En marge de l’ouverture du Congrès des maires de France, le gouvernement s’est engagé à porter devant l’Assemblée nationale en janvier une proposition de loi déjà adoptée par le Sénat, et qui vise à améliorer les conditions d’exercice du mandat d’élu local.
Nouvelle-Calédonie : le Sénat donne son feu vert à l’élargissement du corps électoral aux élections provinciales
Par Simon Barbarit
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Par 233 voix contre 99, le Sénat a largement adopté le projet de loi constitutionnelle visant à élargir le corps électoral pour les élections provinciales de Nouvelle Calédonie. Un texte qui ouvre le corps électoral aux personnes résidant depuis plus de dix ans en Nouvelle-Calédonie. Depuis la révision constitutionnelle de 2007, seules les personnes inscrites sur les listes électorales avant l’Accord de Nouméa de 1998 peuvent voter aux élections provinciales. Le gel du corps électoral devait être transitoire, mais a fini par durer après trois référendums sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie, qui a vu le « non » l’emporter.
La révision constitutionnelle sur un scrutin majeur pour ce territoire vient d’ailleurs percuter les négociations destinées à imaginer un nouvel avenir institutionnel à la Nouvelle-Calédonie qui figure sur la liste des territoires non-autonomes à décoloniser de l’ONU. Une manifestation rassemblant plusieurs milliers d’indépendantistes se tenait à Nouméa, ce mardi, pour contester un passage en force du gouvernement. Ils craignent une marginalisation les Kanak, peuple autochtone de Nouvelle-Calédonie, dans la répartition des sièges dans les provinces qui déterminent la composition du Congrès et l’élection président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie. Une autre manifestation se tenait devant le Palais du Luxembourg. A la tribune, Robert Xowie, sénateur indépendantiste calédonien, membre du groupe communiste au Sénat, a dit craindre « une dilution de la citoyenneté calédonienne dans la citoyenneté française, avec la volonté du gouvernement français de faire disparaître toute perspective d’indépendance du peuple kanak ». Il a rappelé les demandes du FLNKS : retirer le projet de loi et mettre en place une mission de médiation conduite par une personnalité garantissant l’impartialité de l’Etat.
« Le dégel ne peut être imposé unilatéralement », pour la gauche du Sénat
La gauche a voté contre le projet de loi. Corinne Narassiguin, cheffe de file des sénateurs PS sur ce texte, reconnaît que le dégel du corps électoral est une nécessité constitutionnelle pour la Nouvelle-Calédonie. Néanmoins, son groupe estime que « le dégel ne peut être imposé unilatéralement, en amont de tout accord global » sur l’avenir institutionnel de l’île. « C’est l’imposition unilatérale de ce projet de loi constitutionnelle qui a ravivé les tensions politiques dans un contexte économique et social qui se dégrade chaque jour », a-t-elle ajouté.
La situation économique est, en effet, sensible, avec une filière nickel en grande difficulté et un projet controversé de taxe carburant, finalement retiré à la demande du gouvernement calédonien et de son président indépendantiste Louis Mapou après plusieurs jours de blocage des dépôts de carburant. Corinne Narassiguin et Mélanie Vogel, sénatrice écologiste, se sont émues des déclarations de l’ancienne ministre, leader des loyalistes et présidente de la province Sud, Sonia Backes, contre le gouvernement local qu’elle juge « illégitime ». « Je le dis à Paris aujourd’hui, aux parlementaires qui tremblent : le bordel, c’est nous qui le mettrons si on essaie de nous marcher dessus ! », a prévenu, la semaine dernière, l’ancienne secrétaire d’Etat en charge de la Citoyenneté (2022-2023).
« Desserrer l’étau de la discussion »
La majorité sénatoriale n’a pas tremblé, mais a néanmoins amendé le texte afin « d’être clair dans les objectifs » et « ouvert dans à la discussion » comme l’a rappelé, François-Noël Buffet, le président LR de la commission des lois. Le rapporteur, Philippe Bas, a fait adopter un amendement permettant « de desserrer l’étau de la discussion ». Sous la plume des sénateurs, le processus électoral pourra être suspendu jusqu’aux dix derniers jours précédant le scrutin qui doit se dérouler au plus tard avant le 15 décembre 2024, dans le cas où un accord global serait trouvé. Le gouvernement avait fixé date limite au 1er juillet, parfois perçue localement comme un ultimatum. Un deuxième amendement prévoit la pérennité du dégel du corps électoral à toutes les élections provinciales à venir et pas seulement applicable au scrutin de 2024 « mais cela n’empêche pas que ce critère soit rediscuté dans le cadre d’un accord global », a précisé François-Noël Buffet.
Enfin, L’amendement de Philippe Bas supprime l’habilitation donnée au gouvernement de pouvoir organiser par décret le prochain scrutin provincial. « Soucieux d’éviter tout contournement du Parlement », l’amendement remplace le décret par une loi organique votée dans les conditions d’une loi ordinaire afin de conserver cet objectif de rapidité. « Ce n’est pas possible sans contrevenir gravement à nos exigences constitutionnelles car ce qui touche au droit de suffrage des Français doit bénéficier de la garantie d’un vote de la représentation nationale et non dépendre d’un acte du gouvernement. C’est tout simplement une exigence démocratique », avait rappelé Philippe Bas à publicsenat.fr.
Les amendements du Sénat « de nature à déstabiliser le processus engagé »
Lors de l’examen du texte, Gérald Darmanin avait estimé que ce dernier amendement empêchait de convoquer les élections provinciales suffisamment à temps ». Le ministre avait également considéré que les ajouts du Sénat allaient compromettre les chances de voir l’Assemblée nationale voter le texte dans les mêmes termes. Pour mémoire, un projet de loi constitutionnelle doit être adopté à l’identique à l’Assemblée avant d’être soumis à tous les parlementaires réunis en Congrès, où une majorité des trois cinquièmes sera nécessaire.
Avant d’y renoncer, Gérald Darmanin avait même envisagé de demander une seconde délibération du Sénat sur l’article ainsi amendé. Absent mardi en raison d’un déplacement à Singapour, c’est Marie Guévenoux, ministre déléguée chargée des Outre-mer qui était au banc des ministres. Elle a maintenu que ces trois amendements « étaient de nature à déstabiliser le processus engagé ».
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