En marge de l’ouverture du Congrès des maires de France, le gouvernement s’est engagé à porter devant l’Assemblée nationale en janvier une proposition de loi déjà adoptée par le Sénat, et qui vise à améliorer les conditions d’exercice du mandat d’élu local.
Nouvelle-Calédonie : les sénateurs déplorent le recours à un cabinet de conseil pour faire l’« audit de la décolonisation »
Par Simon Barbarit
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Un après un premier rapport d’étape, la mission de suivi de la commission des lois sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle Calédonie a présenté un nouveau rapport, mercredi. Il fait suite au projet « d’un référendum de projet » initialement prévu pour juin 2023 avant d’être abandonné en septembre 2022 par le gouvernement.
Pour mémoire, l’accord de Nouméa de 1988 avaient prévu trois consultations pour déterminer l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Dernière étape, en décembre 2021, l’ultime référendum avait été marqué par une faible participation (43,87 %) et a confirmé le non à l’indépendance (96,50 %).
Depuis, la mission de suivi du Sénat réfléchit au futur statut de l’archipel. L’été dernier, François-Noël Buffet (LR), président de la commission des lois et rapporteur de la mission, avec Philippe Bas (LR) et Jean-Pierre Sueur (PS) avaient mené une série d’auditions en Nouvelle Calédonie et en avaient tiré la conclusion de retisser un lien de confiance entre l’Etat et les différents acteurs, qu’ils soient indépendantistes ou loyalistes.
En octobre 2022, la Première ministre, Élisabeth Borne avait invité à Matignon l’ensemble des protagonistes dans le but de plancher sur l’avenir des institutions, les questions économiques et sociales, mais aussi des thèmes prépondérants localement comme le nickel, le foncier, la transition énergétique ou « les valeurs, l’identité commune et la réconciliation ». Mais cette réunion s’était soldée par un demi-échec, car marquée par l’absence des indépendantistes.
« Il s’agit là d’une mission régalienne et les rapporteurs ont été très surpris qu’elle soit confiée à un cabinet de conseil »
Les discussions avaient également porté sur un « audit de la décolonisation ». L’accord de Nouméa a instauré un processus de décolonisation progressif dans cet archipel français du Pacifique sud, inscrit depuis 1986 sur la liste des territoires non-autonomes à décoloniser de l’ONU. Les Nations Unies ont fixé sept critères à ce processus de décolonisation : le libre choix du statut politique/institutionnel, le libre choix du développement économique, social et culturel, la souveraineté des peuples sur leurs ressources naturelles, le non-recours à la force, la coopération internationale, les flux migratoires et les plans d’action visant à l’élimination du colonialisme.
Cet audit était demandé par les indépendantistes UC-FLNKS en 2017, avant le premier référendum d’autodétermination.
Dans leur rapport, les sénateurs déplorent que cet audit de la décolonisation ait été réalisé « dans des conditions contestables », « en faisant appel à des cabinets de conseil plutôt qu’aux services compétents de l’État et de la Nouvelle-Calédonie ». C’est pourquoi, les élus « appellent à la plus grande vigilance pour l’avenir quant à la méthode de mise en œuvre par le gouvernement dans la conduite de ce dossier. La production de rapports d’audit censés éclairer l’ensemble des acteurs du dossier doit être irréprochable sur le plan méthodologique. L’État doit être garant de leur impartialité et de leur sérieux ».
« Il s’agit là d’une mission régalienne et les rapporteurs ont été très surpris qu’elle soit confiée à un cabinet de conseil », souffle-t-on du côté de la commission des lois.
Des phrases qui résonnent involontairement avec l’actualité, quelques jours après le rapport de la Cour des comptes qui épingle « l’usage inapproprié » du recours aux cabinets de conseil par le gouvernement. Un rapport qui rejoint d’ailleurs les conclusions de la commission d’enquête du Sénat sur les cabinets de conseil.
C’est le cabinet Roland Berger qui a été en charge de cet audit sur la décolonisation, disponible sur le site du Haut-commissariat de la Nouvelle-Calédonie. Pour mémoire, la commission d’enquête sur les cabinets de conseil avait révélé que ce cabinet avait facturé 425 000 euros au ministère de la santé, pour plancher sur la petite enfance, alors qu’une commission d’expert présidée par Boris Cyrulnik travaillait sur le même sujet au même moment. Le bilan des accords de Nouméa a, lui, été réalisé par les cabinets de conseil CMI et DME.
Listes électorales qui soulèvent « sérieuses difficultés sur le plan constitutionnel »
En ce qui concerne la nécessité pour l’Etat d’être impartial dans la poursuite des négociations, la mission de suivi adresse un satisfecit au gouvernement qui n’a pas associé Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur et présidente de la province Sud de Nouvelle-Calédonie, aux décisions gouvernementales sur l’avenir du territoire afin de ne pas privilégier l’une des parties calédoniennes.
La mission d’information insiste surtout sur l’échéance des prochaines élections provinciales prévues en mai 2024. Depuis l’accord de Nouméa, seules les personnes inscrites sur les listes électorales avant 1998 peuvent se prononcer ce qui exclut une partie de la population. Ce qui soulève, pour les sénateurs, de « sérieuses difficultés sur le plan constitutionnel. Or, il convient à l’évidence d’organiser les prochaines élections provinciales sur des fondements incontestables ».
Ils demandent « l’élaboration rapide d’un nouveau statut pour la Nouvelle-Calédonie ». « Au regard de l’enjeu que représente l’aboutissement des discussions », le Sénat demande à ne pas exclure un éventuel report des élections « s’il s’avérait impossible de procéder autrement, pour une durée nécessairement limitée par les impératifs de conformité à la Constitution ».
Dans quelques jours, Emmanuel Macron se rendra en Nouvelle-Calédonie et les sénateurs espèrent que cette visite lance la mise en œuvre de leurs recommandations.
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