Borys Filatov, maire de la ville de Dnipro, était l’un des élus ukrainiens invités ce mardi à prendre la parole au Congrès des maires organisé par l’AMF. Mille jours après l’invasion russe de l’Ukraine, il témoigne sur Public Sénat d’un conflit toujours aussi difficile à supporter pour la population de son pays.
Bouclier antimissile évoqué par Macron : « L’idée n’est pas d’envahir la Russie, c’est d’être en capacité de se défendre », souligne le sénateur Cédric Perrin
Par François Vignal
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Durant son discours fleuve d’1h45 sur l’Europe, Emmanuel Macron a multiplié les thématiques (voir notre live pour retrouver ses déclarations). Sur les enjeux militaires, le chef de l’Etat a prôné un nouveau pas en faveur d’une Europe de la défense. Il a fait un pas vers l’Allemagne, en ouvrant la porte à un bouclier anti-missile européen, alors que Berlin a acheté en septembre le système de défense antimissiles israélo-américains Arrow-3.
Emmanuel Macron entend pousser les partenaires Européens à bâtir une « initiative européenne de défense ». Il défend une « Europe puissance » qui « se fait respecter » et « assure sa sécurité », et reprend « son autonomie stratégique ».
« Un bouclier antimissile ? Peut-être »
« Les événements les plus récents ont démontré l’importance des défenses antimissiles, des capacités de frappe dans la profondeur (…) face à des adversaires désinhibés. C’est pourquoi ce qu’il nous faut faire émerger, et c’est cela le paradigme nouveau en matière de défense, c’est une défense crédible du continent européen », affirme Emmanuel Macron, avant d’ajouter : « L’Europe doit savoir défendre ce qui lui est cher avec ses alliés à chaque fois qu’ils sont prêts à le faire et seuls si c’est nécessaire. Est-ce que pour ça, il nous faut un bouclier antimissile ? Peut-être. Est-ce en augmentant nos capacités de défense ? Sans doute. Cela sera-t-il suffisant face aux missiles russes ? Nous devons travailler sur ce point ». Quant à la dissuasion nucléaire française, il estime qu’elle « est par essence un élément incontournable de la défense du continent européen ».
« Les règles du jeu ont changé » du fait de « puissances désinhibées », comme la Russie et l’Iran, estime encore le chef de l’Etat, qui affirme que l’Europe est « dans une situation d’encerclement » face aux grandes puissances régionales. Le chef de l’Etat souhaite aussi « mettre en place une force de réaction rapide de 5000 militaires (…), pour aider nos ressortissants ». Il souhaite par ailleurs la création d’une « capacité européenne de cybersécurité et de cyberdéfense ».
Pour financer cet effort de défense, le président de la République plaide pour un nouvel « emprunt européen ». Et pour ça, il ne faudrait pas acheter américains. « J’assume le fait qu’il nous faut une préférence européenne dans l’achat de matériel militaire », affirme Emmanuel Macron.
« Il faut que tout le monde se réveille »
Réagissant à chaud, suite aux déclarations du chef de l’Etat, le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, le sénateur LR Cédric Perrin, dit se « méfier toujours de la communication d’Emmanuel Macron. Il faut regarder et analyser ». « Sur le bouclier anti-missile, on avait tous était très étonnés par les annonces des Allemands, faites sans consulter leurs alliés », rappelle-t-il, « si le Président considère qu’il faut faire quelque chose avec les Allemands, j’espère qu’il les a consultés ». Le sénateur LR souligne qu’« un bouclier anti-missile, c’est défensif. L’idée, ce n’est pas d’envahir la Russie. C’est juste d’être en capacité de se défendre, le cas échéant ».
Globalement, « il y a une nécessité de recherche d’une autonomie stratégique européenne. C’est une nécessité, il n’y a pas le choix, avec ce qu’il va se passe potentiellement aux Etats-Unis (en cas de réélection de Trump, ndlr), il faut que tout le monde se réveille. Là je rejoins le Président. Cela veut dire qu’il faut un réflexe européen dans les acquisitions. On ne peut pas rester comme actuellement, sur du 80/20, c’est-à-dire 80% d’achats américains. La plupart des pays européens ne voient leur défense que par les Etats-Unis », regrette le président de la commission. Mais pour faire comprendre la nécessité de développer cette Europe de la défense, « il faut faire de la pédagogie, pas que de la com’, c’est ça le problème ». Cédric Perrin ajoute :
« Ce qu’il se passe au Proche-Orient nous rappelle que la guerre de haute intensité est faite de missiles et de drones »
Le sénateur centriste Olivier Cigolotti, membre de la commission de la défense, note pour sa part que « jusqu’à présent, quand on parlait d’Europe de la défense, jamais la défense antimissile n’était évoquée. Ce qu’il se passe au Proche-Orient nous rappelle que la guerre de haute intensité est faite de missiles et de drones. L’actualité nous rattrape sur la question du vecteur aérien ». « Le fait de construire au niveau européen cette défense antimissile peut être intéressant. Après, il faut passer de l’intention aux actes et voir qui peut adhérer. Est-ce avec l’ensemble du continent européen ? Si c’est dans le cadre du couple franco-allemand, dans ce cas, c’est assez limité. Si ça se fait à une échelle plus large, il faut envisager de défendre le flan oriental et d’autres flans qui peuvent être fragiles, peut-être côté sud aussi, quand on voit ce qu’il se passe en Mer Rouge avec les rebelles houthis aussi », remarque le sénateur Nouveau centre de la Haute-Loire.
Quant à l’idée d’un emprunt européen en matière de défense, celui qui est aussi questeur du Sénat pense que « ça peut aider à construire une Europe de la défense cohérente. On voit les difficultés qu’on a avec nos partenaires qui achètent du matériel américain, dans le cadre de la dissuasion ». Olivier Cigolotti attend cependant d’en voir plus. « Jusqu’à présent l’Europe de la défense n’a été que des mots et des intentions, on n’en a absolument pas vu la concrétisation. Si pour une fois, plusieurs États membres peuvent s’engager dans une démarche concrète, on ne peut que s’en féliciter », estime le sénateur du groupe Union centriste. Et de conclure : « Si déjà on arrive à concrétiser ce bouclier antimissile, la lutte cyber, on aurait déjà un premier pas d’une Europe de la défense, un joli socle ».