Borys Filatov, maire de la ville de Dnipro, était l’un des élus ukrainiens invités ce mardi à prendre la parole au Congrès des maires organisé par l’AMF. Mille jours après l’invasion russe de l’Ukraine, il témoigne sur Public Sénat d’un conflit toujours aussi difficile à supporter pour la population de son pays.
Après l’attaque du Hamas contre Israël, l’aide de l’Union européenne aux Palestiniens fait débat
Par François Vignal
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Conséquence de l’attaque du Hamas contre Israël, l’aide au développement apportée par l’Union européenne aux Palestiniens est aujourd’hui questionnée par certains, y compris au sein même des institutions européennes, au point d’assister à un imbroglio sur le sujet.
Lundi, c’est le commissaire européen en charge du voisinage et de l’élargissement, le Hongrois Oliver Varhelyi, qui annonçait tout simplement la suspension de tous les paiements prévus dans le cadre de cette aide au développement. « Tous les paiements immédiatement suspendus, tous les projets réexaminés, tous les budgets concernant des projets, y compris pour 2023, reportés jusqu’à nouvel ordre, réévaluation de tout le programme », a affirmé le commissaire hongrois dans un message sur X (ex-Twitter). La nouvelle fait vite le tour des chaînes infos qui l’annonce en bandeau.
« Nous ne sommes pas en faveur de la suspension de l’aide qui bénéficie directement aux populations palestiniennes », affirme Emmanuel Macron
Une nouvelle qui surprend, d’autant plus que l’Union européenne est la première source d’aide pour les Palestiniens, avec une enveloppe financière pluriannuelle de 1,117 milliard d’euros prévue pour la Palestine pour la période 2021-2024. Rapidement, Madrid revient sur cette déclaration qui semble visiblement hâtive. Le chef de la diplomatie espagnol, Jose Manuel Albares, appelle le commissaire pour protester, jugeant que la décision revient aux 27. Même son de cloche en Irlande. Critiques également du ministre des affaires étrangères luxembourgeois.
Face au début de tollé, la Commission européenne rectifie le tir dans la soirée. Elle ne parle plus de suspension, mais de révision des programmes existants, qui se fera en concertation des 27 membres de l’Union européenne.
Lors d’une conférence de presse aux côtés du chancelier allemand, lors d’un déplacement en Allemagne, ce mardi, Emmanuel Macron enfonce le clou. « Nous ne sommes pas en faveur de la suspension de l’aide qui bénéficie directement aux populations palestiniennes » soutient le chef de l’Etat français, qui se dit en revanche « tout à fait en faveur qu’il y ait une procédure de revue de toutes les aides européennes ». « Nous-mêmes, nous avons mis en place des procédures pour nous assurer que ces aides ne permettent pas de financer le Hamas », ajoute Emmanuel Macron, qui précise que « la France a porté une aide aux Palestiniens qui s’élevait en 2022 à 95 millions d’euros. Elle est concentrée sur le soutien à la population, le domaine de l’eau, de la santé, de la sécurité alimentaire et l’éducation ». Pour le Président, « nous ne devons pas confondre la lutte contre le terrorisme avec le droit humanitaire le plus élémentaire et le soutien aux populations civiles, le risque étant sinon qu’un soutien populaire aux actions terroristes et aux plus extrêmes ne s’installe dans la région ».
« La suspension des aides serait une bonne chose », selon Cédric Perrin (LR)
En France, le sujet fait débat. Y compris au sein même des LR. Selon Cédric Perrin, nouveau président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, ces aides européennes risquent bien d’être détournées, et « évidemment par le Hamas ». C’est pourquoi Cédric Perrin « pense que la suspension des aides serait une bonne chose. A un moment donné, il faut arrêter de financer des gens qui vont éditer des bouquins appelant à la mort d’Israël ». Le sénateur du Territoire de Belfort insiste : « On ne peut pas payer la corde avec laquelle on va être pendu. C’est une bonne chose de suspendre les aides. Il faut voir comment aider les populations civiles, mais différemment. Et ne pas aider les terroristes ».
Dans la même ligne, le président des LR, le député Eric Ciotti, a déposé à l’Assemblée une proposition de résolution visant la suspension de l’aide publique française au développement en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. « Nous ne pouvons plus aujourd’hui accorder du financement public à ceux qui soutiennent ou financent le terrorisme. Pouvons-nous imaginer la France financer Daesh ? Et bien aujourd’hui, nous disons qu’il faut couper toute aide au développement à ceux qui participent au financement du terrorisme », a lancé Eric Ciotti lors des questions d’actualité au gouvernement.
