En visite d’Etat au Maroc, Emmanuel Macron a été invité à s’exprimer devant les parlementaires marocains. L’occasion pour le chef de l’Etat de célébrer les liens d’amitiés entre les deux pays et de proposer le développement de nouveaux partenariats. Mais aussi d’appeler à une « coopération naturelle et fluide » contre l’immigration illégale en provenance d’Afrique.
Guerre en Ukraine : « L’aviation peut renverser le rapport de force »
Par Henri Clavier
Publié le
Jérôme Clech, enseignant en prospective et stratégie militaire à Sciences Po Paris et auteur de « La prospective stratégique. Une nouvelle approche pour améliorer la prise de décision », explique l’importance de la dimension aérospatiale dans la suite et la résolution du conflit. Entretien.
Le président de la République a annoncé hier avoir ouvert la porte à des formations de pilotes ukrainiens, est-ce que ces formations peuvent produire des effets rapidement ?
Tout dépend si l’on forme du personnel aspirant ou si l’on forme un personnel qui connaît déjà le domaine. Si on parle de l’intégralité de la formation, oui cela nécessite plusieurs années, mais si l’on prend un personnel déjà familier cela peut aller beaucoup plus vite, en quelques mois. Il faut bien comprendre que l’on ne parle pas seulement de compétences mécaniques mais surtout de capacité à la pratique d’opérations aériennes, ce qui est différent.
Est-ce que la formation de pilotes répond aux besoins de l’armée ukrainienne ?
La dimension aérospatiale est essentielle. Dans un conflit comme celui-ci, il est difficile de créer une différence dans le rapport de force seulement sur le plan terrestre. Donc oui, permettre aux forces ukrainiennes d’accélérer leur formation répond à un besoin de l’Ukraine. Si la confrontation reste terrestre, il semble difficile de créer, d’un côté comme de l’autre, un renversement du rapport de force suffisant pour pousser l’un des belligérants à la table des négociations.
Comment l’aviation, d’un point de vue stratégique, peut permettre d’obtenir cet avantage ?
La plupart des observateurs s’accordent pour faire le constat, notamment en observant les dernières opérations de l’OTAN, que sans dominance aérienne il n’y a pas d’avancées terrestres. L’aviation peut renverser le rapport de force. Le rôle de l’aérospatiale est crucial dans la mesure où cela permet de faire du ciblage, en se posant la question de l’endroit qu’il faut frapper. Une frappe stratégique peut conférer un avantage bien plus important que plusieurs tirs moins ciblés. L’idée est que l’aviation est capable de frapper en profondeur, donc aux plus près des intérêts du belligérant, sur son territoire. On ne parle pas, actuellement, de cibler le territoire de la Russie donc il faut avant tout définir les objectifs. Si l’effet recherché est de renverser le rapport de force par l’offensive, alors il faut frapper les objectifs stratégiques avec des bombardiers. L’aérospatiale a aussi, évidemment une vocation défensive, en la matière, les dispositifs de défense antiaérienne ont eu, en Ukraine, un effet substantiel.
Dans ce cas, peut-être que l’aide militaire est trop graduelle et qu’il aurait fallu une aide plus intense dès le début du conflit ?
De manière générale, il faut d’abord être en mesure d’assurer sa propre sécurité. En ce qui concerne l’artillerie, l’effort français est important et atteint ses limites. Par ailleurs, la France a eu un rôle moteur au niveau politique dans le développement de certains outils communautaires comme la Facilité européenne pour la paix, dont le budget a été porté à 7,98 milliards d’euros et qui permet d’envoyer des armements létaux.
Ces annonces visent-elles, donc, à faciliter la contre-offensive de l’Ukraine et inverser le rapport de force ?
La paix et les négociations pour y arriver dépendent nécessairement des arguments que vous pouvez apporter. On peut penser que préparer la contre-offensive revient à créer des « conditions » de paix. Cela signifie que, si la situation n’évolue pas sur le terrain, il est peu probable qu’elle évolue sur le plan diplomatique. L’enjeu pour l’Ukraine est de réussir à rogner les conquêtes territoriales. Mais il n’y a pas de logique absolue, on peut aussi considérer que l’idée et la menace d’une contre-offensive peut se révéler plus efficace que la contre-offensive en elle-même. On est dans une guerre cognitive, informationnelle. Il y a plusieurs visions qui s’opposent. D’une part, il y a une vision maximaliste qui considère que l’Ukraine doit revenir à ses frontières de 1991, donc avec la Crimée. Pour espérer arriver à cette configuration, cela nécessite une grosse articulation de la contre-offensive. Cela correspond au modèle de l’Otan avec un commandement capable de synchroniser les efforts.
En quoi consiste l’autre approche ?
Une autre vision plus minimaliste peut considérer que la paix est importante à obtenir mais surtout à préserver. Par conséquent, cette approche implique de reconstruire un équilibre et une architecture de sécurité européenne. Est-ce que cette future architecture doit se faire au sein de l’OTAN, de l’Union européenne, ou autre c’est cela qu’il faut trancher. La France continue de se concevoir comme une puissance d’équilibre, ce qui est une position historique, et cherche à défendre son concept d’autonomie stratégique européenne.