Arme nucléaire : « Poutine ne bluffe pas, il utilisera l’arme qui lui reste », avertit Vladimir Fédorovski

Arme nucléaire : « Poutine ne bluffe pas, il utilisera l’arme qui lui reste », avertit Vladimir Fédorovski

Invité de notre matinale, Vladimir Fédorovski est revenu sur les risques d’escalade dans le conflit ukrainien. L’ancien diplomate de la perestroïka ne minimise pas les probabilités d’utilisation russe de l’arme nucléaire tactique ou même d’intervention américaine.
Louis Mollier-Sabet

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« On vit avec Kherson et Bakhmout les mois décisifs pour l’avenir de l’Europe », n’hésite pas à diagnostiquer Vladimir Fédorovski, diplomate de la Russie de la perestroïka et de la fin de l’URSS. L’auteur de Poutine, Ukraine, Faces cachées [ed. Balland] fait de ces deux batailles le point de bascule de la guerre en Ukraine : « La percée à Kherson est symbolique, s’il y a un revers, cela peut changer la donne. Mais les symboles ça ne suffit pas. La vraie bataille c’est celle de Bakhmout [Artemivsk en ukrainien]. Les Ukrainiens ont construit une sorte de ligne Maginot et Bakhmout est le verrou de cette ligne. » Dans ces batailles, « il y a deux généraux à regarder », pour le diplomate : « Le général automne, parce que le temps est dégueulasse là-bas, ce qui ne joue pas en faveur des Ukrainiens puisque ce sont eux qui doivent reprendre du terrain. Le général hiver joue traditionnellement en faveur des Russes, mais les Ukrainiens sont pareils donc là c’est plus difficile. Mais les armes russes sont plus adaptées au froid parce qu’assez rustiques. »

« Je n’en dors pas la nuit »

De cette situation, Vladimir Fédorovski voit trois scénarios possibles : l’escalade, la « guerre pour l’éternité », dont l’Europe serait le « dindon de la farce » ou la négociation. « Plus que jamais inquiet », d’après lui, l’escalade serait tout à fait probable. « Quand Poutine parle d’arme nucléaire, ce n’est pas du tout du bluff. Biden compare ça avec la crise de Cuba. Avant de mourir, Gorbatchev a dit qu’on était à la veille de l’apocalypse. Je suis absolument certain que Poutine [s’il est poussé dans ses retranchements par les Ukrainiens] utilisera l’arme qui lui reste. » Le diplomate précise tout de même que l’arme nucléaire dite « tactique » est « presque une affaire technique », puisqu’elle est en théorie utilisée sur des cibles militaires, contrairement à l’arme nucléaire stratégique. À l’inverse, si les Russes prennent le dessus à Kherson et à Bakhmout, ils pourraient « pousser jusqu’à Odessa. » Dans ce cas, le diplomate rapporte que « les décideurs américains disent dans ce cas-là qu’ils trouveront un prétexte pour intervenir. »

>> Lire aussi : Mobilisation partielle, arme nucléaire… ce que les menaces de Poutine disent de « l’affaiblissement de la Russie »

« Je n’en dors pas la nuit », confie Vladimir Fédorovski. Reste la possibilité de l’ouverture de négociations. « Il faut jouer sur ça », espère le diplomate. « La majorité de l’opinion publique russe y est favorable, la Chine, l’Inde ou la Turquie appellent à un cessez-le-feu et Emmanuel Macron a dressé une sorte de feuille de route de négociations à Strasbourg. Il a employé les mots de ‘désescalade’, ‘pas d’exclusion’, ce sont des mots qui comptent. Je crois en la diplomatie française, je souhaite qu’elle joue un rôle primordial dans ce processus. » Mais, avant toute chose, le régime de Poutine pourrait-il se montrer favorable à la tenue de négociations ? « Le premier Poutine, celui formé par la pègre à Saint-Pétersbourg est jusqu’au boutiste, celui qui était officier du KGB est plus pragmatique. Il y a deux tendances dans son entourage : celle de Choïgou, le ministre de la Défense, avec l’ancien Premier ministre Kirienko, qui sont plus jusqu’au boutistes, puis il y a les services secrets et le chef de l’administration présidentielle qui sont plus nuancés. Cette discussion va se jouer entre ces gens. »

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