L’examen du budget 2025 a été suspendu sitôt le gouvernement de Michel Barnier censuré mercredi soir. À ce stade, trois pistes législatives se dégagent pour assurer la continuité de la vie de la nation, sans que les juristes ne semblent s’accorder sur les modalités d’application de certains mécanismes d’urgence, quasiment inédits.
Réélection de Yaël Braun-Pivet : le Conseil constitutionnel se déclare incompétent pour contrôler la participation des « ministres députés »
Par Henri Clavier
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Sans surprise, le Conseil constitutionnel a rejeté la requête formée par les députés de la France insoumise qui avaient saisi le Conseil constitutionnel pour lui demander de statuer sur la régularité de l’élection de Yaël Braun-Pivet à la présidence de l’Assemblée nationale. Pour Mathilde Panot, à l’origine de la requête, il s’agissait de contester la possibilité pour les ministres démissionnaires élus députés de voter lors de l’élection du président de l’Assemblée nationale. Dans un communiqué, la présidente de l’Assemblée nationale se félicite d’une « décision qui témoigne du bon fonctionnement de notre État de droit » estimant qu’elle « s’est faite selon des règles constamment appliquées depuis 1958 et regrette les polémiques qui n’ont d’autre but que de jeter le discrédit sur nos règles démocratiques et nos institutions ».
Si l’article 23 de la Constitution est clair en ce qui concerne l’incompatibilité entre les fonctions législatives et exécutives, la capacité des ministres démissionnaires à participer aux votes en tant que député n’est pas réellement tranchée.
Rejet pour incompétence
Dans la continuité d’une décision rendue en 1986, le Conseil constitutionnel a estimé qu’il n’était pas compétent pour contrôler les élections internes aux assemblées parlementaires. « On a un problème de compétence, concrètement, aucune juridiction n’est en mesure de contrôler l’élection du président ou de la présidente de l’Assemblée nationale, il n’y a pas de juge pour cela. Il n’est pas compétent pour statuer sur les élections internes du Parlement », affirme Bruno Daugeron, professeur de droit constitutionnel à l’université Paris-Cité. En effet, comme le souligne le Conseil constitutionnel dans sa décision, ce dernier ne peut se prononcer que dans les cas prévus par la Constitution ou par la loi organique de 1958 qui détaille les missions des juges constitutionnels. Or ces textes prévoient explicitement la compétence du conseil constitutionnel. Les « Sages » sont compétents pour contrôler la conformité de la loi à la Constitution ou, en tant que juge du contentieux électoral, se prononcer sur l’élection des députés.
Le Conseil constitutionnel ne se prononce pas sur le fond
Par conséquent, le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé sur le fond et n’a donc pas tranché la question de l’interprétation de l’article 23 de la Constitution sur le statut des ministres démissionnaires. Les ministres démissionnaires se sont appuyés sur les dispositions de l’article LO 153 du code électoral pour justifier leur participation au vote et la dérogation à l’article 23 de la Constitution. « Le droit s’interprète, donc tout dépend de la lecture que l’on fait de l’article LO 153 du code électoral. Dans ce cas, la difficulté réside bien dans l’absence de juge en mesure d’interpréter la règle », souligne Bruno Daugeron. Pour rappel, la participation des 17 « ministres députés » a permis à Yaël Braun-Pivet d’être réélue au perchoir avec 13 voix d’avance sur André Chassaigne.
« Le raisonnement repose sur le principe d’autonomie des assemblées, il n’est pas compétent pour les élections internes aux assemblées parlementaires. On considère qu’il est plus important de laisser l’Assemblée maîtresse de ses décisions, de son organisation quitte à accepter quelques entorses », explique Bruno Daugeron détaillant le raisonnement du Conseil constitutionnel peu enclin à s’immiscer dans la gestion des assemblées. De manière plus générale, ce principe d’autonomie des assemblées s’apparente à une zone grise puisqu’aucune juridiction n’est en mesure de contrôler les assemblées que cela soit dans l’élection de son président ou de son bureau. « Il y a un angle mort sur le contrôle de l’Assemblée nationale, qui vaut également pour les sanctions », pointe Bruno Daugeron.
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