas cette année », clarifie-t-on au Quai d’Orsay. Le choix de la fin du mois d’août pour la tenue de l’évènement ne doit rien au hasard. « La conférence des ambassadeurs est un système extrêmement économe. Les ambassadeurs sont priés de prendre leurs vacances à ce moment, de façon à être disponibles sans ordre de mission, il n’y a pas besoin d’organisation spécifique », explique Jean de Gliniasty. Sans ce retour annuel des ambassadeurs en France au moment de leurs congés, le rapatriement de quelque 200 diplomates des cinq continents représenterait un coût important pour le Quai d’Orsay.
Difficile à organiser à cette année, le rendez-vous causera assurément un manque. Créée par le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé (RPR) au début de la seconde cohabitation 1993-1995, le principe d’une conférence des ambassadeurs chaque année à la fin de l’été a très vite été saluée par ses participants. « Il y a beaucoup de conversations de couloirs, cela permet de rencontrer le ministre ou le président si on a quelque chose d’important à lui dire », relate Claude Blanchemaison, ancien ambassadeur en poste au Viet Nam, puis en Inde. « La marque du succès, c’est que plein d’autres pays nous ont ensuite imités. »
« Elle correspond à un vrai besoin. Elle donne une cohésion globale à l’action diplomatique française, les ambassades ont cessé de travailler dans leur coin. Avant, il n’y avait pas de réflexion collective », salue également Jean de Gliniasty.
« Cette crise institutionnelle conduit à un affaiblissement de la façon dont on mène la politique étrangère »
Outre la mise en cohérence de la politique étrangère, l’évènement est aussi l’occasion d’approfondir les aspects liés au rayonnement culturel de la France, ou encore à développer des stratégies relatives à la diplomatie économiques. Durant les trois jours de la conférence, les ambassadeurs rencontrent des élus, des spécialistes ou encore des représentants de société civile ou de l’entreprise. « C’est utile pour faire de la promotion économique et avoir des contacts directs avec les décideurs », insiste Claude Blanchemaison.
Emmanuel Macron aura d’autres occasions d’exposer la ligne de la France sur la scène internationale. L’Assemblée générale des Nations Unies en septembre en sera une. Mais la tonalité n’est pas la même. « C’est un rendez-vous manqué cette année. Cela participe à l’impression de délitement où les uns et les autres ont l’impression de ne pas savoir où ils vont. On n’a pas le cap », s’inquiète la sénatrice Hélène Conway Mouret. Aujourd’hui à la retraite, l’ancien ambassadeur Jean de Gliniasty fait aussi part de son inquiétude, estimant que le président de la République attache « peut-être moins d’importance à l’exercice que ses prédécesseurs ». « Cette annulation reflète un peu les difficultés de notre pays, et cette crise institutionnelle conduit à un affaiblissement de la façon dont on mène la politique étrangère. »