Ukraine Russia War

Aide américaine à l’Ukraine : « Kiev a besoin de renforcer sa défense anti-aérienne et de recevoir beaucoup plus de munitions »

Réunie en session extraordinaire, la Chambre américaine des représentants a approuvé samedi, après de longues et laborieuses tractations, une aide à l’Ukraine, qui devrait être validée par le Sénat américain ce mardi. Principal soutien militaire de l'Ukraine, les Etats-Unis n'avaient pas adopté de grande enveloppe pour Kiev depuis près d'un an et demi. De quoi renverser la vapeur sur le terrain ? Pour le général Dominique Trinquant, ancien chef de la mission militaire française auprès de l'ONU, cette aide va servir à torpiller les objectifs militaires russes.
Steve Jourdin

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Après des mois de blocage, la Chambre des représentants a approuvé samedi un budget de 95 milliards de dollars à l’Ukraine, à Israël et à Taïwan. Pour Kiev, cette aide représente 61 milliards de dollars (87 milliards d’euros). Sera-t-elle décisive sur le terrain ?

Il s’agit d’une aide très importante. Elle était attendue par l’Ukraine et ses alliés afin de pouvoir tenir face à la Russie de Vladimir Poutine, alors que la situation est très grave sur le terrain. Cela ne va pas permettre de renverser la vapeur en faveur des Ukrainiens. Mais va cela peut potentiellement empêcher la Russie d’atteindre deux de ses objectifs militaires.

Moscou risque ainsi d’avoir du mal à gagner davantage de terrain dans les régions de Donetsk et de Lougansk. De plus, la Russie mène actuellement des frappes dans la profondeur sur la population ukrainienne et sur des centres énergétiques, afin de rendre la vie impossible aux Ukrainiens. L’aide américaine devrait concourir à arrêter ce harcèlement, ou en tout cas le freiner de manière substantielle.

 

La liste des équipements qui seront envoyés par les Etats-Unis n’a pas encore été dévoilée. De quoi a besoin l’Ukraine aujourd’hui ?

Kiev a besoin de renforcer sa défense anti-aérienne et de recevoir beaucoup plus de munitions et d’obus pour le front. Certaines fuites dans la presse évoquent aussi la mise à disposition par les Américains de missiles à longue portée ATACMS, qui permettraient de taper la Russie dans la profondeur, par exemple dans les zones occupées, en Crimée et dans le Donbass.

 

La défense anti-aérienne est-elle le talon d’Achille de l’Ukraine ?

Le pays dispose actuellement de trois systèmes Patriot, un dispositif de défense antimissiles. Or, l’Ukraine devrait en avoir au moins une vingtaine pour assurer correctement sa défense. Le Patriot n’est pas l’alpha et l’oméga de la défense aérienne, mais les autres systèmes antimissiles sont insuffisants. On parle beaucoup dans la presse du Dôme de fer israélien, mais celui-ci s’applique sur un pays avec une petite superficie et contre des roquettes. Cela n’est pas duplicable à l’Ukraine. Actuellement, certaines zones du territoire sont particulièrement attaquées par la Russie, comme la région de Kharkiv. Moscou a aussi récemment intensifié le recours aux bombes planantes, des engins très destructeurs munis d’ailettes qui ne tombent pas à la verticale mais à l’horizontale.

 

Sur le terrain, quels sont aujourd’hui les buts de guerre de Moscou ?

 

L’armée russe progresse très lentement, au prix de grosses pertes humaines. Mais l’important pour Vladimir Poutine est de remporter des victoires, mêmes symboliques. On approche en effet du 9 mai, date anniversaire de la « grande guerre patriotique », qu’il va à nouveau tenter de mettre en scène. Il faut pour lui afficher des victoires symboliques.

A terme, l’idée pour le Kremlin est d’occuper complètement le Donbass, afin de dire que ces territoires annexés sont définitivement conquis et qu’ils servent de « remparts » à la Fédération de Russie. Une invasion générale de l’Ukraine n’est aujourd’hui plus à l’ordre du jour, car Moscou n’en a pas la capacité, ni en termes de conquête militaire ni en termes d’occupation sur le terrain. Par ailleurs, les Occidentaux ne laisseront pas la Russie s’emparer de Kiev.

 

Ce mardi, les ministres des affaires étrangères des 27 se réunissent à Luxembourg pour discuter des suites à donner à l’aide européenne à l’Ukraine. Faut-il encore appuyer sur l’accélérateur ?