« Franchement, qui peut croire que toute l’aide apportée à Gaza n’est pas utilisée uniquement pour acheter des équipements militaires, pour construire des tunnels », demande Roger Karoutchi (LR)
« Je partage pleinement tous les propos tenus par ma famille politique, à la fois de plein soutien à Israël, que les demandes de suspension de l’aide au développement des Palestiniens tant qu’il n’y a pas d’étude complète prouvant que cette aide n’est pas détournée pour acheter des armes », a affirmé aussi le sénateur LR Roger Karoutchi, invité de la matinale de Public Sénat, ce mardi (voir la vidéo ci-dessous). Il ajoute : « L’Union européenne ferait bien de se secouer un peu. Car à force d’étudier, de faire des colloques et des conventions, l’Union a disparu de la scène internationale. A un moment, un peu de courage ne nuit pas. On a même le droit d’être intelligent en Europe. Donc oui, il faut suspendre ».
Selon l’ancien ministre des Relations avec le Parlement, il n’y a guère de doutes à avoir. « Franchement, qui peut croire que toute l’aide apportée à Gaza n’est pas utilisée uniquement pour acheter des équipements militaires, pour construire des tunnels, pour équiper des brigades d’intervention et d’assassins », soutient Roger Karoutchi.
« Arrêter les aides purement et simplement c’est contribuer à légitimer le Hamas dans sa démarche », selon Jean-François Rapin
Mais au sein des LR, le sénateur du Pas-de-Calais, Jean-François Rapin, assume un son de cloche différent. Pour le président de la commission des affaires européennes du Sénat, suspendre les aides seraient au contraire contre-productif.
« Je pense que suspendre l’aide purement et simplement serait une erreur. De plus, je pense que ce n’est pas à la Commission mais aux Etats membres et donc au Conseil de dire », avance Jean-François Rapin, qui ajoute qu’« arrêter les aides purement et simplement c’est contribuer à légitimer le Hamas dans sa démarche. Tous les Palestiniens sont-ils derrière le Hamas ? » fait mine de s’interroger le sénateur, pour qui « il faut garantir que les aides ne sont pas versées à des fins belliqueuses et seulement pour garantir une aide au développement ».
« La suspension de cette aide internationale aux populations palestiniennes est un contresens, c’est une très mauvaise connaissance du sujet », selon Nathalie Goulet (UDI)
Sur cette position, Jean-François Rapin trouvera renfort, au sein de la majorité sénatoriale, avec la sénatrice UDI de l’Orne, Nathalie Goulet. « Il faut probablement mieux contrôler, mais il ne faut pas suspendre l’aide aux populations qui en ont besoin. C’est parce que tout le système est corrompu et vérolé, que le Hamas s’est fait une place à Gaza », souligne la centriste, qui ajoute que « la population de gaza est plus victime du Hamas que d’autre chose. C’est l’incurie de l’autorité palestinienne, son manque de démocratique, qui ont fait le lit du Hamas ».
« La suspension de cette aide internationale aux populations palestiniennes est un contresens, c’est une très mauvaise connaissance du sujet. C’est une réaction épidermique émotionnelle qui ne peut faire que renforcer le Hamas », insiste la sénatrice UDI
Pour Nathalie Goulet, il faudrait plutôt se pencher sur d’autres pays. « En 2022, le Qatar a alloué 360 millions de dollars à Gaza. Il paraît que ça devait être un système contrôlé par l’ONU. Mais on n’en sait strictement rien. C’est évident que le Qatar finance le Hamas », soutient la sénatrice de l’Orne, qui pointe « un flou dans l’utilisation de cette aide ». Elle évoque aussi « un sujet sur le financement des associations, et le contrôle de ces financements ».
« Les habitants de Gaza ne peuvent avoir la double peine » soutient le sénateur PS Rachid Temal
A gauche, le sénateur PS Rachid Temal défend également les aides. « Les habitants de Gaza ne peuvent avoir la double peine. Déjà, ils vivent sous dictature du Hamas. Nous sommes pour le maintien des aides de l’Union européenne, dès lors que les aides n’ont pas vocation à autre chose qu’aider les populations civiles, les hôpitaux, assurer l’électricité ou la sécurité alimentaire. Sinon, vous ajoutez du désespoir au désespoir », avance le sénateur du Val-d’Oise, membre de la commission des affaires étrangères. Rachid Temal ajoute au passage que « l’Europe est le premier bailleur pour l’aide. Mais ça ne peut pas être qu’un bailleur. Il est regrettable que l’Union européenne n’arrive pas à peser politiquement et à être un acteur majeur ».
Même sentiment pour sa collègue socialiste, la sénatrice Hélène Conway-Mouret. « Autant, ceux qui ont perpétré ces atrocités doivent être arrêtés, jugés. Autant je ne vois pas comment on peut s’acharner sur une population qui elle, n’est pas responsable. Les enfants de la bande de Gaza souffrent déjà des pénuries de toutes sortes qui leur sont imposées. Il y a une pauvreté rampante », rappelle la sénatrice représentant les Français établis hors de France, qui ne pense pas que « punir ces populations par des sanctions, alors qu’il y a déjà un blocus et un bombardement, va faire avancer quelque chose ».