L’examen du budget 2025 a été suspendu sitôt le gouvernement de Michel Barnier censuré mercredi soir. À ce stade, trois pistes législatives se dégagent pour assurer la continuité de la vie de la nation, sans que les juristes ne semblent s’accorder sur les modalités d’application de certains mécanismes d’urgence, quasiment inédits.
Nouvelle-Calédonie : un projet de loi constitutionnelle pour élargir le corps électoral prévu au Sénat en mars
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Le 29 janvier, l’exécutif présentait en Conseil des ministres deux projets de loi concernant les élections provinciales, prévues en Nouvelle-Calédonie au mois de mai prochain. Ces deux textes, l’un de nature constitutionnelle et l’autre organique, devraient être étudiés au Sénat à la fin du mois de mars.
Une échéance électorale importante sur l’archipel, rappelle Gérald Darmanin, auditionné par la commission des lois du Sénat ce 13 février : « C’est non seulement un pouvoir local très autonome, mais par ailleurs la répartition des sièges dans les provinces conditionne la répartition des sièges au Congrès [le Parlement local], qui détermine ensuite le président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie. »
25 000 électeurs supplémentaires
Depuis l’accord de Nouméa, signé en 1998, seules les personnes inscrites sur les listes électorales avant 1998 ont le droit de vote. Une demande des indépendantistes, permettant une représentation accrue des populations kanakes. « Aujourd’hui, il y a des Calédoniens qui naissent en Nouvelle-Calédonie de parents Calédoniens et qui ne peuvent pas voter. Et si vous venez vivre, travailler, payer des impôts en Nouvelle-Calédonie pendant 15 ou 20 ans, vous ne pouvez pas voter pour votre représentant de province, ce qui est contraire au droit démocratique le plus lambda », explique Gérald Darmanin.
Pour instaurer « un minimum de vie démocratique », le gouvernement projette ainsi de dégeler le corps électoral, en l’ouvrant aux Calédoniens natifs à partir de 18 ans, ainsi qu’aux personnes présentes sur le sol de l’archipel depuis au moins 10 ans. Un dégel qui ajouterait 25 000 personnes, selon les estimations du gouvernement, au corps électoral. « Un compromis acceptable » entre indépendantistes et non-indépendantistes, juge Gérald Darmanin.
À la demande du Conseil d’Etat, cette modification des règles électorales implique que le gouvernement dépose au Parlement un projet de loi constitutionnelle. Une procédure plus longue, qui demande donc au gouvernement d’élaborer un second projet de loi, pour demander le report des élections provinciales de mai prochain. Elles pourraient ainsi avoir lieu, après élargissement du corps électoral, au mois de décembre 2024.
Les sénateurs appellent à la prudence
Une proposition face à laquelle les sénateurs restent prudents, tant la question des institutions calédoniennes est sensible. Comme le prévoyait les accords de Nouméa, une série de référendums sur l’indépendance du territoire ont été conduits en 2018, 2020 et 2021. Tous ont conduit au rejet de l’indépendance. Une situation qui ne règle pas la question de l’avenir institutionnel calédonien. « L’organisation de la Nouvelle-Calédonie, qui respecte une histoire ancienne, rend complexe la mise en place de politiques publiques, alors que le territoire est confronté à d’énormes sujets de réchauffement climatique, d’économie, ou encore d’égalité des chances », constate Gérald Darmanin.
Problème : les discussions entre indépendantistes et non-indépendantistes sur ces questions peinent à aboutir. Gérald Darmanin mise ainsi sur son projet de loi constitutionnelle sur le corps électoral pour pousser les acteurs de l’archipel à ouvrir des discussions plus larges. « C’est parce que nous mettons un peu de pression dans la machine institutionnelle que les gens se réunissent », défend le ministre de l’Intérieur.
Au contraire, les sénateurs de la commission des lois mettent en garde le gouvernement. « Qu’est-ce qui vous presse à ce point ? Ne craignez-vous pas, en ayant si rapidement rendu public un projet de loi constitutionnelle sur la question du corps électoral, qu’on entre dans un processus séparant l’organisation des élections de la recherche d’une solution plus globale ? », alerte le sénateur Les Républicains Philippe Bas. « Si un projet de loi constitutionnelle était adopté, qui paraît passé au forceps, est-ce que ces élections ne pourraient pas être considérées illégitimes par une partie de la population ? », s’interroge de son côté la socialiste Corinne Narassiguin. Dans un rapport publié en juillet 2022, les sénateurs avaient émis plusieurs recommandations pour permettre un retour du dialogue sur l’avenir des institutions calédoniennes.
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