En marge de l’ouverture du Congrès des maires de France, le gouvernement s’est engagé à porter devant l’Assemblée nationale en janvier une proposition de loi déjà adoptée par le Sénat, et qui vise à améliorer les conditions d’exercice du mandat d’élu local.
Loi de programmation militaire : le porte-avions de nouvelle génération estimé « à 10 milliards d’euros », affirme Sébastien Lecornu
Par François Vignal
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Changement de théâtre d’opérations pour la loi de programmation militaire (LPM). Car après l’Assemblée, le texte, qui prévoit un budget de 413 milliards d’euros pour les forces armées sur la période 2024-2030, va faire son entrée au Sénat. Largement adopté par les députés ce mercredi, avec 408 voix pour, dont les 61 députés LR qui étaient pourtant partagés sur le sujet, 87 voix contre et 53 abstentions, la LPM pourrait également profiter d’un plutôt bon accueil à la Haute assemblée.
« Présupposé favorable » des sénateurs LR, mais avec des « points de vigilance »
Déjà auditionné deux fois sur le texte, dont la dernière sur les objectifs de la LPM, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a été de nouveau entendu ce mercredi, en fin de journée, par les sénateurs, en vue de l’examen en séance programmé fin juin. « Nous partons nous aussi d’un présupposé favorable à ce projet de loi car il poursuit le redressement de notre effort national », a salué d’emblée le président LR de la commission des affaires étrangères et de la défense, Christian Cambon, qui sera également rapporteur sur le texte. Comparé à la précédente loi de programmation et ses 295 milliards d’euros, la hausse du budget de la défense est en effet sensible.
Les sénateurs ont « néanmoins identifié des points de vigilance. […] Nous avons des interrogations sur le cadencement de l’effort proposé », tempère Christian Cambon. Comme son collègue LR Cédric Perrin l’avait déjà pointé, les sénateurs ont aussi « des interrogations sur la nature des recettes extrabudgétaires », qui s’élèvent à 13 milliards d’euros sur les 413 de la LPM. Ils ont surtout « un vrai problème particulier sur l’accès des parlementaires aux informations », forcément sensibles, que Christian Cambon juge trop limité. Le sénateur du Val-de-Marne met au passage en garde :
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Clause de « revoyure en 2027 »
Brossant à grands traits les débats de l’Assemblée et les modifications apportées au texte, Sébastien Lecornu soutient que « la question du contrôle parlementaire est un sujet clef ». Un amendement a d’ailleurs été adopté pour prévoir une clause de « revoyure en 2027, avec un vote du Parlement, partant du principe qu’un nouveau président de la République serait à même de remettre au goût du jour des orientations stratégiques », explique le ministre.
Un ministre qui reconnaît que « des indicateurs sont classifiés, comme la disponibilité technique opérationnelle », la DTO, mais « sur la DT, la disponibilité technique, il faut faire un pas en avant », a bien voulu admettre Sébastien Lecornu. « Le nombre d’hélicoptères est une chose. Le nombre d’hélicoptères qui peut réellement voler en est une autre. Et c’est ça, la DT », explique le ministre, qui insiste sur l’importance d’être en « capacité à faire » et d’utiliser réellement les moyens armés, plutôt que de se concentrer sur le strict nombre d’hélicoptères ou de chars.
Porte-avions : « On se paie notre autonomie française. Forcément, si on achetait américain, ça coûterait moins cher »
Outre le maintien au niveau de la dissuasion nucléaire, qui a largement occupé les députés, comme elle devrait le faire avec les sénateurs, la LPM prévoit un nouveau joujou militaire de taille : un porte-avions flambeau neuf. « Le porte-avions s’est évidemment largement invité dans les débats à l’Assemblée nationale, entre ceux qui veulent qu’on le supprime tout de suite, et ceux qui en veulent un deuxième », a expliqué Sébastien Lecornu. « Le texte de l’Assemblée dit que le successeur du Charles de Gaulle est confirmé. Cela m’a permis de reclarifier l’utilité d’un porte-avions dans les différentes missions », précise le ministre.
Les députés ont aussi adopté un amendement prévoyant « un rapport au Parlement sur la faisabilité du coût d’un deuxième porte-avions. Cela ne veut pas dire qu’on veut un deuxième. On n’est pas capable de se le payer », prévient aussitôt Sébastien Lecornu. Et pour cause. Ce Pang, pour porte-avions nouvelle génération, coûte une petite fortune, dont le ministre a donné une nouvelle estimation devant les sénateurs : « Le Pang est une classe à 10 milliards d’euros. En revanche ce sont les travaux qui vont être menés dans les 18 mois qui viennent qui vont vous permettre d’affiner les sommes, que j’espère pas à la hausse », a lâché le ministre des Armées (voir la vidéo), qui ajoute au passage, qu’« au milieu de tout ça, vous avez un sujet de souveraineté industrielle. Car les chaufferies (le porte-avions sera à nouveau à propulsion nucléaire, ndlr) sont avec un savoir-faire qui correspond à celle qu’on a sur les SNLE (sous-marin nucléaire lanceur d’engins) et les SNA (sous-marins nucléaires d’attaque). Donc évidemment, on se paie notre autonomie française. Forcément, si on achetait américain, ça coûterait moins cher. Faut aussi mettre les pieds dans le plat. Tout cela coûte aussi un peu plus cher, car c’est franco-français, en autonomie, et que c’est lié à la dissuasion ».
« Pour le coup, il faudra faire la vérité des prix. Car il y a trop de fausses légendes, de rumeurs sur le porte-avions pour qu’on ne vienne pas le documenter devant la représentation nationale », soutient celui qui a par ailleurs été élu sénateur en 2020, mais ne siégeant pas du fait de sa présence au gouvernement. D’un poids de 75.000 tonnes, avec 2.000 marins à bord, le Pang est attendu pour ses premiers essais en mer en 2036-2037. « La LPM y consacrera 5 milliards d’euros » avait affirmé au Parisien le ministre. Mais le coût total est donc estimé au double.
« Notre modèle d’armée n’est pas un modèle d’agression. L’armée française n’envisage pas d’envahir les pays limitrophes »
Réagissant à une intervention du sénateur PCF Pierre Laurent, qui pointe « l’absence de débat en amont sur la nature de la conflictualité mondiale, la nature des menaces » et au fond, une série de questions – la LPM « pour quoi faire ? La guerre où ? Avec qui ? Et quel objectif ? » – le ministre a voulu rappeler le sens de l’existence de l’armée française.
« De fait, notre modèle d’armée n’est pas un modèle d’agression. L’armée française n’envisage pas d’envahir les pays limitrophes. Je le dis sur un ton provocant et badin mais c’est utile de dire ce qu’on attend des armées », a réagi Sébastien Lecornu, qui rappelle que la France entend « participer à l’Otan et dissuader des agressions qui viennent de l’extérieur de l’Otan. Le compétiteur russe en est un exemple. Je le nomme, c’est dit ». Sans oublier « notre doctrine strictement défensive de protection des intérêts vitaux d’une menace venant d’un agresseur étatique ». Une fois l’examen terminé au Sénat, puis au Parlement, le gouvernement espère promulguer la LPM autour du 14 juillet. De quoi, pour Emmanuel Macron, égayer le défilé militaire.