Législatives 2024 : un fonctionnaire a-t-il le droit de désobéir à un ordre gouvernemental ?
Par Alexis Graillot
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« Parce que nous servons l’Etat, nous déclarons dès aujourd’hui qu’aucun d’entre nous n’appliquera de mesures qui contreviendraient aux valeurs de la République. Nous ne serons pas les exécuteurs d’une politique contraire aux principes qui fondent notre attachement au service public d’éducation », lancent des inspecteurs, proviseurs ou principaux, dans une pétition déjà signée par plus de 2000 personnes.
Cette désobéissance affichée en cas de victoire du parti d’extrême-droite aux élections législatives contreviendrait-elle au cadre légal ? Eléments de réponse.
Le principe : obligation d’obéissance hiérarchique d’un agent public
Codifiées au sein du Code général de la fonction publique, les obligations des fonctionnaires en matière d’obéissance hiérarchique, sont clairement énoncées par le texte, qui en son article L121-10 énonce clairement : « L’agent public doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique ».
De ce principe, découlent plusieurs obligations énumérées sur le site gouvernemental sevice-public.fr. Ainsi, l’agent public est tenu de « respecter les lois et règlements de toute nature » et de « se soumettre au contrôle de son supérieur hiérarchique ».
En outre, en vertu de l’article L121-9 du même code, le fonctionnaire est « responsable de l’exécution des tâches qui lui sont confiées ». De manière négative, cela signifie que si l’agent public refuse d’exécuter certaines de ses responsabilités, il se soustrait à cette obligation.
Les exceptions : ces cas où un fonctionnaire peut désobéir
Ce principe n’est pourtant pas universel et absolu, certaines circonstances justifiant que l’agent public puisse désobéir. Tout d’abord, le fonctionnaire peut se soustraire à cette obligation si « l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public ». A noter la présence de la conjonction « et », qui implique que ces deux conditions doivent être réunies pour pouvoir justifier un manquement à cette obligation. Le site service-public.fr cite par exemple le cas où un agent public refuserait d’exécuter « un ordre visant à accorder ou refuser une prestation pour des motifs discriminatoires ».
Autre cas possible de désobéissance pour un agent public, si ce dernier a « un motif raisonnable de penser qu[e la situation de travail] présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ». Ce « droit de retrait » existe de manière analogue dans le Code du travail pour les salariés du secteur privé. Il revient cependant à l’agent de prouver que la situation d’espèce répondait à ces critères.
Sanctions disciplinaires possibles
En cas de non-respect de ce principe, l’agent fautif risque des « sanctions disciplinaires », qui peuvent varier selon la nature du manquement à cette obligation, du simple avertissement, en passant par le blâme, voire la rétrogradation à l’échelon inférieur ou même la révocation. Des sanctions financières sont également possibles, via une retenue sur salaire.
Enfin, à l’inverse des salariés du privé, les agents publics sont tenus à un « devoir de réserve », découlant du principe de « neutralité » du service public, qui oblige ce dernier à « faire preuve de retenue dans l’expression écrite ou orale de ses opinions personnelles ». Cette notion de « retenue » n’étant pas clairement définie dans la législation ou la jurisprudence et pouvant différer selon le poste et les responsabilités de l’agent public, il revient au juge administratif d’apprécier au cas par cas, le manquement ou non à ce devoir.
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