Un apport jugé « très mitigé » : un rapport du Sénat plaide pour une refonte du Haut-commissariat au Plan

Un apport jugé « très mitigé » : un rapport du Sénat plaide pour une refonte du Haut-commissariat au Plan

Dans un rapport de contrôle budgétaire, le sénateur Christopher Szczurek (RN) appelle à clarifier la répartition des compétences entre les différents organes chargés de la prospective et de la planification en France. Il juge l’organisation et la « dimension personnelle » du Haut-commissariat au Plan, incarné par François Bayrou, « peu compatibles » avec les missions de cette instance.
Guillaume Jacquot

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Quatre ans après sa création, par décret, le Haut-commissariat au Plan (HCP) continue d’interroger au Sénat. Le groupe écologiste avait déjà mis les pieds dans le plat printemps, en convoquant un débat dans l’hémicycle, face au gouvernement, sur le bilan de cette institution incarnée par François Bayrou. Plusieurs sénateurs de diverses tendances s’étaient montrés pour le moins circonspects, mettant en doute l’utilité ou l’influence du HCP. Le président du groupe écologiste, Guillaume Gontard, avait même parlé à l’époque de « coquille vide ».

Le sujet a refait surface au cours d’une réunion de la commission des finances ce 18 septembre. Rapporteur spécial des crédits de la mission « direction de l’action du gouvernement », le sénateur Christopher Szczurek (Rassemblement national) a présenté les conclusions de son rapport de contrôle sur le Haut-commissariat au Plan, pour lequel il épingle une « navigation sans boussole ». Dans son analyse, l’ancien premier adjoint au maire d’Hénin-Beaumont liste un certain nombre de fragilités et appelle à y remédier. « C’est davantage une problématique des missions du Haut-commissariat au plan qu’une remise en cause de son existence », résume-t-il auprès de Public Sénat.

Voulu par Emmanuel Macron après la première vague du covid-19 en 2020, qui avait révélé une série de vulnérabilités de notre pays, le Haut-commissariat au Plan doit « animer et coordonner les travaux de planification et de réflexion prospective conduits pour le compte de l’État » et « éclairer les choix des pouvoirs publics », au regard des grands jeux de notre époque.

Une « rationalisation » pour éviter les doublons, et recentrer le Haut-commissariat au Plan sur les travaux de prospective

Le Haut-commissariat au Plan n’est en réalité pas la seule structure sur ce créneau. D’autres services dépendant de Matignon entrent en concurrence avec ses missions. C’est le cas de France Stratégie (Commissariat général à la stratégie et à la prospective), né en 1997, ou encore du Secrétariat général pour l’investissement (SGPI), qui remonte à 2010. Postérieur à sa création, le Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) revient, non plus à concurrencer, mais à « contourner » le Haut-commissariat sur les sujets environnementaux, constate le rapport sénatorial.

Christopher Szczurek estime que cette « multiplicité » d’organes en la matière « limite » l’action du Haut-commissariat au Plan. Et contrairement à son ancêtre du Commissariat au Plan (1946-2006), le service dirigé par François Bayrou ne fait pas de pilotage opérationnel dans les faits, et il ne dispose d’aucun moyen financier pour mettre en œuvre une éventuelle stratégie. À titre d’exemple, le rapport sénatorial rappelle que le HCP n’a été associé « ni à l’élaboration, ni à l’évaluation » du plan d’investissement d’avenir France 2030 de 54 milliards d’euros, mis sur les rails en 2021.

Le rapporteur appelle donc à une répartition claire des rôles entre ces organismes interministériels, pour éviter « les risques de redondance et d’éclatement des moyens et des compétences » : réserver au Haut-Commissariat au Plan les réflexions prospectives (qui constituent l’essentiel de ses tâches dans les faits), gérer la planification des ressources à travers le SGPE, et laisser l’évaluation à France Stratégie.

Des notes « qui peuvent apparaître beaucoup moins précises et approfondies »

Pour le sénateur RN, cette « rationalisation » se justifie d’autant plus que la contribution du Haut-commissariat au Plan aux politiques publiques est, selon lui, « très mitigée ». « À ce jour, la contribution du Haut-commissariat au plan à la définition des politiques publiques n’a pas pleinement répondu aux attentes qui avaient été placées dans cet organe à sa création », écrit le sénateur du Pas-de-Calais. En quatre ans, le HCP a produit 18 « notes stratégiques », mais le rapporteur considère que les « choix des sujets » peuvent « étonner ». Il observe notamment des « lacunes importantes » avec l’absence de publications sur les enjeux numériques et un « intérêt limité » pour les sujets spécifiques à la jeunesse.

Christopher Szczurek évoque également un « défaut dans la démarche de planification », avec des « recommandations peu opérationnelles », cette critique vaut surtout pour les premières notes publiées par le HCP. Mais « dans leur immense majorité », les notes produites par le Haut-Commissariat au Plan « ne se distinguent pas des travaux d’autres organes administratifs chargés de missions d’expertise et de conseil auprès des décideurs publics », ajoute-t-il, citant les corps d’inspection, France Stratégie ou encore les organes parlementaires. « Pour une partie, ces notes peuvent même apparaître beaucoup moins précises et approfondies. »

L’étude sénatoriale regrette par ailleurs que l’horizon temporel des travaux du HCP se restreigne au moyen-terme. Christopher Szczurek recommande de déployer les réflexions sur une échelle de temps plus allongée, mais aussi d’explorer des « scénarios radicaux ». Il prend l’exemple du projet « Red Team » au sein de l’Agence de l’innovation de défense (AID), qui même des auteurs de fiction, des universitaires et des militaires. Le sénateur réclame aussi des garanties en termes d’expertise : il demande que la programmation des travaux du HCP soit soumise à un avis consultatif préalable d’un collège d’experts de diverses disciplines réuni chaque année.

« Les responsabilités politiques du Haut-commissaire interrogent fortement »

D’un point de vue budgétaire, le rapporteur estime que la gestion financière du HCP « ne présente pas de difficulté particulière ». Depuis 2023, son budget annuel est d’environ 1,9 million d’euros, pour assurer les dépenses de fonctionnement et surtout 14 équivalents temps plein. Des ressources qualifiées de « modestes », par rapport aux autres organes cités plus haut. Christopher Szczurek rappelle toutefois que les emplois que le HCP affectait au secrétariat général du CNR (Conseil national de la refondation) ont été transférés à la Direction interministérielle de la transformation publique. Il faudra donc, selon lui, abaisser le plafond d’emplois et la dotation de fonctionnement.

Le rapporteur spécial du Sénat rappelle que François Bayrou a fait le choix d’exercer ses fonctions de Haut-commissaire à titre bénévole. Il estime néanmoins que la « forte personnalisation » de la fonction de Haut-commissaire est « peu compatible avec ses missions de prospective et de planification. » Le rapport indique que les « responsabilités politiques importantes que le Haut-commissaire continue d’assumer, en parallèle de son mandat, interrogent fortement ». Même questionnement sur l’installation d’une antenne locale du HCP à Pau, même si « celle-ci ne présente pas de difficulté de principe ou d’enjeu budgétaire particulier », peut-on lire. « Il n’y a pas de remise en cause de la personne de François Bayrou, je dirais quand même qu’il faut qu’il y ait un devoir de réserve en période électorale, sinon cela donne une confusion politique », recommande le parlementaire.

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