L’aide militaire européenne à Kiev est nécessaire et doit se concrétiser dans la durée. 50 milliards ont déjà été versés jusqu’en 2027. L’UE vient par ailleurs de décider que la défense de l’Ukraine est prioritaire par rapport aux critères de montée en puissance de l’Otan, par exemple en matière de défense anti-aérienne. C’est une inversion historique des priorités ! Cela signifie que dorénavant la défense de l’Ukraine est une top priorité et fait partie des intérêts vitaux de l’UE.

Face à la puissance militaire russe, faut-il redouter à terme un effondrement du front ukrainien ?

Le front ukrainien va tenir, car il s’installe désormais réellement en défense. On assiste à des travaux de tranchées, et à la mise en place de champs de mines. Kiev s’installe réellement en défense et les aides américaine et européenne vont permettre de soulager les combattants. D’autant plus que Volodymyr Zelensky vient d’élargir la mobilisation, en abaissant la circonscription à 25 ans. Mais c’est une guerre qui peut durer encore longtemps. Toute la question est de savoir comment la Russie va résister sur le moyen long terme aux efforts des Occidentaux.

Dans la même thématique

Aide américaine à l’Ukraine : « Kiev a besoin de renforcer sa défense anti-aérienne et de recevoir beaucoup plus de munitions »
3min

International

« Il faut continuer à dire que cette guerre est horrible » : le témoignage fort d'un maire ukrainien invité au Congrès de l'AMF

Borys Filatov, maire de la ville de Dnipro, était l’un des élus ukrainiens invités ce mardi à prendre la parole au Congrès des maires organisé par l’AMF. Mille jours après l’invasion russe de l’Ukraine, il témoigne sur Public Sénat d’un conflit toujours aussi difficile à supporter pour la population de son pays.

Le

Russian President Putin Meets with Zaporozhye Region Governor Balitsky, Moscow, Moscow Oblast, Russia – 18 Nov 2024
5min

International

Guerre en Ukraine : « Si Poutine s’en remet à l’arme nucléaire, c’est le signe qu’il n’a pas les moyens de résister autrement »

Ce mardi, au millième jour de l'invasion russe, l'Ukraine a juré de ne « jamais » se soumettre à la Russie. Quelques heures plus tôt, Vladimir Poutine a de nouveau agité le spectre du recours à l'arme nucléaire et promis de remporter cette guerre. Pour Public Sénat, le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française auprès de l'ONU, fait un point sur un conflit dont le bilan humain aurait déjà dépassé le million de morts et blessés.

Le

France Farmer Protest MERCOSUR
6min

International

Minorité de blocage, clauses miroirs : quelles sont les marges de négociation de la France sur l’accord UE-Mercosur, qui suscite la colère des agriculteurs ?

Les syndicats agricoles ont donné le coup d’envoi d’un nouveau cycle de mobilisations, avec pour principal mot d’ordre le rejet de l’accord de libre-échange conclu entre l’Union européenne et les pays du Mercosur. Si la France continue de faire pression contre une ratification, sa position semble assez isolée sur la scène européenne.

Le

La sélection de la rédaction

Europe Russia Ukraine War
5min

International

Guerre en Ukraine : « Les sanctions n’ont donc qu’un effet très limité sur l’économie russe »

Deux ans après le début de la guerre en Ukraine, l’Union européenne veut intensifier la pression sur le régime de Vladimir Poutine en adoptant un nouveau train de sanctions. Une centaine de personnes et 87 entreprises sont dans le viseur de Bruxelles. Pour le général Dominique Trinquant, ancien chef de la mission militaire française auprès de l’ONU, ces sanctions sont nécessaires, mais pas suffisantes.

Le

Russia Putin Education
8min

International

Ukraine : « Pour Poutine, la guerre longue est devenue l’argument de son maintien au pouvoir et de la répression »

INTERVIEW – Deux ans après le début du conflit en Ukraine, Vladimir Poutine, que l’on disait malade, fragilisé et diplomatiquement isolé, est en passe de remporter sa cinquième élection présidentielle. Comment expliquer la longévité du dirigeant russe malgré les revers militaires en Ukraine ? Françoise Daucé, directrice d’études à l’EHESS et directrice du Centre d'études des mondes russe, caucasien et centre européen (CERCEC) répond aux questions de Public Sénat.

Le